Genre Le 6 mars 2016

L'Entretien Jet d'Encre #4,
Avec Nathalie Schneuwly

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Avec Nathalie Schneuwly

Nathalie Schneuwly est une femme engagée. Dans la vie politique d’une part, mais également au sein du monde associatif. En 2009, elle est élue au Grand Conseil genevois où elle siègera durant quatre ans en tant que députée libérale-radicale. De 2012 à 2014, elle assume la fonction de présidente des Genevoises PLR, avant de prendre la tête du CLAFG, le Centre de liaison des associations féminines de Genève, poste qu’elle occupe actuellement.

Créé en 1937, le CLAFG a pour objectif de regrouper et coordonner les associations membres et promouvoir l’égalité hommes-femmes. Il encourage notamment les femmes à prendre des responsabilités, quel que soit le domaine (social, culturel, sportif, santé publique, économique, politique), et souhaite que ces dernières se sentent toutes représentées par sa structure, sans discrimination. Ses membres sont principalement des associations, groupements ou fondations féminines et/ou féministes, mais il compte aussi sur des membres individuels. Parmi ces derniers, un seul homme ! « L’idéal serait d’en avoir plus qui s’intéressent à la cause féminine », indique Nathalie Schneuwly en assurant qu’un travail de communication plus poussé sera effectué à cet égard. 

Représentativité des femmes dans les Chambres fédérales, « vote féminin », clivage gauche-droite en termes d’égalité ou encore affiches de l’UDC : voilà un aperçu des thématiques abordées dans ce quatrième « Entretien Jet d’Encre ». 

 

 

Le CLAFG publie notamment un document rassemblant des avis de femmes politiques s’exprimant sur les différents objets cantonaux et fédéraux de vote. Quel est le but de cette initiative ?

Nathalie Schneuwly : Nos « Nouvelles politiques » ont pour but d’informer sur les votations par des textes politiques courts. Contrairement à la brochure de vote, nos avis sont partisans. Toutefois, nous donnons la même place à un avis pour et un avis contre, par égalité de traitement. Le choix de demander uniquement à des politiciennes a pour but de montrer aux femmes que celles-ci s’engagent dans tous les partis et défendent toutes les positions. Il est important que les jeunes filles puissent s’identifier à des modèles. Enfin, il est reconnu que les femmes mènent souvent une double vie (familiale-professionnelle), elles ont peu de temps à consacrer en plus à la politique. Des avis courts leur permettent ainsi de se forger rapidement une opinion, surtout lorsqu’il y a autant de sujets que pour les dernières votations du 28 février [4 fédéraux, 8 cantonaux et 1 communal en Ville de Genève]. En revanche, nous ne sommes pas sectaires et nous sommes ravies si les prises de positions de nos politiciennes sont lues aussi par des hommes. Les femmes peuvent apporter un éclairage différent qui peut intéresser tant l’électorat féminin que masculin.

 

Vous êtes vous-même l’ancienne présidente des Genevoises PLR et actuellement députée suppléante pour ce parti au Grand Conseil. Comment faites-vous pour transcender les divergences d’opinion partisanes qui pourraient potentiellement se révéler nuisibles pour le CLAFG ?

NS : Le CLAFG est apolitique, mais fait notamment la promotion des femmes en politique. C’est déjà en soi un exercice difficile, car pas toujours bien compris. La politique est un élément fondamental de notre démocratie, on ne peut pas y faire abstraction. Les femmes doivent comprendre que beaucoup de choses se décident à ce niveau. Elles sont souvent très actives dans les milieux associatifs, mais négligent parfois la politique. Or, lorsque vous vous engagez pour une cause, il est indispensable de se faire entendre par les politiques pour relayer vos préoccupations, rendre la thématique publique ou encore obtenir des subventions.

Le fait que je sois une politicienne a permis de favoriser les ponts entre le CLAFG et le monde politique. Nous avons redonné un nouvel élan aux « Nouvelles politiques », réuni de nombreuses politiciennes pour une flashmob à Plainpalais le 8 mars 2015 ou encore organisé une grande manifestation électorale avec toutes les candidates pour la campagne des élections fédérales.

En ce qui concerne mon appartenance politique, je crois avoir démontré que je savais faire la distinction entre ma fonction de députée et la défense des intérêts féminins en ne faisant pas de favoritisme et en donnant la parole à toutes. Le fait que le CLAFG ne prenne pas de positions politiques en tant que tel facilite la tâche. Il faudra demander à des femmes de gauche ce qu’elles en pensent au moment de tirer mon bilan à la tête de l’association.

 

Dans un article publié sur Jet d’Encre après les élections fédérales d’octobre 2015, Charlotte Frossard soulignait que le nouveau Conseil national serait composé de 32% de femmes seulement. Sachant qu’elles constituent 50,5% de la population suisse, comment expliquez-vous ce fossé de représentativité ?

NS : Les femmes n’ont acquis le droit de vote qu’en 1971 en Suisse. Elles ont donc un retard démocratique à combler. Par ailleurs, il faut relever qu’actuellement presque toutes les femmes travaillent. Lorsqu’elles ont des enfants, elles doivent déjà concilier vie familiale et vie professionnelle ; ajouter à cela une vie politique n’est pas forcément facile.

Le travail parlementaire, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal, demande un très gros investissement en temps, alors qu’il s’agit d’un travail de milice. Même pour les hommes cela devient toujours plus difficile. À Genève, on s’aperçoit qu’il y a de plus en plus de retraités et d’employés d’associations professionnelles qui représentent leur branche – que ce soit à droite ou à gauche – par exemple la Chambre genevoise immobilière ou l’Asloca, pour ne citer que le domaine de l’immobilier que je connais.

Malgré ces difficultés, des femmes de qualité s’investissent et les partis politiques doivent les mettre en avant. Les médias ont aussi leur rôle à jouer. Le CLAFG également. Lors des différentes élections de 2015, nous avions mis en ligne sur notre site un profil de toutes les candidates qui le souhaitaient, puis nous les avions relayés sur les réseaux sociaux.  Les électeurs et électrices doivent pouvoir voir les femmes pour les élire.

 

Selon la commission fédérale pour les questions féminines1, les électeurs des partis du centre et populistes élisent moins de femmes par rapport aux personnes proches des partis de gauche et écologistes. Pensez-vous donc que vous vous êtes engagée dans le mauvais parti ? Plus sérieusement, en n’affichant que 30,6% de femmes sur ses listes électorales, le PLR était le parti qui proposait le moins de candidates au Conseil national (derrière l’UDC et ses 19%) en octobre dernier. Qu’est-ce que cela vous inspire ? 

NS : Il est incontestable qu’à gauche la représentation féminine est plus proche de l’égalité qu’à droite. En général, ces partis ont adopté des règles de parité au niveau de la constitution des listes. La droite est beaucoup plus réfractaire à ces méthodes qui restreignent la liberté. On ne peut toutefois pas jeter la pierre aux hommes, car à droite la plupart des femmes sont aussi contre ces méthodes. Toutefois, au vu du temps que cela prend pour atteindre l’égalité, certaines s’impatientent et se rallient à la cause des quotas. C’est pour cette raison que ces partis doivent être vigilants, s’ils ne veulent pas se voir imposer des règles qu’ils réprouvent.

Si on regarde l’évolution des chiffres, il y a tout de même un peu d’espoir. En 2013, lors de l’élection au Grand Conseil à Genève, les femmes étaient 30% sur les listes, tout parti confondu ; elles furent 26% d’élues. En 2015, aux élections municipales, elles étaient cette fois 36% sur les listes et 35% d’élues. Les mentalités évoluent tranquillement. C’est pour cette raison qu’il faut soutenir la promotion des femmes par des actions, comme celles menées au CLAFG, et des méthodes pédagogiques, telles que des formations données par le Bureau de l’égalité pour encourager les femmes à se présenter sur les listes.

Quant au PLR, nous sommes effectivement en queue de peloton et je le regrette. Si j’avais la formule magique, je vous la dirais. Personnellement, je ne pense pas être dans le mauvais parti, puisqu’il représente mes idées et, en plus, cela ne m’a pas empêchée d’être élue. Lorsque j’ai pris la présidence des Genevoises PLR, j’avais déjà été élue, mon but était justement de montrer que nous pouvions y arriver et d’encourager les femmes à se présenter. Cette association a beaucoup de membres masculins qui s’engagent pour la promotion des femmes et la conciliation de la vie familiale et professionnelle. Pour moi, les femmes n’arriveront à rien contre les hommes, mais avec eux. Nous sommes complémentaires. Le partage des tâches, la facilité pour les hommes d’obtenir des temps partiels, le télétravail, la promotion des femmes ou encore la pédagogie sont les clés de la solution.

 

« Tous partis confondus, un mot d’ordre : Votez femmes! » Tel était le slogan du CLAFG à la veille des dernières élections fédérales. Ne craignez-vous pas que le « vote féminin » puisse se supplanter au vote sur le plan des idées, des valeurs ? N’est-ce pas en quelques sortes réducteur, en faisant l’hypothèse que toutes les politiciennes pensent et agissent de la même façon ?

NS : Bien que le mot d’ordre a été relayé par le CLAFG, il s’agissait toutefois d’un slogan lancé par la Commission fédérale des questions féminines. Beaucoup d’associations féminines, dont le CLAF suisse et les différents CLAF cantonaux l’ont adopté. Au risque de me répéter, il ne s’agit pas d’encourager un vote féminin contre les hommes au détriment des idées. Il convient vraiment de sensibiliser les hommes et les femmes à notre cause et les inciter à voter tant pour les uns que les autres. Le fait que les femmes soient élues dans la même proportion que les hommes serait déjà un bon point. Il n’y a pas de vote contre les femmes. Il reste à travailler la constitution des listes, notamment à droite. Si on pouvait y arriver sans les quotas, je serais personnellement ravie. Mes actes le prouvent. Mais je suis également de nature impatiente….

 

Pour terminer, un mot sur la dernière affiche de l’UDC au sujet de son initiative dite « pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en oeuvre) »: comment une femme comme vous, non seulement engagée en politique mais aussi dans le milieu associatif pour les questions d’égalité, réagit face à ce slogan?

udc

« Nos femmes » et « nos filles »: cette appropriation de la gent féminine suisse par l’UDC a provoqué de nombreuses réactions outrées.


NS : Ce slogan ne m’étonne pas de la part de l’UDC. Tout est bon à prendre pour faire dans la provocation. C’est dans leur ligne. Évidemment, je préfèrerais plutôt qu’ils soutiennent la promotion des femmes dans les entreprises et dans les conseils d’administration, qu’ils intègrent la notion d’égalité salariale ou encore qu’ils encouragent les femmes à se porter sur les listes.

À Genève par exemple, le groupe UDC n’a pas brillé ces derniers jours en soutenant un homme à la vice-présidence du Grand Conseil alors que le siège était promis à Christina Meissner [pourtant députée dans les rangs du parti de droite dure] qui avait réalisé jusque-là un excellent travail à son poste de deuxième vice-présidente. Heureusement, la solidarité féminine a permis d’éviter cette injustice2. Enfin, en tant qu’ancienne monitrice d’autodéfense, je n’aime pas ces insinuations réductrices qui cantonnent la femme au sexe faible. Les femmes sont tout à fait capables de se défendre !

 


[1] La politique suisse, noir sur blanc, Analyse de la Commission fédérale pour les questions féminines CQFQ, Régula Stämpfli, 2011.

[2] Pour en savoir plus sur cette « affaire », lire cet article du Courrier : http://www.lecourrier.ch/136933/christina_meissner_elue_vice_presidente_un_geste_feministe

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