L'encrier Le 25 janvier 2020

Loin de tout, hors de sa zone de confort #4 – Les ingrédients de la réussite

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Loin de tout, hors de sa zone de confort #4 – Les ingrédients de la réussite

© Sophie Helle

Du vécu qui nous marque et qui nous définit. Sophie Helle revient de Colombie, où elle a réalisé un travail d’accompagnement auprès des défenseur-se-s des droits humains menacé-e-s. Elle propose une série de publications autour des pensées et réflexions développées durant cette expérience. Dans ce quatrième et dernier texte, elle aborde la question de l’utilisation de son corps comme outil de travail.


 

Tu as fait de hautes études universitaires. Ton cerveau a toujours été ton premier outil de travail : réflexion, débat, remise en question, définition de nouvelles stratégies. La performance cérébrale exigée est de haut niveau. Ton cerveau ne peut te faire faux bond. Efficacité et pertinence doivent être au rendez-vous. Pour y mettre des formes, on t’exige un corps soigné. Un esprit vif dans un corps sain : voilà les ingrédients de la réussite.

Et puis il y a le danseur, ta copine policière, ton voisin présentateur TV, et son amie d’enfance ambulancière. Des professions qui inversent certaines règles du jeu où les corps jouent un rôle prépondérant. Accompagné de quelques accessoires ou d’un uniforme, leur corps est instrumentalisé. Présence, postures et gestes sont bien travaillés. Tout se joue dans la transmission d’un message, d’une émotion, d’une idée. Leur légitimité au boulot ne dépend pas seulement de la capacité d’argumentation, mais aussi du message que font passer leur corps. Pendant que l’ambulancière maintient son calme lors d’une intervention, le présentateur TV te fait sourire par son énergie rayonnante, et le danseur te donnerait presque la larme à l’œil. Ils ont tous développé un contrôle de leurs émotions et ont appris à écouter leur instinct. Les sens en alerte donnent le premier signal : la boule au ventre dans les moments d’angoisse, la jambe tremblante en période de stress, les bras ouverts lorsque la situation est maîtrisée. Ils rationalisent ces réactions corporelles, les analysent, et identifient ce qui doit être entrepris. Et puis, les corps deviennent des symboles au service des jeux de pouvoir : ceux de jeunes femmes doivent se montrer confiants et sûrs pour aller au-delà du physique et s’assurer que le message soit transmis. Les corps se meuvent dans un contexte machiste, s’adaptent et se surpassent.

Figures rassurantes, les corps sont à l’écoute, prédisposés à recevoir et rassurer. Souvent dans l’empathie, ces métiers impliquent d’emmagasiner les émotions d’autrui, de prendre sur soi et de rester pragmatique. Et puis, mois après mois, ces corps fatiguent écrasés sous l’intensité du rythme et de la nature du travail exigeant non seulement physiquement, mais aussi intellectuellement et émotionnellement. Accumulation de moments intenses, profonds et violents, le corps tombe malade, fuit, veut rester au lit ou au contraire ne plus s’arrêter de travailler.

Le sommeil mauvais, d’humeur irritable, l’impatience grandissante, est-il l’heure de construire sa propre résilience ? Dans un monde idéal, que ton corps soit un outil fondamental pour exercer ton métier ou non, tu ne peux ignorer ces signes et te dire que tu t’en occuperas plus tard. Mais ton boss n’a pas vraiment le temps d’attendre que tu fasses le deuil d’une séparation douloureuse, ou que tu te remettes d’un événement professionnel éprouvant. On te préconise plutôt d’aller chez le psy. Tu es même socialement autorisé-e à être en « burn-out ». Enfin, pas trop longtemps.

Mais pour ton voisin et son amie d’enfance, le corps exposé doit être écouté pour qu’esprit et physique passent d’une relation d’oppression à celle de confidence. Pour que cette voix tremblante, ce cœur battant, cette douleur dans la poitrine et ces migraines récurrentes ne restent plus comme des messages « non lus ». Pour que, les ingrédients de la réussite ne soient plus dans la forme, mais dans le contenu.

 


Texte 1 : « Ils s’aiment comme ils se détestent »

Texte 2 : « Ici, pas de hiérarchie »

Texte 3 : « Le corps parle »

Pour en savoir davantage, rendez-vous sur le site de PBI Suisse ou vendredi 31 janvier au café Gavroche à 18:30 (salle au sous-sol).

 

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