Société Le 19 février 2014

« Erasmus orgasmus », une AOP en voie de disparition…

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« Erasmus orgasmus », une AOP en voie de disparition…

Scène du film culte de Cédric Klapisch « L’auberge espagnole » © toutlecine.com

Il y a deux ans déjà, je partais à Berlin, trois valises pleines, m’installer dans une « WG » du quartier branché de Friedrichshain. Je plongeais alors dans un bain de culture, je profitais des restaurants « überbillig1 » à dix euros le repas, des concerts à n’en plus finir et je suivais les cours de la « Freie Universität » parfois, même souvent, incompréhensibles. Cette année devait être la plus rentable de ma carrière académique, puisqu’en plus de profiter des prix extrêmement bas de la capitale et des taxes universitaires moindres, cette chère Union européenne me versait une bourse de plus de 200 euros par mois !

Lors de ce séjour Erasmus, je partageais mon quotidien avec une colocataire allemande, chilienne, israélienne, ou encore paraguayenne. Je baignais parallèlement dans un univers sud-américain grâce aux amitiés tissées au fil des mois. J’étais simplement une étrangère parmi d’autres, bénéficiant de la libre circulation des personnes. À la fin de mes dix mois passés à Berlin, je pouvais me targuer de parler l’allemand couramment, condition « sine qua non » m’autorisant à postuler pour la place de stage que j’occupe actuellement, au sein de l’administration fédérale.

Dernièrement, dans le journal, je fus étonnée de lire les propos de Gérald, ancien mécanicien à l’aérodrome de Payerne, aujourd’hui à la retraite : « On a besoin des étrangers pour travailler ! », s’exclame-t-il. S’il a voté oui, dit-il, c’est pour dire non aux autres. « Aux méchants. Ceux qui profitent, qui dealent et qui volent », précise-t-il.2

Je suis Suissesse, je ne suis pas méchante (enfin je crois), je ne deale pas de drogue et je n’ai jamais volé non plus. Et pourtant, si je recommençais mes études maintenant avec un projet d’Erasmus en tête, je serais punie, au contraire d’un vendeur de drogue pour qui la mise en œuvre de l’initiative ne changera probablement rien. Je ne pourrais pas partir avec autant de facilité et d’aide financière. Certains pourraient ici m’accuser de peindre le diable sur la muraille ; je me considère plutôt comme tristement réaliste, après l’annonce récente du gel des accords Erasmus3.

Au final, je resterais en Suisse, éventuellement en effectuant un semestre dans une autre université de mon pays. Peut-être un moyen de faire tomber le « Röstigraben » de plus en plus marqué au fil des votations fédérales ? Peut-être le repli de la Suisse sur elle-même forcera-t-il à un meilleur dialogue entre nantis et laissés-pour-compte, entre Welsch et Suisse-toto, entre l’exécutif et le législatif ? Bien prétentieux celui qui pourrait aujourd’hui avancer une réponse. Toujours est-il que la Suisse, grande négociatrice et médiatrice internationale, ferait peut-être bien d’appliquer ses recettes magiques au sein de son propre territoire. Il serait temps de renouer un vrai dialogue national plutôt que de s’attaquer à d’éventuelles menaces extérieures et punir volontairement les jeunes Helvètes en quête d’un mythique séjour Erasmus !

 


Note: « AOP » : Appellation d’origine protégée, http://www.aop-igp.ch/fr-home, consulté le 14.02.14.

1. En français : très bon marché

2. Zünd Céline, « À Payerne, où même les enfants d’immigrés ont dit oui »,  in Le Temps,  http://www.letemps.ch/Page/Uuid/588dfc94-9360-11e3-afab-b5084e705a12/A_Payerne_où_même_les_enfants_dimmigrés_ont_dit_oui, consulté le 12.02.2014.

Commentaires

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Quentin

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Quentin

Tu accuse la Suisse d’avoir touché à Erasmus, mais la Suisse n’a rien fait à Erasmus dans les faits 😉 C’est simplement l’UE qui s’en prend aux étudiants, pas la Suisse, ni les Suisses. Faut pas tout confondre, mais effectivement, un petit tour dans une université suisse allemande te fera du bien pour comprendre le fonctionnement de notre pays.

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