Société Le 22 novembre 2012

Ce ne sont plus les ados qui font le mur, mais l’inverse !

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Ce ne sont plus les ados qui font le mur, mais l’inverse !

© Chris­tof­fer Ellegaard

Un réseau social est un outil hors du commun développé cette dernière décennie pour mettre les individus du monde entier en relation les uns avec les autres. Cet instrument permet de rester lié à ses amis non virtuels, de retrouver d’anciennes connaissances, de faire de nouvelles rencontres. Les réseaux sociaux ont bouleversé la manière d’organiser des événements ou de se donner rendez-vous.
On peut aujourd’hui très facilement rester en contact « éternellement » avec une personne rencontrée une seule fois. Cela élargit le champ des relations sociales et donne un autre sens à la proximité qu’elles impliquent.

Marc Zuckerberg, jeune fondateur de l’immense Facebook, annonce au mois d’octobre un milliard d’utilisateurs actifs sur son réseau1. C’est un effectif monumental lorsque l’on sait que la terre abrite sept milliards d’individus.

Les réseaux sociaux et leurs applications diverses donnent à leurs utilisateurs l’impression de s’approprier le Web. Ils peuvent donner leur avis, influencer des mouvements sociaux, aider des démunis en acceptant de regarder dix secondes de pub, faire partie de groupes d’opinion, lancer des « buzz », annoncer leurs bonnes et leurs mauvaises nouvelles à des centaines de personnes à la fois.

Mais comme toutes les médailles, les réseaux sociaux ont leur revers. En effet, cette possibilité de communication infinie n’a pas que des aspects positifs. Et les illustrations des ravages que peuvent causer les réseaux commencent à pleuvoir. Aux Pays-Bas, une jeune fille organise ses seize ans dans un petit village tranquille. Elle fait une erreur de manipulation en créant son invitation sur Facebook. Plus de trois mille personnes se déplacent pour venir fêter son anniversaire, trente-quatre personnes sont arrêtées et vingt-neuf autres blessées2. Mais il y a plus grave encore. La jeune Amanda Todd, Canadienne de quinze ans, se donne la mort après avoir été harcelée sur Facebook pendant trois ans, bien qu’elle ait vainement changé d’établissement scolaire à trois reprises3. De retour aux Pays-Bas, trois jeunes organisent l’assassinat de Winsie, 15 ans, pour des commentaires qu’elle aurait postés sur le réseau4.

Menaces, faux profils, photos qui ressurgissent, harcèlement, Facebook est un réseau tentaculaire qui réserve parfois de funestes récompenses à ceux qui ne s’en protègent pas.

Mais qui sont ces jeunes victimes des réseaux ? Quelle analyse de la situation peut être faite ? Quelle solution peut-on envisager ?

Ces jeunes sont un mélange de deux générations, appelées Y et Z. La première a grandi avec les technologies et la deuxième est née avec. Elles sont à la fois très familières des applications qui voient régulièrement le jour, principalement celles de communication, comme Facebook, Twitter ou MSN Messenger. Elles sont capables de comprendre les systèmes de manière intuitive ; notamment parce que ces générations sont les cibles de ce marché, parce que ces technologies sont développées par eux et pour eux. Mais elles sont aussi les premières à se confier sans frontière à la webosphère5. On voit alors apparaître toutes sortes de déviances qui vont de l’exhibition au voyeurisme, souvent adoptées et assumées par les utilisateurs.

Ce sont les premiers individus dont on peut retrouver la trace dès la naissance6, ou même avant. En effet, le phénomène atteint même les fœtus. Les échographies se retrouvent de plus en plus sur la toile7. Dans quelques décennies, retracer l’existence d’une personne de sa naissance à sa mort sera un jeu d’enfant. Cela est rendu possible car sur Internet, et c’est là que le bât blesse, les données sont quasi immortelles. Un événement gênant, une photo embarrassante peuvent suivre les individus partout et pendant des années. Le droit à l’oubli est difficilement envisageable sur le Web8.

Les adolescents de notre décennie sont particulièrement disposés à devenir des victimes du réseau. En effet, les adultes qui les entourent et qui sont les garants de leur éducation sont souvent dépassés par les phénomènes en action sur le Web et sont impuissants face aux nouvelles problématiques qu’ils présentent, comme le harcèlement sur Facebook. De nombreux parents, sans vraiment le souhaiter, démissionnent de leur devoir de formation aux technologies et chargent l’école de la mener à bien. Malheureusement, les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment réactifs et les mesures d’accompagnement, lorsqu’elles sont entreprises, prennent trop de temps à se mettre en place. Sans vouloir faire de généralité, on peut dire globalement que les parents et les représentants politiques dépassés font partie, pour la plupart, de la génération X, entre les baby-boomers et la génération Y. Au début d’Internet, dans les années quatre-vingt, ils pensaient que ce nouvel engouement allait se tasser, et que, comme de nombreuses autres modes et inventions, cette technologie allait disparaître comme elle était venue. Ils ont donc raté le tournant informatique et n’ont pas su adapter le monde en conséquence pour la génération suivante.

Aujourd’hui déjà, quelques personnes qui se sont frottées au Net ont été atteintes par ses méfaits. Et pour éviter que de plus en plus de gens ne soient touchés, la solution serait d’agir en amont, avant que l’utilisateur ne mette ses données à portée de tous.
Des initiatives de prévention commencent à voir le jour, à l’instar de la campagne « Surfer avec prudence sur Internet » de l’association Action Innocence9.
Un programme appelé « 2025 exmachina »10, développé par des experts du multimédia et de la communication jeune public, permet aux adolescents de se mettre dans la peau de NetDétectives et de résoudre une enquête sur des informations compromettantes qu’ils auraient publiées sur Internet il y a de cela quinze ans.

Il existe beaucoup de matériel pédagogique à l’usage des parents et des enseignants. Mais pour qu’il soit utilisé, il faudrait que le sujet des réseaux sociaux soit au centre des discussions ; que la lumière sur les solutions de prévention soit faite et que les parents et les systèmes éducatifs prennent leurs responsabilités en mettant en place une vraie stratégie prophylactique.

Sans un tel dispositif, on risque de se retrouver dans une société à deux vitesses, avec un écart intergénérationnel grandissant ; les uns incapables d’appréhender la réalité des autres.

 


1. http://www.linformaticien.com/actualites/id/26559/facebook-1-milliard-d-utilisateurs-actifs.aspx
2. http://www.lepoint.fr/monde/un-anniversaire-facebook-derape-aux-pays-bas-22-09-2012-1509080_24.php
3. http://www.tdg.ch/monde/ameriques/suicide-ado-fondre-larmes-canadiens/story/24043480
4. http://www.leparisien.fr/faits-divers/pays-bas-meurtrier-a-15-ans-pour-des-commentaires-sur-facebook-03-09-2012-2148689.php
5. http://www.urbandictionary.com/define.php?term=Webosphere
6. http://suite101.fr/article/vie-privee-votre-bebe-est-deja-sur-internet–a19151
7. http://www.hebdo.ch/mon_echographie_sur_facebook_41346_.html
8. http://www.01net.com/editorial/561468/droit-a-l-oubli-un-combat-perdu-d-avance/
9. http://www.actioninnocence.org/suisse/web/protection_enfance_20_.html
10. http://www.2025exmachina.net/

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