Jet d'ancre sur Le 12 février 2014

Ingérable humanité

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Ingérable humanité

© elZzzzz

Avez-vous déjà poursuivi des chimères, ces projets, certes séduisants mais irréalisables, composés d’idées vaines issues de votre imagination1? Blaise Pascal, philosophe et scientifique du dix-septième siècle, se demandait déjà quelle chimère était l’homme : « quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’univers2 ». Un devin ce cher Blaise. Comment aurait-il pu annoncer de manière plus divinatoire ce que pouvait effectivement être l’homme, un « sujet de contradiction »…jusque dans son ADN ! Bienvenue dans le monde des chimères, réalité génomique dégommant les certitudes scientifiques de ces trente dernières années.

L’homme, dans son besoin d’être « juge de toute chose », croyait enfin maîtriser l’humanité. Un code génétique, composé de quatre bases azotées. Trois consonnes et une voyelle, A/T/G/C, qui, combinées selon un nombre infini de possibilités, formaient l’Acide Désoxyribonucléique, plus connu sous l’acronyme ADN. Un peu de salive, une goutte de sang, ou du sperme égaré et vous pouviez être fiché, accusé ou innocenté, sans doute aucun. Des inculpations limpides, claires, précises. Damon Thibodeaux était l’exemple réussi de ce système présumé infaillible, lui qui avait été innocenté grâce au test ADN, après avoir été envoyé à tort dans le couloir de la mort pour le viol et le meurtre de sa cousine en 19973.

Les années passent, et avec elles des milliers de séquençages génomiques ont lieu, tant et si bien qu’au début de l’année 2013, il est prévu que cette opération au départ très coûteuse, puisse être établie pour la modique somme de 1000 dollars4. Le test devient tellement commun que les services sociaux l’utilisent même pour éviter les abus sociaux, notamment lorsque des mères demandent une aide sociale pour leur progéniture. Or ces analyses seront les premières à venir fissurer la toute-puissance de l’ADN comme numéro de série, version humaine. En effet, les tests révèlent que ces femmes ne sont pas les génitrices de la progéniture annoncée, puisque certains enfants affichent un ADN différent de celui de leur maman. D’abord accusées de vouloir honteusement profiter du système, l’administration américaine doit revenir sur ses propos après que des scientifiques se sont intéressé à ces situations « génomiquement invraisemblables ». Ces femmes ne sont en réalité rien d’autre que des chimères. Denis Duboule, chercheur biologiste à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, explique le mécanisme qui sous-tend ces anomalies : « Une chimère peut se développer de deux manières. L’une est pour ainsi dire mineure: c’est le transfert de matériel génétique entre la mère et le fœtus. Le placenta est fait pour empêcher ces échanges, mais cela se passe quand même assez souvent. […] La vraie, la belle chimère, ce sont de faux jumeaux qui fusionnent. Si cette fusion est bien faite, chaque organe est un mélange des deux. Si elle est inégale, elle portera sur une petite partie de l’individu, un ou deux organes5 ». En quelque sorte, la recherche a descellé des individus « 2 en 1 ». « Deux » car encore récemment, à un individu correspondait un ADN. « En un », car désormais ces deux ADN se retrouvent dans un organisme, une enveloppe corporelle.

La découverte de l’ADN a fait penser à l’homme que les avancées scientifiques pouvaient renforcer le contrôle, libérer les consciences de toute erreur de jugement, condamner rétroactivement ou rétablir la vérité dans certaines familles où la question sournoise de la réelle paternité se posait. Quelques décennies plus tard, les compteurs sont remis à zéro. Désormais, chercheurs, policiers ou juges devront vivre avec le doute de s’être trompés. Une leçon de modestie que l’homme s’est donné, à son plus grand dam !

 

 


[3] USA : un condamné à mort innocenté, in Le Figaro, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/09/29/97001-20120929FILWWW00316-etats-unis-un-condamne-a-mort-innocente.php, 2012, consulté le 08.01.14.

[4] Morin, H., Le génome humain à 1000 dollars, in Le Monde, http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/01/le-genome-humain-a-1-000-dollars_1811416_3232.html, consulté le 03.02.2014

[5] Ulmi N., Chimères : j’ai deux ADN en moi, in Le Temps, http://www.letemps.ch/Page/Uuid/10b76b6c-629b-11e3-85d1-4a1da01ad8ae/Chimères_jai_deux_ADN_en_moi, 2013, consulté le 08.01.14.

Commentaires

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chente fou

merveilleux article m plaît!

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chente fou

merveilleux article m plaît!

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