International Le 12 novembre 2014

Aux États-Unis et ailleurs, la démocratie est hors de prix

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Aux États-Unis et ailleurs, la démocratie est hors de prix

© metronews.fr

Le premier enseignement à tirer des récentes élections américaines dites « de mi-mandat » n’est pas la victoire des républicains avec les blocages qui vont s’ensuivre entre le Congrès et la Présidence. Après tout, ce n’est pas la première fois que les États-Unis connaissent pareille situation. Non, l’information principale réside dans le coût phénoménal de cette campagne électorale : quatre milliards de dollars. Un record historique. En comparaison, la campagne présidentielle de 2012 entre Obama et Romney fait gagne-petit : 2,5 milliards de dollars. Or, elle était déjà la plus coûteuse de l’histoire américaine. In Gold we trust ! (photo : le nouveau bulletin de vote américain)

Ce montant de quatre milliards de dollars représente dix fois le budget que le gouvernement des États-Unis a réuni pour lutter contre le virus Ebola, a rappelé la chaîne CNN. Et pour quoi faire ? Payer des équipes spécialisées dans le porte-à-porte et la veille des réseaux sociaux. Fabriquer du matériel électoral qui fait de la pub McDonald’s un sommet de finesse artistique. Et surtout, tourner des clips vidéos plus stupides et plus menteurs les uns que les autres, propagande qui donne une image effrayante du niveau culturel moyen aux États-Unis (voir la vidéo plus bas). Ces débilités valent dix fois la lutte contre Ebola. C’est à mourir, et pas que de rire.

Bien entendu, ce flot de dollars n’a rien de gratuit. Si les frères pétroliers Koch balancent 290 millions de dollars (selon Le Figaro) dans la campagne de cet automne, c’est bien pour imposer la liberté de polluer, par le truchement d’élus bien dressés, devenus les chiens de garde de leur coffre-fort. Et si le milliardaire Tom Sayer a donné 74 millions aux candidats soucieux de l’environnement, cela ne rend pas plus démocratique ce type d’élection qui est vicié par cette pompe à phynance. Ce n’est pas de la corruption au sens juridique du terme. Mais le résultat, en fin de compte, est le même. Par cet afflux massif de fonds, le processus de prise de décision est dévié au profit d’une minuscule minorité dorée sur tronche.

En France, on a vu avec l’affaire Bygmalion à quel point le financement des campagnes présidentielles devient sujet à enquêtes pénales. En Suisse, c’est presque pire. Le milliardaire Blocher est en mesure de financer à flux continu son bourrage de crâne raciste, sans que cela ne choque grand monde.

L’Europe n’est donc pas épargnée, loin de là. L’américanisation de la vie politique ne peut que poursuivre son cours fangeux. D’autant plus que les militants bénévoles se font de plus en plus rares. Même pour coller des affiches, il faudra payer des équipes. Cela se pratique d’ailleurs déjà maintenant. En outre, les nouvelles techniques de propagande sur le Ouèbe nécessitent des compétences qu’il faut bien rémunérer. Et comme aux États-Unis, les propagandistes professionnels – appelés communicants en langue de bois – frapperont les esprits assoupis en recourant à l’image violemment stupide. Ou stupidement violente.


Citée par le site Publico relayé par Libération, cette pub payée par l’association des gouverneurs démocrates, suggère que le gouverneur républicain du Texas, Rick Perry, a voulu inoculer aux jeunes filles de l’État une maladie sexuellement transmissible…

 

Ce cirque électoral, malgré ses grosses tatanes de clowns, intéresse de moins en moins la population. La démocratie ne signifiera bientôt plus rien. Elle sera à réinventer. Et cette réinvention – mais par qui et comment ? – est la seule lueur d’espoir qui clignote à l’horizon.

En attendant, face aux tyrannosaures intégristes, le monde démocratique semble à bout de souffle. Sauf pour certains qui ne manquent pas d’air et peuvent même se le payer très cher, s’il venait à manquer.

 

Pour décou­vrir d’autres textes sous la plume de Jean-Noël Cué­nod, n’hésitez pas à lire son blogue et à vous abon­ner à sa « Niouze Létaire du Plouc » à l’adresse jean-noel.cuenod@orange.fr.

 

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