International Le 9 avril 2015

Propagande djihadiste: plongée dans la musique de la terreur

0
0
Propagande djihadiste: plongée dans la musique de la terreur

Image tirée d’une vidéo de propagande du groupe État islamique.

Chantés en arabe, on ne comprend pas leurs messages. Mais leurs mélodies sont belles, obsédantes et on se surprendrait presque à les fredonner. Ces « nasheeds », les groupes djihadistes en ont fait la bande originale de leurs vidéos de propagande et d’exécutions d’otages. Considérant les instruments comme « haram » (interdits), les « fous d’Allah » les interprètent a capella.

L’utilisation des nasheeds comme instrument politique remonte à la fin des années 1970: « En tant que chants religieux, ils sont anciens, mais les Frères musulmans (d’Égypte), ainsi que d’autres groupes, les ont utilisés à des fins politiques et de rébellions », explique au Guardian Behnam Said, des services de renseignements allemands, chargé d’observer les tendances djihadistes au Moyen-Orient.

Exemple d’un nasheed posté sur Youtube (fichier audio uniquement).

Leur puissance réside en premier lieu dans les harmonies: « (Ces chants) sont si mélodiques et si intenses qu’ils captivent tout de suite l’auditeur », rapporte Pieter Van Ostaeyen, du think tank Middle East Forum, dans un article de Mother Jones. Un constat appuyé par Phillip Smyth, spécialiste du Moyen-Orient, pour qui « la musique est un excellent moyen d’endoctrinement ».

Chants de guerre

Côté texte par contre, aucune place n’est laissée à l’ambiguïté: « Le choc des épées, un nasheed pour les réticents. Le chemin du combat est le chemin de la vie » (traduction que l’on trouve sur de nombreux sites et autres blogs), entonne le nasheed qui accompagne une vidéo exhibant les forces quasi-militaires de Daesh. Dans la fameuse séquence d’exécution par le feu du pilote jordanien au début de février dernier, le chanteur raconte que son épée a été aiguisée « pour te détruire » et qu’il a « marché de nuit pour écorcher et pour abattre » (traduction d’Aymenn al-Tamimi, du Middle East Forum).

Les nasheeds servent également à accompagner les défilés et autres opérations de recrutement de combattants. Durant l’avancée de Daesh vers Mossoul (nord de l’Irak) au printemps 2014, le groupe a par exemple publié de nombreux chants relatant les opérations sur le terrain, explique Phillip Smyth.

Des productions léchées

Les groupes djihadistes sont composés d’une majorité de jeunes combattants dont les plus âgés sont trentenaires: « Ils ont grandi dans la culture web (…) et savent, techniquement, comment embellir les chants traditionnels au moyen de programmes informatiques pour leur donner plus de corps et les rendre plus puissants, en rajoutant des pistes et des harmonies », indique Leila Sansour, réalisatrice de documentaires, à NBC News.

Ces productions léchées sont ensuite publiées sur des sites tels que Youtube, puis partagées sur les réseaux sociaux. C’est le cas de « Saleel al-Sawarim » ou « Dawlat al-Islam Qamat » qui ont été qualifiées de « chansons de l’année ayant le plus d’influence » par le journal d’opinion américain The New Republic.

Ecouter le nasheed « Saleel al-Sawarim » (la vidéo ne contient aucune image violente).

Qui précisément se cache derrière ces enregistrements? « C’est quelque chose qui reste obscur », répond Aymenn al-Tamimi. On sait seulement qu’ils sont produits par la Fondation Ajna Media, mise sur pied par le leader de Daesh Abu Bakr al-Bagdadi en 2013, rappelle le Guardian.

Cet article a été publié à l’origine sur le blog musical heidiheido.net le 30 mars 2015.

 

Laisser un commentaire

Soyez le premier à laisser un commentaire

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *
Jet d'Encre vous prie d'inscrire vos commentaires dans un esprit de dialogue et les limites du respect de chacun. Merci.