
Ferme du Sonneur ©Boris Dunand
Progressivement sensibilisé à la problématique des commerces de proximité, plus spécifiquement aux marchés locaux bio, j’ai eu envie de partager une anecdote vécue de façon similaire sur deux lieux. La Ferme du Sonneur au Marché de Carouge et la Ferme de Budé – où Alexandre, Antoine et Julien, les créateurs de la première, ont travaillé ou travaillent encore (ainsi que Sylvie que l’on voit sur les images).

Photographie – Boris Dunand (www.borisdunand.ch)
Prix fort ?
Tandis que je prenais ces photographies, j’ai entendu quelqu’un faire une remarque sur le prix des légumes. La même déjà entendue à la Ferme de Budé. Ma compagne qui y travaille me la rapporte régulièrement: « C’est quand même cher le bio… » C’est d’ailleurs plus une remarque, une plainte, voire un reproche sous-entendu, qu’une question. La curiosité aurait un tout autre ton, il me semble : « Dites, qu’est-ce qui fait que vos prix sont si élevés ? ». Un écriteau à l’entrée de la Ferme explique pourtant avec un dessin on ne peut plus simple et didactique chaque usage des finances engrangées. Pareil sur leur site Internet...
S’en mettre plein les fouilles
Pour les connaître d’assez près, je peux témoigner que ces équipes travaillent énormément, vivent chichement et ne s’enrichissent pas. Il serait même plus exact de dire qu’elles ne savent en général pas si elles vont pouvoir tenir jusqu’à l’année suivante. Elles font ce qu’elles font par passion et conviction : un travail qui paie les factures certes, mais a surtout du sens, donne à la vie et aux gestes du quotidien une satisfaction existentielle, qui contrebalance avec l’inconfort matériel. Il existe une aide à l’agriculture : ces deux fermes sont trop petites pour y avoir droit. Survivre aux pressions économiques est leur réalité, et le restera sans doute tant que le reproche « c’est trop cher le bio local » continuera de se sentir bien dans ses baskets, confiant dans son assise, légitime dans sa perception (ce changement ne suffira évidemment pas, mais c’en est un à travailler).

Photographie – Boris Dunand (www.borisdunand.ch)
Ou prix juste ?
Car à bien comparer, pour les mêmes produits, les prix sont en général équivalents à ceux des grandes surfaces. Peut-être devrions-nous alors davantage nous interroger sur les prix excessivement bas du reste des propositions marchandes : sur quelles misères cachées ceux-ci se construisent-ils ? Sur quels salaires, quelles provenances, quelles exploitations, quelles pollutions des sols, quelle empreinte écologique, et quelles qualités de produits ? Un monde à l’envers dont j’avoue commencer tout juste à discerner la perversion – sur ces points. Ces prix ne sont pas élevés, ils sont le résultat d’une répartition réfléchie pour que chacun puisse continuer son travail et offrir à la communauté le meilleur service possible : « Les produits coûtent le prix qu’il faut pour produire d’une manière respectueuse et humaine et réussir à payer convenablement les producteurs. »

Photographie – Boris Dunand (www.borisdunand.ch)
Un geste capital
Les soutenir, faire les courses chez eux, ce n’est pas un acte anodin, c’est un choix aux conséquences importantes. Je commence à m’en rendre compte. Ce n’est pas venu d’un seul coup, et ce n’est pas encore ma seule option. Il m’a fallu être confronté de très près à la réalité de ces vies, de ces commerces, entendre leur son de cloche, être touché par leurs difficultés, me déshabituer, accepter de répartir autrement mon argent, réorganiser mes courses, mon temps, mes priorités – tout cela ne s’est pas fait sur une simple décision. J’avais envie de participer, par ces quelques images et ces quelques mots, à diffuser un message qui me semble précieux. Et de les aider ainsi à reconstruire en nos consciences, comme ils le disent joliment : « le lien essentiel qui mène du champ à l’assiette ».
Retrouvez toutes les découvertes de Boris Dunand sur son compte instagram.

Photographie – Boris Dunand (www.borisdunand.ch)
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