Société Le 16 décembre 2013

L’école, à quoi bon ?

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L’école, à quoi bon ?

© canstockphoto.com

« Racine carrée de vingt-cinq ? Cinq ! Et alors ?! » L’humoriste français Gad Elmaleh a ainsi tourné en dérision le côté (trop) théorique de nos écoles dans son spectacle L’autre c’est moi, en 2005. Si la formule est comique, la question mérite cependant d’être posée sérieusement. Et alors, en effet ? Pourquoi apprendre ce qui, concrètement, a peu de chance de nous être d’une quelconque utilité ?

L’école. Le lieu qui, pendant au moins dix ans, rythme notre existence. À l’école, chacun d’entre nous a probablement découvert bien des aspects de la vie : au contact des autres, on crée des liens qui permettent d’approcher la vie en société. On est aussi confronté aux premières obligations, aux premiers devoirs. On aime, on s’intéresse, on comprend, ou au contraire on peine à saisir et on refuse d’apprendre. Que l’élève qui n’a jamais balancé son sac de rage en rentrant chez lui lève la main. Car l’école est aussi le lieu et le temps des premières révoltes. On s’indigne contre cette école qui, depuis l’apprentissage de l’écriture et des multiplications, ne transmet rien d’utile pour la vie quotidienne. Cette idée simpliste qui se chuchote dans les classes est pourtant bien loin de ce que l’instruction publique cherche à communiquer aux élèves. Dans une société de consommation dont les objectifs diffèrent fortement de ceux que vise l’école, le malentendu entre élèves et instruction publique se fait toujours plus grand. Comment réconcilier l’école et ses usagers ?

Les élèves d’aujourd’hui sont peu habitués à ce que l’école propose, ou plutôt ne propose pas. Les matières, les sujets de travaux, les livres, elle les impose, les possibilités d’options restant limitées. L’école nous impose ce qu’elle croit important pour notre développement.

Dans la vie de tous les jours, la société se vante au contraire d’offrir un choix presque illimité. Lorsque nous achetons, quelle que soit la marchandise, nous avons toujours une large gamme de produits. Il n’existe pas une réelle notion de meilleur ou de moins bon. La quantité prime sur la qualité. Tout est possible, achetable, rapide. Nous achetons, nous consommons. Si un produit ne nous convient pas, ou plus, nous pouvons simplement nous rabattre sur un autre. La télévision ou même Internet illustrent bien cette société du choix absolu. Lorsqu’un de nos multiples programmes ne nous plaît plus, il nous suffit, sans même nous y attarder plus de quelques minutes, de changer de chaîne, de zapper.

Zapper. Voilà ce que l’école, elle, ne permet pas. Il faut écouter et apprendre sans que ce ne soit de notre propre initiative. À l’école, on n’absorbe pas une information forcément utile, qui va avoir une fonction précise comme un produit qu’on achète. Les connaissances s’assemblent pour donner, petit à petit, un savoir qui permettra par la suite de faire preuve d’esprit critique, de mieux réfléchir et d’agir, de prendre des décisions intelligentes, de choisir ce qui en vaut la peine. Il faudrait peut-être voir les connaissances accumulées comme les composants d’une ampoule, qui, connectés ensemble, éclairent l’esprit.

Que faire alors ? Modifier le système scolaire en l’adaptant à la société actuelle ? S’opposer au contraire au système que propose la société et tenter de le modifier ? Ni l’un ni l’autre ne semblent judicieux ou même réalisable. Si l’école s’adapte à la société, elle perd ce qui fait son essence, soit instruire pour ouvrir les esprits et donner à ses élèves une base de culture générale. La société, quant à elle, ne se résume évidemment pas à une contradiction avec le domaine scolaire et est un ensemble aux multiples composantes, dont chaque modification est le résultat d’un long processus. L’école et les élèves sont-ils donc condamnés à ne pas se comprendre ? Peut-être pas. En tant qu’ancienne élève, j’ai pris peu à peu conscience que l’école visait à nous rendre libres de nos choix et non à nous soumettre. Rappelons-nous donc quel est le rôle de l’école et sa nécessité, même lorsque nos théorèmes de mathématiques nous donnent une telle migraine qu’on se demande bien pourquoi il faut les apprendre. Et je parle d’expérience !

Cela reste bien sûr une vision du problème et une manière limitée de le résoudre partiellement. Une autre serait de s’interroger sur la légitimité de l’instruction publique à imposer certaines matières et certains livres. En quoi les membres de l’instruction publique saurait-ils mieux ce qui convient à des élèves qui sont nés à une époque totalement différente de la leur ? Quels sont leurs critères de choix ? Sont-ils vraiment appropriés ? Tout élève est en droit de se le demander. Puisque l’école se veut libre et prête à remettre le monde en question, ne serait-il pas temps de réévaluer ce qui a toujours été considéré comme bon ? Afin de faire profiter l’école des progrès que la société a su faire ?

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