International Le 29 mars 2016

UE-Suisse: le fond de l’impasse?

0
0
UE-Suisse: le fond de l’impasse?

© Présence suisse

Les relations entre la Suisse et ses voisins pourraient se résumer à la quête d’un savant dosage, en constante évolution, d’intégration et d’indépendance. Une intégration qui n’a cessé de s’approfondir et s’intensifier depuis les premières tentatives d’association dans les années 1960, en passant par le traité de libre-échange de 1972 puis les deux paquets d’accords bilatéraux de 1999 et 2004. A tel point que pour la Suisse il n’y a simplement à l’heure actuelle, et sans doute pour longtemps encore, pas d’alternative économique à l’Union européenne (UE).

Cette intégration croissante s’est faite au risque d’irriter la frange, parfois majoritaire dans l’isoloir, des gardiens de la sacro-sainte indépendance nationale, avec pour conséquences des sanctions périodiques de la politique européenne des autorités fédérales. Ces dernières ont alors dû s’employer à rassurer leurs homologues à Bruxelles que non, il n’est pas question de désamour mais simplement d’ajustement de la forme de la vie commune.

Ainsi, après le refus du souverain suisse d’appartenir à l’Espace économique européen (EEE) en 1992, le gouvernement a « inventé » la voie bilatérale, à savoir la recherche de tous les avantages qu’aurait apportés l’EEE à travers une longue liste d’accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE. Les deux paquets d’accords adoptés en 1999 et 2004, et les différents ajustements obtenus depuis peu, ont ainsi semblé démontrer que rien ne pourrait endiguer l’étroitesse des liens entre la Suisse et ses voisins.

Et puis il y a eu le vote du 9 février 2014 et l’acceptation par le peuple suisse de l’initiative « Contre l’immigration de masse », visant à contrôler l’immigration avec le recours, si nécessaire, à un système de contingentement. Cette nouvelle obligation, inscrite dans la Constitution fédérale, est en claire contradiction avec l’accord bilatéral, fondamental s’il en est un, sur la libre circulation des personnes adopté en 1999 puis élargi aux nouveaux membres de l’UE en 2005 et 2008. Le Conseil fédéral peut continuer à jouer sur les mots, à essayer de faire croire à l’externe et à l’interne qu’on arrivera à ménager la chèvre et le chou, mais la réalité est celle du fond d’une impasse politique.

S’engager dans la voie bilatérale, sans aucune inflexion depuis 1993, ressemble à la décision d’un groupe de marcheurs s’engageant dans une vallée alpine sans débouché connu et sujette à des éboulements fréquents. Avec le vote du 9 février, le groupe s’est retrouvé prisonnier au fond de la vallée, sans issue en amont, l’UE se montrant inflexible sur tout aménagement de l’accord de libre circulation et liant son sort à celui de tous les autres accords, ni en aval, les partisans du contrôle migratoire veillant au grain.

L’heure tant repoussée des choix politiques difficiles semble avoir sonné. Or, entre une myopie nombriliste à l’interne et les errements institutionnels à l’externe, le prix politique d’un choix clair risque d’être élevé pour les autorités helvétiques, avec pour arrière-fond l’avenir économique de la Suisse.

 

Cet article a été publié dans le dossier « L’Union européenne et le monde » du nouveau numéro de Globe, la revue de l’Institut de Hautes Études Internationales et du Développement (IHEID).

Laisser un commentaire

Soyez le premier à laisser un commentaire

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *
Jet d'Encre vous prie d'inscrire vos commentaires dans un esprit de dialogue et les limites du respect de chacun. Merci.