Une forte mobilisation était constatée mardi avec plus de 70% des classes de primaire fermées (1182 sur 1656 en début d’après-midi), selon Laurent Vité, le président de la Société pédagogique genevoise (le syndicat des enseignants). © commons.wikimedia.org
Enjeux de pouvoir et bisbilles entre partis n’appartiennent pas aux défis de l’école. Pourtant, ils conditionnent son avenir en toute déconsidération. Votée à la demande du MCG, la coupe de 17,5 millions de francs1 approuvée par les députés du Grand Conseil genevois dans la partie « formation » du budget cantonal 2015 en est la preuve. Unies comme jamais, les associations d’enseignants, de parents d’élèves et de directeurs se serrent les coudes pour éviter que le budget 2015 soit adopté tel quel dans trois semaines. Ainsi, en signe de protestation contre ces folles économies dans l’éducation, une centaine d’établissements scolaires du primaire feront grève ce mardi après-midi. Unique moyen de faire comprendre que ces coupes budgétaires se reporteront en réalité sur les élèves ?
À Genève, les coupes budgétaires visant l’école primaire touchent à ce que nous avons de plus cher dans nos sociétés démocratiques : le savoir, la connaissance et le vivre ensemble. Ces trois éléments sont le ciment de notre canton. Ils permettent le développement, tout en favorisant la cohésion et la solidarité. Tel un édifice, c’est la base que l’on attaque, en s’imaginant que le reste ne vacillera pas. Simple illusion….
Entrés dans une spirale d’économies depuis des années, les budgets de l’État sont systématiquement passés au crible par le Parlement. Dans l’arène politique du Grand Conseil, les jeux de pouvoir entre partis dépassent l’intérêt commun et s’accrochent à des coups de poker sur fond idéologique. Ainsi, au détour d’une joute entre l’une ou l’autre des formations, une économie disproportionnée est imaginée pour l’école. Présentée comme réaliste, elle fait en réalité fortement vaciller un équilibre déjà fragile. L’école est prise en otage par les politiques, comme un enjeu de pouvoir, alors qu’elle assume son rôle avec détermination malgré les coupes de ces dernières années. Mais cette fois, on touche à l’os. La situation est grave.
Comme tout le monde est passé par l’école primaire, chacun pourrait avoir son avis sur la question. D’ailleurs, ces derniers jours, on a pu lire et entendre tout et n’importe quoi sur le sujet. Toutefois, les enjeux contemporains liés à l’enseignement ne peuvent être analysés sur la base de souvenirs, mais bien en ayant conscience de la réalité et des conditions actuelles de travail des professionnels de l’éducation. Imaginer que les enseignants puissent assurer quatre périodes de plus chaque semaine est un mépris total de leur travail. En effet, l’engagement de chaque professionnel inclut des tâches de préparation de leçons, des entretiens avec les parents ou encore des moments de concertation entre collègues. L’école de grand-papa où l’on avait des contacts éphémères et exceptionnels avec les différents partenaires scolaires est révolue.
Si les coupes prévues dans l’enseignement sont votées pour le budget 2015, les enseignants se trouveront face à une mission impossible. En effet, nous n’aurons plus les moyens de répondre aux besoins des élèves en difficulté en leur offrant des conditions d’apprentissage adéquates et la mise en place de l’école inclusive ne pourra qu’être remise en question. Les injonctions paradoxales qui se profilent à l’horizon sont dangereuses pour des professionnels déjà bien fragilisés par le mépris affiché dans les médias et véhiculé par certains milieux. Entre l’annonce du renforcement de la lutte contre l’échec et le décrochage scolaires d’une part, et la diminution des moyens pour mettre en œuvre les actions de l’autre, la voie est non seulement étroite, mais impossible !
Parler d’économies dans l’éducation est tout simplement un paradoxe insupportable dans une démocratie. On menace ses fondements, tout en sachant pourtant que l’on prétéritera l’avenir de nos enfants et, par conséquent, celui de la société tout entière.
En touchant au budget de l’éducation, c’est un tort que l’on fait directement aux élèves, qui le payeront finalement cash, à court, moyen et long termes.
1. Il s’agit plus précisément de14 millions de francs pour le primaire et 3,5 millions de francs pour le secondaire.
Ça fait du bien de lire quelque chose de réaliste, respectueux et plein de bon sens! Merci