Critique Médias Le 8 octobre 2016

Fin de la presse romande? Mobilisation!

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Fin de la presse romande? Mobilisation!

Manifestation de soutien au journal 24 heures, à Lausanne. [DR]

Les projets de Tamedia n’ont jamais été aussi clairs. Propriétaire de La Tribune de Genève et de 24 heures, les deux plus gros tirages de la presse quotidienne suisse de langue française, le groupe zurichois va réduire ces journaux à l’état de bulletin paroissial.

L’effectif sera réduit de 14% dans chacune des deux rédactions. Moult coupes claires ayant déjà été pratiquées, il tombe sous l’évidence que les journalistes ne pourront plus poursuivre la tâche assignée par leurs lecteurs, à savoir informer le plus complètement et le plus honnêtement possible, du Conseil municipal de Meyrin ou du Conseil communal de Vevey jusqu’aux G20 et aux G8.

Aveuglé par sa course stupide aux profits immédiats, Tamedia va donc ruiner à terme ces deux journaux qui, depuis 1762 (Feuille d’Avis de Lausanne devenue 24 heures) et 1879 (La Tribune de Genève), ont fait vivre la démocratie au cœur de la région lémanique.

Il y a deux attitudes possibles devant cette situation. La première consiste à verser des larmes plus ou moins sauriennes qui s’écouleront vers le Léman sans que cela n’élève son niveau d’un seul millimètre.

La seconde a pour but de transformer la colère en énergie créatrice. Les pétitions, les manifs, les déclarations des magistrats genevois et vaudois, tous ces soutiens aux deux rédactions démontrent que si les gnomes de Zurich avaient tablé sur l’indifférence du public pour ourdir leurs mauvais coups, ils se sont lourdement trompés.

Cela dit, comme il l’a déjà été écrit sur mon blogue, il ne sert à rien de vilipender Tamedia. On ne saurait compter sur des Zurichois pour défendre les intérêts de la Suisse romande. L’inverse aurait été aussi vrai, avouons-le.

Les limites de la solidarité confédérale sont aujourd’hui très vite atteintes. Nous ne vivons plus à l’époque d’une Suisse soudée, car entourée de dictatures menaçantes ou située à une étape de Tour cycliste de l’empire soviétique. Il faut donc faire un peu de géopolitique, même à l’échelle de la Confédération. Celle-ci compte au moins trois grands pôles d’activité économiques qui, pour l’instant, sont florissants : Zurich, dont l’influence est prépondérante dans le centre du pays jusqu’au Tessin ; Bâle, qui déborde sur l’Alsace et le Bade-Wurtenberg ; et l’Arc lémanique Genève-Lausanne qui attire les autres cantons romands ainsi que la France voisine.

Tout aujourd’hui est soumis à la concurrence la plus féroce. Ces trois pôles n’y échappent pas. Face à la puissance financière de Zurich, l’une des principales places européennes, l’Arc lémanique ne manque pas d’atouts : présence des grandes organisations internationales, d’états-majors de groupes industriels multinationaux et des universités qui figurent parmi les meilleures de la planète et égalent désormais celles de l’espace zurichois.

Dans ce contexte de concurrence, l’Arc lémanique ne peut pas se passer de médias qui couvrent l’ensemble des activités humaines, du local à l’international en passant par le national.

Laisser à d’autres le soin de raconter le monde, c’est prendre le risque de perdre pied au milieu d’une rivière en crue.

Dès lors, Tamedia ayant réduit ses deux grands quotidiens lémaniques à la portion « qu’on gruge », la création d’un nouveau média, papier et numérique, sous une forme ou une autre, s’invite à l’ordre du jour.

Mais pour ce faire, il faut des fonds. Ils ne manquent pas dans cet Arc lémanique opulent. Ce qui manque encore, c’est la volonté de ses décideurs économiques à prendre la clef de leur coffre-fort. Sans journalistes professionnels, point d’information de qualité. Mais sans bailleurs de fonds, point de médias.

Le Plouc rêve-t-il en espérant que les décideurs économiques et les professionnels des médias se réunissent un jour pour bâtir le pôle d’information dont l’Arc lémanique a besoin ? Sans doute, mais cela vaut mieux que de contempler en soupirant les vieilles photos jaunies d’un passé prestigieux pour oublier les vicissitudes d’un présent médiocre.

 


Pour décou­vrir d’autres textes sous la plume de Jean-Noël Cué­nod, n’hésitez pas à lire son blogue et à vous abon­ner à sa « Niouze Létaire du Plouc » à l’adresse jean-noel.cuenod@orange.fr. L’auteur a par ailleurs récemment publié un livre de poésie inti­tulé Entrailles célestes dis­po­nible direc­te­ment chez l’éditeur Edilivre-Aparis.

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