Politique Le 20 octobre 2013

6 octobre, Genève a son Aube dorée

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6 octobre, Genève a son Aube dorée

[DR]

Je m’étais promis de ne pas commenter les votations cantonales genevoises de ce 6 octobre 2013, tant le résultat était prévisible. Et bien non, je n’ai pu me retenir, ni même attendre la publication des chiffres officiels. Quels que puissent être ces chiffres, la tendance, claire et sans appel, est là : près d’un tiers du gouvernement est à l’extrême droite!

Et j’ai honte. Honte de cette politique genevoise cumulant les âneries. Honte de cette droite « libérale » qui ose encore se définir humaniste, mais qui depuis une bonne décennie, forte de sa majorité, s’est déconnectée de la population pour se rapprocher de l’élite oligarchique économique et a déroulé le tapis rouge à l’extrême droite, à coup d’austérité, de politique « sécuritaire » et de diabolisation de l’étranger migrant. Il est fort à parier qu’après la déconfiture de ce 6 octobre, cette droite libérale va continuer, à l’instar de ce que racontait un conseiller d’État PLR vaudois, à singer l’extrême droite. Mais comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis…

J’ai honte de cette gauche (que certains amis appellent très justement la « drauche » ou « groite ») qui, sous prétexte d’être minoritaire, a trop concédé, trop avalé de couleuvres, trop fait de concessions pour rester crédible, tant à sa base qu’auprès des abstentionnistes. On ne peut lutter contre la pollution, contre les inégalités sociales ou pour les droits humains si, dans le même temps, on tolère la présence de multinationales du négoce de matières premières (pétrole, etc.) à l’aide d’allègements fiscaux, ou que l’on défende, d’une manière ou d’une autre, la croissance. J’ai honte de cette gauche molle, verte et socialiste, qui a sombré dans l’illusion du « centre », tombant ainsi dans le piège de ce que certains politologues appellent à raison « l’hyper-centre », nouvel extrémisme du paysage politique.

J’ai honte aussi de cette gauche de la gauche dont les crises d’ego à répétition ont laissé sur le carreau, depuis huit ans, près d’une quinzaine de pourcents des votants, permettant au cancer de l’extrême droite de s’installer pour durer. La gauche de la gauche la plus bête du monde qu’on disait. Heureusement, cette gauche de la gauche a, apparemment, appris de ses erreurs et, enfin unie, pourrait bien sauver les meubles en entrant au Grand conseil ; reste qu’avec environ 8%, on reste encore loin des scores potentiels des années précédentes. Le mal est fait!

J’ai honte de cette abstention. Plus de 60% des citoyennes et citoyens genevois n’ont même pas daigné faire un acte « citoyen » d’une simplicité pourtant enfantine : glisser deux listes (même neutres) dans une enveloppe et l’envoyer (sans frais) par la poste. Dans un canton connu nationalement pour être celui des râleurs, on ne se bouge pourtant pas beaucoup pour corriger le tir. Il en résulte que Genève ne change pas et reste à droite. Ou si, quand même un peu : elle plonge encore un peu plus dans la vague brune.

J’ai honte de ces médias locaux ou nationaux (le porte-parole des populistes le GHI, la Tribune de Genève, le Matin, le gratuit 20 Minutes) d’avoir délaissé leur rôle de contre-pouvoir, d’avoir abandonné l’information de fond, l’enquête journalistique et la critique du pouvoir. Un candidat d’Ensemble à Gauche a eu beau pousser un coup de gueule sur le plateau de la Radio Télévision Suisse, dénonçant les biais démocratiques des débats organisés par la chaîne publique, l’écho que ce coup de gueule aurait mérité a été faible. Pourtant, la presse locale comme nationale baisse en qualité : la mainmise des intérêts économiques (Tamedia) étant forte. Actuellement, à l’image de la Tribune de Genève et de sa rédaction, on ne cherche plus à savoir si les peurs de la population sont fondées ou non ; pour garder des parts de marché, on ne fait donc que suivre ces peurs. Banquiers, financiers et autres avocats d’affaires (pourtant nombreux parmi les cadres d’un parti d’extrême droite qui cartonne à Genève) peuvent continuer à jouer impunément avec les fortunes de l’oligarchie, lui permettant d’échapper à ses devoirs civiques. La place économique genevoise peut continuer à appauvrir le monde en jouant avec ses ressources, et tant pis si des gens se voient contraints d’émigrer pour cela. Tout va bien à Genève : l’emploi est bon … et on ne parle pas trop de l’explosion des aides sociales, du cas Gate Gourmet, des Emplois de Solidarités ou des grèves à l’Office Cantonal de l’Emploi pour ne donner que ces exemples. Et bien sûr, il se trouve des journalistes stars des médias genevois, comme Pascal Decaillet, pour se réjouir du triomphe de l’extrême droite… Tout est dit!

Enfin, j’ai honte de ce canton et de ses citoyens! Dans une région où, jusqu’ici du moins, l’éducation et la formation fonctionnaient encore pas trop mal, il est insensé de voir les partis de l’ignorance, les partis les plus xénophobes, les partis où la culture brille par son absence, être ainsi portés à la majorité. Mais, dans une société où la publicité est toute puissante, où la consommation compulsive est une raison de vivre (nous poussant à accepter bêtement des libéralisations d’ouvertures de magasins par exemple) et où Nabilla est plus médiatisée que l’érosion de la biodiversité ou la souffrance chronique due aux politiques d’austérité budgétaire, nous avons peut-être là, sous nos yeux, la preuve de l’abrutissement de notre population par le dogme ultralibéral. Et bien oui, la publicité et le consumérisme nous ayant rendu suffisamment cons pour acheter tout et n’importe quoi, ils nous ont aussi rendu assez cons pour voter comme nous l’avons fait ce dimanche 6 octobre!

Mais au fond, comme je le relevais dans mon billet Vague brune, on peut se poser une question : qui, en Europe, peut éviter cette honte de voir l’Histoire, la sale Histoire, se répéter? Partout, dans cette Europe, l’extrême droite gagne du terrain. Après les Juifs des années 1930, ce sont les Roms, les migrants, les Musulmans ou encore les frontaliers qui sont venus les remplacer sur l’autel des vindictes populaires. Ironie du sort, cette même Europe, qui a eu l’honneur, parfaitement déplacé et injustifié, de recevoir le prix Nobel de la paix, vient d’être éclaboussée par la tragédie de Lampedusa (une de plus), soulignant les dérives de cette coupable politique du repli sur soi. Qu’importe : après la Grèce et son Aube dorée ou l’Autriche et son FPÖ, Genève vient de redonner confiance, pour cinq ans, à l’extrême droite xénophobe. La région des institutions internationales perd définitivement son statut d’ouverture sur le monde.

J’ai lu quelque part qu’en Occident, le confort, la stabilité et la paix avaient une bizarre tendance à enfanter la connerie. La richissime Genève, en mettant à la majorité le Mouvement Citoyen Genevois, l’UDC et leur cohorte d’avocats d’affaires travaillant ou ayant travaillé avec des sociétés offshore, de financiers proches des banques ou de copains de propriétaires immobiliers, vient d’en donner une spectaculaire illustration!

 

Commentaires

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Quentin

Avant de vouloir parler de "sale Histoire" faudrait d'abord la connaître. Les roms et les migrants étaient déjà sous le…

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Quentin

Avant de vouloir parler de « sale Histoire » faudrait d’abord la connaître. Les roms et les migrants étaient déjà sous le feux de votre vindicte populaire. Les musulmans eux l’étaient mais en proportion différentes puisqu’ils ne posaient pas problème puisque loin d’ici. Le problème de l’islamisme rampant aujourd’hui n’a aucune commune mesure à la situation générales des années 30. Mais la réalité de l’Histoire c’est qu’elle se répètera tant que la gauche continuera de détruire l’Occident à petit feux. L’histoire grecque moderne le démontre. Le socialisme crée l’extrême droite. Pire ! Le socialisme crée le socialisme national, et par conséquent, du nazisme.
Alors est-ce qu’à Genève la gauche a réussi à crée une situation équivalente à celle d’une Grèce nasillarde ? Je ne le pense pas, ou du moins, j’espère ne pas devoir y penser. Le seul moyen d’éviter de tomber dans ce dogme est de refuser le dogme socialo qui ruine l’âme des nations et des citoyens. La droite au gouvernement à Genève a beaucoup de travail à présent pour rétablir une situation qui devrait, à terme, revenir vers un centre droit aux élections.
Ces élection à Genève surviennent suffisamment tôt pour que les choses se règlent d’elles même, c’est le côté positif de la chose. En France cela se passera différemment, c’est certain.

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