International Le 25 avril 2013

Guatemala – La tension monte autour du procès pour génocide en cours

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Guatemala – La tension monte autour du procès pour génocide en cours

18 avril 2013, manifestation spontanée après l’annonce de l’annulation du procès. (c) Ailene Richard – Observatrice ACOGUATE / NISGUA

Zuleika RomeroCommuniqué

Guatemala, le 24 avril 2013

Zuleika Romero – Observatrice ACOGUATE / Peace Watch Switzerland

 

Le 18 avril dernier, près d’un mois après le début du débat dans le cadre du procès pour génocide et crime contre l’humanité contre le peuple indigène Ixil, la juge Carol Patricia Flores du Tribunal d’Instance de Risque Majeur A (Tribunal de Instancia de Mayor Riesgo A) a annulé le débat oral et public qui arrivait à son terme. En effet, il ne restait plus que la déclaration de six témoins puis les plaidoiries. Cette annonce survient après une journée agitée dans les tribunaux de la capitale guatémaltèque et à quelques jours seulement d’une sentence tant attendue.

L’audience du jour a donc été ajournée dans la matinée après que les avocats de la défense aient abandonné la salle en signe de “résistance pacifique” après que la juge en charge du cas, Jazmín Barrios, ait rejeté toutes leurs tentatives (légales ou stratégiques) pour suspendre l’audience. L’ex-président de facto entre 1982-1983, Ríos Montt, et Sanchez Rodriguez, chef des services de renseignement intérieurs durant les mêmes années, sont alors restés sans défense, indignant ainsi les membres du Tribunal devant ce manquement manifeste à l’éthique des avocats. La juge a par ailleurs annoncé qu’elle porterait le cas devant le collège des avocats, une instance informelle chargée de réguler la pratique du métier. En parallèle, le Tribunal d’Instance de Risque Majeur A allait poursuivre dès 14h l’étude du recours déposé par la défense relatif à l’acceptation des preuves ; lequel avait été préalablement porté devant la Cour Constitutionnelle. Aux alentours de 15h30, la décision de la juge Carol Patricia Flores est tombée : pour des raisons procédurales, c’est l’ensemble des audiences qui sont remises en question, la procédure devra recommencer au stade à laquelle elle se trouvait le 23 novembre 2011. En d’autres termes, le procès pour génocide est purement et simplement annulé et reprendra au stade préalable de la qualification des charges. Cette annonce a eu l’effet d’une bombe pour les victimes et leurs familles, ainsi que pour les défenseurs des droits de l’homme qui luttent depuis le génocide.

Cette annonce a pris place dans un contexte national de tension après que l’actuel président de la République du Guatemala, Otto Perez Molina, ait été mentionné par un témoin comme le “général Tito”, officier dans un détachement militaire de la zone de Nebaj dans les années 80 et qui avait pleine connaissance des violations des droits de l’homme (tortures, exécutions, viols, détentions arbitraires…). Par ailleurs, ce dernier a annoncé le 16 avril dernier l’intention de déclarer l’Etat d’exception et le déploiement de plus de deux mille policiers et militaires supplémentaires au niveau national “afin de (…) freiner et réduire la violence”1 qui a augmenté depuis ce début d’année.

Rebondissement

Le déroulement du cas a pris une nouvelle tournure dans la matinée du vendredi 19 avril. En effet, après que la Procureur Générale, Claudia Paz y Paz, ait déclaré illégale cette résolution sur l’annulation du procès, la Juge Barrios a indiqué lors de l’audience du 19 avril qu’elle ne mettra pas en œuvre ladite résolution. Argumentant qu’un Tribunal de niveau similaire ne peut contraindre le Tribunal de Sentence en charge du cas, Jazmín Barrios a déclaré elle aussi illégale l’annulation du procès en se basant entre autres sur la résolution de la Cour Constitutionnelle (CC) du 3 avril dernier, qui indique qu’il n’est pas possible de reporter le processus à un stade préliminaire au début des débats, rendant de cette manière la résolution de la Juge Flores illégale. Cependant, soutenant que la décision de suspendre ou de poursuivre le débat ne peut être prise que par une autorité d’importance supérieure, Barrios a tout de même déclaré la suspension temporaire des audiences jusqu’à ce que la CC résolve sur la légalité ou non de ladite résolution, donnant ainsi un regain d’espoir à la justice pour les victimes et de mettre fin à des décennies d’impunité.

D’autre part, constatant une nouvelle fois l’absence des avocats de la défense, à la demande de l’accusation et dans le but de respecter le droit constitutionnel d’être défendus, dans le cas où les avocats de la défense poursuivraient leur “résistance pacifique” en ne se présentant pas aux côtés des accusés, le Tribunal a ordonné l’attribution d’un avocat d’office pour chacun des accusés, José Efraín Ríos Montt et José Mauricio Rodriguez Sanchez.

La séance s’est achevée avec les applaudissements de l’audience qui a salué la volonté de la Juge Barrios de permettre à la justice de poursuivre son chemin jusqu’à la sentence finale. Une manifestation spontanée s’est organisée sur le parvis des droits de l’homme, elle s’est dirigée pacifiquement jusqu’aux bâtiments de la CC pour exprimer l’indignation de toute une société devant l’injustice et pour affirmer haut et fort que la lutte n’aura de terme que lorsque la vérité sera connue. Ce même type d’action est prévu durant la semaine qui commence afin de demander rapidement la résolution du recours, pour pouvoir finalement conclure le procès, rendre justice au peuple Ixil et à la mémoire historique du Guatemala. Pour ce faire, la CC dispose de dix jours ouvrables pour donner ses conclusions. Si ce procès est fondamental pour permettre d’ouvrir la voie à la réconciliation nationale, son importance symbolique dépasse les frontières du pays. Ce serait en effet la première fois dans l’histoire du continent américain que serait reconnu le génocide perpétré contre une population autochtone, et nous ne pouvons que saluer la persévérance et le courage du Tribunal de Sentence dans sa volonté de mener le processus à terme.

Commentaires

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Zuleika

Bonsoir! Tout d'abord merci pour la réaction et le commentaire! Pour le contexte de remilitarisation il y a en effet…

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Jean-Philippe

Très bon compte-rendu et j'espère que d'autres suivront sur le sujet dans les prochains mois :) Il faut toutefois préciser…

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Zuleika

Bonsoir!

Tout d’abord merci pour la réaction et le commentaire!

Pour le contexte de remilitarisation il y a en effet une grande différence avec celui de la guerre civile, mais il y a aussi un certain nombres de points communs notamment en ce qui concerne l’exploitation massive des ressources naturelles. En fait la justification de la part du gouvernement de la remilitarisation est en effet le narcotrafic et la délinquance avec notamment le problème des « maras », c’est-à-dire les gangs qui s’affrontent et opèrent comme des mafias locales. Mais dans la pratique on observe que les déploiements militaires ou policiers justement ne se font pas là où l’on sait qu’opèrent les narcotrafiquants mais bien là où les mouvement sociaux sont les plus fort et c’est bien souvent là où justement la lutte est fortement liée à la défense des ressources naturelles de la part des communautés… Le gouvernement met une grande priorité sur la sécurité des entreprises qui réalisent les mégas projets (surtout mines et hydroéléctriques) en dépis des protestations pacifiques des comunautés concernées, ce qui crée d’importantes tensions (et divisions) entre les différentes parties impliquées… Il y a réellement une grande pression sur les leaders des mouvements sociaux en général dans le pays, qu’ils soient indigènes ou non. Et beaucoup sont ceux qui nous commentent (en toute discretion) que l’ambiance générale au niveau de la répression sur les mouvements sociaux resemble beaucoup à celle des années 80… Ne l’ayant pas vécu moi-même je ne saurai l’affirmer ou non, néanmoin les chiffres sur l’augmentation des atteintes aux défenseurs des droits de l’homme (notamment) a augmenté depuis le début de l’année.

Je te remercie également pour le link sur le doc sur RM! Cet intervew a effectivement été pris en compte pour l’accusation dans le cadre du procès! Pour ce qui est du verdict à venir, nous travaillons actuellement sur un autre article plus analytique sur le thème qui, je l’espère, alimentara le débat, les espoirs ou desespoir autours de ce sujet épineux et d’importance cruciale pour l’avenir du pays.

Je t’invite donc à lire les articles à venir sur le sujet et à partager tes réactions!

Encore merci et bonne fin de semaine!

Zuleika

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Jean-Philippe

Très bon compte-rendu et j’espère que d’autres suivront sur le sujet dans les prochains mois 🙂

Il faut toutefois préciser que le déploiement militaire et policier actuel, s’il se fait, a un contexte différent de celui de la guerre civile et de la lutte contre les « subversivos ». Aujourd’hui ce sont les cartels de la drogue et l’utilisation du Guatemala comme autoroute et base arrière du Mexique qui contribue à la violence.

A la demande de Victor, je reproduis mon commentaire sur l’article :
« je doute qu’on arrive à un quelconque verdict, il y a encore beaucoup de gens concernés (y compris le président) qui ont toujours des postes importants dans la société guatémaltèque. Mais au moins, il y a 20 ans, il avait avoué avoir le contrôle des troupes à la télé http://www.youtube.com/watch?v=LKzNkiBPfSo

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