Une de l’édition du GHI du 15 novembre 2017
« Prison : un détenu sur deux est musulman », titre l’édition du GHI de la semaine.
Victor Santos Rodriguez dénonce les effets regrettables d’une telle Une et répond fermement à la rédaction du journal.
« Prison : un détenu sur deux est musulman », peut-on lire en Une de l’édition du GHI de cette semaine. Ce regrettable titrage m’exaspère, tant il semble trahir une volonté de faire le « buzz » aux dépens de la déontologie la plus élémentaire.
Mon propos n’est guère ici de questionner la véracité ou la pertinence de l’information ; encore moins de contester le droit de la publiciser – bien qu’il convienne de rappeler que, d’une part, ces chiffres traduisent davantage une réalité socio-économique que confessionnelle et que, d’autre part, l’emploi du terme « musulman » doit être toujours problématisé, dans la mesure où il désigne un groupe sociologique extrêmement hétérogène et qu’il s’agit d’une identité dans le champ des possibles pour les personnes appartenant à ce groupe.
C’est donc moins le contenu de l’article que les modalités et le contexte de sa mise en circulation dans la sphère publique qui me paraissent poser problème.
En tant que tous-ménages, le GHI bénéficie d’une distribution massive. Et de ce « journal-spam » composé majoritairement d’annonces et de publicités, on ne lit souvent que la manchette au moment de ramasser le courrier ou en passant devant l’une des nombreuses caissettes disséminées à travers le canton. Le choix de ces quelques mots, « consommés » à large échelle et à la hâte, investit par conséquent la rédaction du journal d’une lourde responsabilité, invitant au minimum à la circonspection. Sous un tel éclairage, la mise en correspondance entre « musulmans » et « criminalité » à l’œuvre dans la Une en question s’avère tout à fait irresponsable car c’est ce message – et non point un autre plus nuancé – qui imprimera les esprits. Nous le savons tous. La rédaction du GHI doit le savoir.
Je n’aurais toutefois pas écrit ces lignes si cet événement ne venait pas s’inscrire dans le contexte particulièrement houleux de l’« affaire Ramadan ». Laquelle a libéré une parole publique qui associe volontiers islam, musulmans et violences sexuelles alors qu’il devrait être question des agissements présumés d’un seul homme. Le « timing » de la Une du GHI a donc de quoi interroger. Maladresse coupable ou basse stratégie mercantile ? Contacté ce matin, l’Office cantonal de la détention (OCD) confirme avoir été approché par le GHI de façon spontanée il y a dix jours ; et ce, bien que les ordres de grandeur relatifs à la représentation confessionnelle dans les prisons soient relativement stables et rendus publics depuis fort longtemps. Quelles que puissent être les motivations derrière cet intérêt soudain, une chose est certaine : ce type de procédé médiatique a ceci de regrettable qu’il contribue à ancrer toujours plus profondément l’image du « musulman criminel » dans les représentations collectives, favorisant ainsi un climat de division sociale.
Il a été prouvé et re-prouvé scientifiquement depuis des décennies déjà qu'il n'existe aucune corrélation entre milieu social et délinquance.…