Sport Le 30 mars 2014

L’équipe de Suisse et la Coupe du Monde de football – Partie 1: Suisse-Allemagne 4-2, 1938

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L’équipe de Suisse et la Coupe du Monde de football – Partie 1: Suisse-Allemagne 4-2, 1938

André « Trello » Abbeglen trompe le portier allemand, et scelle le sort de cette rencontre. © www.om4ever.com

À Brasilia, le 15 juin 2014, la « Nati » disputera le 30ème match de Coupe du monde de son histoire. De Milan à Bloemfontein, en passant par Lausanne, Sheffield, Santiago, Dortmund ou Los Angeles, le parcours mondial de l’équipe de Suisse s’est avéré sinueux. Il est marqué autant par des exploits légendaires que par de cruelles déceptions. Retour sur quatre rencontres inscrites à tout jamais dans l’histoire du football helvétique, avec le concours de Philippe Vonnard, assistant-diplômé, chercheur à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne (ISSUL).

Avant de se lancer dans le vif du sujet, une précision nous paraît importante : la difficulté de comparer des rencontres convoquant des périodes si différentes de l’histoire du football. En effet, entre 1930 et 2010, le sport roi a beaucoup changé, que ce soit en termes de style de jeu (passant de cinq attaquants à un seul… voire aucun) et bien sûr dans son retentissement mondial, en particulier en raison de l’explosion médiatique et commerciale constatée dès les années 1980. Cet article – divisé en quatre parties, une pour chacun des quatre matchs – n’a donc pas pour but de véritablement comparer ces différentes rencontres entre elles, mais plutôt de permettre au lecteur de pouvoir « revivre » quelques-uns des grands matchs de la « Nati » sur la scène internationale.

 

Partie 1: 9 juin 1938, Paris: le « miracle » de Colombes

Suisse-Allemagne 4-2 (1-2)

La Suisse dispute en France sa deuxième phase finale de Coupe du monde après celle jouée quatre ans plus tôt dans l’Italie de Mussolini. Son parcours s’était alors arrêté en quarts de finale face à la Tchécoslovaquie, futur finaliste d’une épreuve finalement remportée par la Squadra azzura1. Chez leurs voisins français, le tirage au sort n’épargne pas les Helvètes qui se voient attribuer l’Allemagne dès les huitièmes de finale2 au Stade Olympique Yves-du-Manoir de Colombes, situé dans la banlieue parisienne. Cette enceinte, bâtie pour les Olympiades de Paris quatorze années plus tôt, va être le témoin d’une, pardon !, de deux rencontres tout bonnement exceptionnelles !

En effet, en cette année 1938, l’Allemagne veut devenir une équipe de premier plan européen. La Suisse s’apprête ainsi à affronter la « Grande Allemagne », en raison de l’Anschluss3. Sur le terrain, certains membres de cette équipe ont fait partie de la « WunderTeam » autrichienne de 1934, considérée alors comme l’une des plus redoutables équipes d’Europe. Cette rencontre est donc très suivie en Suisse, où l’enjeu dépasse le simple cadre du sport. Il s’agit de tenir tête au « monstre » allemand, dans une bataille symbolique rappelant David contre Goliath. Et la Suisse s’exécute.

Après avoir forcé les Allemands au match nul sur la première rencontre, la partie est rejouée quelques jours plus tard, le 9 juin 1938, l’épreuve des penaltys n’existant pas à cette époque. L’équipe de Suisse l’emporte 4-2 après avoir été menée 2-0 et se qualifie pour les quarts de finale pour la deuxième fois en deux participations ! Cette victoire est saluée par la presse suisse comme celle « du courage, de la bravoure et de l’intelligence sur une force supérieure et brutale ».4  Elle semble d’ailleurs avoir eu un grand retentissement dans tout le pays. À ce titre, le chroniqueur de la Gazette de Lausanne s’enflamme : « l’évènement dépasse largement le cadre du sport. Il est national. Et tous les patriotes que nous sommes, avons le droit d’être fiers de notre équipe nationale. »5

Cette victoire, certes improbable, vient récompenser un bon travail en amont. En effet, la Suisse est en progrès constant depuis la deuxième partie des années 1930, notamment sous l’influence de Karl Rappan, entraineur autrichien déniché par le Servette Football Club, et devenu par la suite sélectionneur national. Avec Rappan à sa tête, la Suisse progresse vite, en particulier dans le domaine tactique. L’Autrichien met en place une stratégie défensive intitulée « le verrou » – dont l’inventeur du catenaccio, Helenio Herrera, s’inspirera – avec une grande innovation: la présence d’un défenseur détaché, sorte de préfiguration du rôle de libéro.

Notons également que dans la sélection nationale se trouve le fameux André « Trello » Abegglen, ailier fantasque, vif et malin qui est le seul Suisse à jouer à l’étranger, en l’occurrence dans une équipe phare du championnat de France : le FC Sochaux. On peut donc affirmer que les Suisses bénéficient d’une bonne génération de joueurs. Cependant, il n’en reste pas moins que cette victoire tient plus du miracle que d’une politique de développement du football. D’ailleurs, le professionnalisme en Suisse, bien qu’accepté en 1933, sera abrogé à la fin de la décennie.

Vidéo : Images d’archives de l’INA. Les deux matchs de la Suisse contre l’Allemagne peuvent être visionnés de 0’50 à 5’25.

 

Prochain match à découvrir dans la série « L’équipe de Suisse et la Coupe du monde de football »: Suisse-Autriche 5-7, 26 juin 1954.


1. Surnom donné à l’équipe nationale italienne, en référence aux couleurs de son maillot.

2. Les premières phases finales de Coupe du monde démarraient directement en huitièmes de finale.

3. Annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie.

4. QUIN Grégory, Football et imagniaire national helvétique (1920-1942) : Les matchs Suisse-Allemagne au cours de l’entre-deux-guerres vus par la presse romande. Dans ce cas, un extrait de la Gazette de Lausanne du 10 juin 1938.

5. Idem.

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