L'encrier Le 23 janvier 2020

Loin de tout, hors de sa zone de confort #2 – Ici, pas de hiérarchie

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Loin de tout, hors de sa zone de confort #2 – Ici, pas de hiérarchie

© Olivia Falkowitz

Du vécu qui nous marque et qui nous définit. Sophie Helle revient de Colombie, où elle a réalisé un travail d’accompagnement aux défenseur-se-s des droits humains menacé-e-s. Elle propose une série de publications autour des pensées et réflexions développées durant cette expérience. Dans ce second texte, elle revient sur les valeurs et les implications d’une organisation de travail dite horizontale, où les décisions sont prises de manière consensuelle.


Je ne suis ni stagiaire, ni responsable de projets, ni directrice. Ici, pas de hiérarchie. Le chef, c’est toi, c’est moi, nous sommes tous au même niveau. Ton avis compte autant que le mien et tu es tout autant responsable de la prise de décisions que moi. Cette structure organisationnelle est horizontale. C’est bizarre, impossible de se plaindre que les décisions prises soient mauvaises, ou que les hauts cadres n’en fassent qu’à leur tête.

Les règles du jeu ? Une participation équitable et pragmatique de tous les membres de l’organisation. Ici, tu exprimes tes points de vue en mettant de côté tes préférences personnelles. Enfin du moins, tu essaies. Règles posées, on rentre dans le jeu : participation active lors de débats et engagement à l’utilisation du consensus pour se mettre d’accord. Tu es partout tout le temps, ta tête bouillonne d’idées. Jeu subtil de prise de positions, tu es déterminé-e et apprends le compromis. La patience est de mise.

En fait, ça marche comment une organisation horizontale ? Sommes-nous vraiment tou-te-s égaux-les à l’heure de prendre une décision ? Mon collègue est si convaincant lorsqu’il expose un argument, et ma maîtrise de la langue est bien meilleure que celle de ma collègue. Pourtant, ses arguments sont de poids, voilà déjà tellement d’années qu’elle travaille dans cette structure. Plus d’éloquence, moins d’expérience, une chose est certaine : les jeux de pouvoir ne peuvent pas être évités. Je prends conscience de l’importance d’autres règles en vigueur : avoir un-e représentant-e par équipe, des espaces de consultation réguliers avec celle-ci, des procédures claires à l’interne sur les processus de prises de décisions… Et puis, la confiance. Une règle qui n’en est pas une, qui n’est jamais explicitée, et qui est pourtant si fondamentale. Si la confiance ne règne pas, la discussion devient alors impossible. Et le consensus encore moins. Un conflit dans une équipe ou un collègue grincheux, on ne peut pas passer outre. Du coup, on doit aussi travailler à la construction d’équipe, à cet espace de travail sain afin que tout le monde s’y sente légitime et à l’aise. On a alors recours à d’autres outils : tu me dis ce que tu penses de moi, et je te dis ce que je pense de toi. Avec honnêteté, franchise, mais aussi respect. Je m’approprie les outils de la communication non-violente. Tout à coup, le « tu es insupportable ces dernières semaines » se transforme en un ressenti du moi à toi, sans jugement. Je suis à l’écoute, prête à me remettre en question, partager mes doutes. Et grandir.

La confiance s’installe. Et je comprends qu’on ne peut pas complètement faire la séparation entre le privé et le professionnel. Je vois mon collègue qui arrive les yeux gonflés et ne peux ignorer son manque de patience depuis qu’il a perdu un être cher. Tu cherches l’équilibre – qu’est-il absolument fondamental que les collègues sachent pour que nous puissions bien fonctionner ? On apprend des plus expérimentés de la vie en collectivité. Je reste bouche bée face à la maîtrise de leurs émotions et à leurs capacités à définir leurs limites. Après quelques mois, je saisis l’astuce : nul besoin de rentrer dans les détails, l’essentiel repose dans l’expression de ses besoins pour pouvoir bien travailler en équipe. Tu te lances : « ce ne sont pas des jours faciles pour moi, excusez-moi si je ne suis pas complètement disposée à tout donner pour finaliser mon rapport ». Il enchaîne : « voilà 4 jours que je dors mal, il est possible que je sois un peu irritable et impatient. N’hésitez pas à me le dire si je ne m’en rends pas compte ». Étonnamment, une fois la nécessité exprimée, on se sentirait presque déjà apaisé-e et davantage disposé-e à travailler.

Et puis, dans notre réalité à triple vitesse où chaque minute est comptée, pouvons-nous utiliser l’horizontalité ? Ces outils restent-ils pertinents ? Pouvons-nous les répliquer dans une structure verticale, où la direction a le dernier mot ? Tu es attaché-e à l’horizontalité et au consensus. Pas pour les heures de débat que cela implique, certainement pas. Mais finalement, c’est une structure organisationnelle où respect, écoute, ouverture à l’autre et empathie sont de mise. Et toi comme moi, on mérite un environnement quotidien basé sur ces valeurs, qu’il soit horizontal ou vertical. Il nous permet de reconnaître les dynamiques de pouvoir existantes, nos différences, et d’y travailler. Le directeur, la coordinatrice, le stagiaire, toi et moi, on a le droit de grandir, de mûrir. On a le droit d’exister.


Texte 1 :  « Ils s’aiment comme ils se détestent »

Texte 3 :  « Le corps parle »

Texte 4 : « Les ingrédients de la réussite »

Pour en savoir davantage, rendez-vous sur le site de PBI Suisse ou vendredi 31 janvier au café Gavroche à 18:30 (salle au sous-sol).

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