Société Le 7 septembre 2015

La prise de recul face à nos préjugés : un outil à mettre entre toutes les mains

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La prise de recul face à nos préjugés : un outil à mettre entre toutes les mains

Exposition « L’étranger à l’affiche: Altérité et identité dans l’affiche politique suisse 1918 – 2010 » à Genève (22 septembre au 22 octobre 2014) : une approche historique de la construction de cette altérité à travers la propagande politique en Suisse. Source : letrangeralaffiche.ch ; source image : © R. Gindroz/Ville de Genève (consulté le 1er septembre 2015).

Les attentats terroristes de ce début d’année en France, notamment contre le journal satirique Charlie Hebdo, ont marqué les esprits dans l’Hexagone mais aussi au-delà. Manifestations de soutien et campagnes diverses n’ont pas manqué1. L’esprit des Lumières, ces philosophes et penseurs du 18ème siècle qui ont accompagné l’émergence, en Europe, des « libertés d’expression » face aux tutelles religieuses, a aussi abondamment été évoqué dans les médias comme dans la littérature « post-Charlie Hebdo » ; divers commentateurs, parfois avec une plume idéaliste2, se sont longuement exprimés autour de cet « héritage des Lumières » prétendument attaqué. On en trouve encore la référence dans une chronique du sociologue Philippe Corcuff, une critique sévère des écrits d’Emmanuel Todd et Philippe Val3. Remarquons toutefois que le sort des quelque 150 victimes kényanes, principalement des étudiants de l’Université de Garissa, frappées par une attaque d’islamistes somaliens en avril dernier4, n’a pas suscité pareil élan de solidarité médiatique – alors qu’une école, tout comme une rédaction de presse, participe aussi de l’exercice des libertés d’expression. Une bien curieuse omission…

Mais au-delà de l’idéalisation des « Lumières » qu’on pourra critiquer, une chose paraît claire : de toute évidence, les libertés d’expression ne sont pas les seuls héritages légués par ces penseurs. Beaucoup moins médiatisée, la prise de distance, de recul, face aux préjugés et aux idées reçues – en d’autres termes les « prénotions » – est à mon sens tout autant fondamentale. Il s’agit d’une posture que les sciences sociales, héritières des « Lumières », ont très tôt promu pour tenter d’éviter tout biais dans l’étude des sociétés. Toutefois, cette posture de « prise de recul » n’est absolument pas un caractère à réserver aux seul-e-s scientifiques, voire aux journalistes ou aux « intellectuel-le-s ». À mes yeux, au contraire, elle est indissociable des libertés d’expression. Car entre autres, cette prise de distance face à nos prénotions peut nous permettre de décrypter les agissements et les propos des spécialistes, journalistes ou politicien-ne-s, et ainsi de nous émanciper de toute forme de dominations, qu’elles soient religieuses, politiques, économiques ou idéologiques. Par exemple, ce décryptage devient crucial en ces périodes où, à l’instar de la journaliste suisse Mireille Vallette et de son association Vigilance Islam, toute nuance entre islam et islamisme est évacuée5. Pour juger de la pertinence de cette position et ce qu’elle implique, il nous faut prendre du recul face aux préjugés véhiculés. Plus que jamais, que ce soit par les médias ou la recherche, cette prise de recul doit être suscitée chez le grand public, tant elle ne semble plus être d’actualité au vu des réactions viscérales, compréhensibles face aux horreurs du fanatisme mais toujours sujettes à caution, qui peuvent prendre facilement l’ascendant dans le contexte de radicalisation politique ambiante et donner lieu à des simplifications erronées. Voyons plus en détail pourquoi.

 

L’altérité, puissant moteur de simplifications

Spontanément, il nous arrive de considérer notre entourage, notre groupe, notre ethnie, notre communauté, notre nation, comme un tout homogène, un « Nous ». Ce « Nous » est mis en opposition avec « les Autres » : nos « voisins », différents groupes, ethnies différentes, d’autres communautés, d’autres nations… Suivant l’échelle (spatiale, sociale, socio-économique, culturelle) et le type de différence mise en évidence, plusieurs divisions apparaissent dans ce que l’on appelle « l’altérité » : l’altérité entre le « Nous » et « les Autres », « l’homme » et la « femme », « l’hétérosexualité » et « l’homosexualité », le « national » et « l’étranger »… Une différence, opportunément choisie, prend le pas aussi bien sur toutes les autres différences que sur les similitudes qu’il pourrait y avoir. Mais une telle vision binaire des choses apparaît très simpliste et très réductrice si l’on prend la peine de considérer aussi bien l’ensemble des sociétés humaines que l’ensemble des parcours de vie au sein d’une même société. La posture de prise de recul doit donc nous pousser à l’interrogation. Y a-t-il réellement cohésion, intérêts ou projets communs, constitution de réelles « communautés » dans ces ensembles binaires ainsi créés par l’altérité ? Ces « groupes » ont-ils une pertinence ? Or, ces interrogations sont souvent totalement ignorées, notamment par des pans très influents du monde médiatique et politique, préférant la simplification outrancière à l’analyse des faits afin de « diviser pour mieux régner ».

 

Mise en pratique de la prise de recul et confrontation avec l’altérité : faisons un petit voyage

Qu’en est-il alors de ces unités prétendument homogènes qui sous-tendent cette vision binaire du monde ? Commençons par le « monde musulman ». Pour l’islamologue et directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études de Paris Mohammad Ali Amir-Moezzi, « l’islam n’est pas un, monolithique. Il ne l’a jamais été »6. La vaste aire géographique et les nombreuses cultures associées – la civilisation musulmane s’étend des Balkans européens à l’Indonésie – impliquent autant de différentes interprétations et appropriations de la religion musulmane, faisant écrire à Amir-Moezzi « [qu]‘il y a autant d’islams que de cultures existant entre musulmans »7. Ainsi, si la majorité des musulmans des Balkans, répartis sur sept pays, appartiennent au courant sunnite, il existe des minorités bektashies en Albanie et au Kosovo, ainsi que des minorités alévies en Grèce et en Bulgarie, formant une diversité dans les pratiques religieuses à laquelle s’ajoute une pluralité linguistique (populations albanophones, slavophones, turcophones et tziganes)8. Il y a donc des différences significatives entre les multiples ethnies musulmanes, nuançant quelque peu le concept d’un seul et même « monde musulman ». Parallèlement aux régimes terriblement conservateurs comme l’Arabie Saoudite – pourtant partenaire de nos pays occidentaux9 – existent également diverses tentatives d’émancipation et de renouvellement, comme dans la région de Rojava dans le nord de la Syrie où des populations kurdes, arabes et yézidies tentent de mettre en place une démocratie directe et une société multiculturelle en opposition à la cruauté de Daech10.

Par rapport à ce constat, que peut nous apprendre l’analyse de nos prénotions ? Pour répondre à cela, regardons par exemple du côté des jeunes, et de la manière dont ceux-ci perçoivent ce « monde musulman ». Sylviane Gaillard, dans son travail de master sur l’enseignement de la pluralité de l’islam à l’école, apporte quelques éléments. Elle relève qu’initialement, si une grande variabilité des conceptions existe bien chez les élèves de 3ème année de maturité gymnasiale interrogés, on retrouve toutefois, de manière générale, la vision monolithique de l’islam ainsi qu’une méconnaissance de l’origine inter-ethnique de certains conflits, à quoi s’ajoutent encore, pour quelques-uns des élèves, les confusions des termes « arabe », « islamiste » ou « musulman »11.

Maintenant, allons du côté du « Nous », du « monde judéo-chrétien ». Pourquoi abordé-je le « Nous » à travers ce qualificatif, au demeurant très vague, alors que la religion est censée y décliner ? C’est d’abord pour contrer une prénotion : la religion est encore une raison d’État dans certains pays, alors qu’on observe des degrés de laïcisation variables même en Europe, et qu’à l’instar de sociologues spécialistes des religions comme Peter Berger ou Danièle Hervieu-Léger, les théories parlant de la disparition des religions au profit de la modernité ont fait place à des théories soulignant le retour de la religiosité dans nos sociétés12. Si les gens se rendent effectivement moins à l’église, le religieux est toujours présent (croyance d’une vie post-mortem, etc.), et on assiste même à un succès grandissant des églises et courants les plus conservateurs13. Mais si j’emploie ce qualificatif « judéo-chrétien », c’est aussi parce qu’en politique, certains milieux adeptes du « choc des civilisations » se réclament, plus ou moins directement, de cet héritage religieux. J’y reviendrai.

Ce « monde judéo-chrétien », de part son étendue à la surface de la planète et les cultures impliquées, n’est pas homogène. Une grande diversité existe, entre croyants et laïcs, entre les différents courants religieux, églises et sectes, mais aussi dans les différentes réinterprétations et appropriations aux « couleurs locales » des écrits religieux. Prenons par exemple le protestantisme14. Celui-ci se décline aussi de différentes façons de par le monde, non seulement par ses courants propres, mais aussi par le biais de contextes culturels ou géographiques. Ainsi en est-il de l’île de Rapa, dans l’archipel des Australes en Polynésie française, territoire où l’Église évangélique protestante y est majoritaire. Selon le professeur à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel Christian Ghasarian, coutumes pré-européennes, culte fervent d’un protestantisme réapproprié et contexte géographique de grand isolement ont permis à la population locale de maintenir certaines pratiques pré-coloniales et, entre autres, la propriété collective des terres de l’île, chose unique en Polynésie française15. Si l’on s’en tient, comme le faisait Max Weber au début du 20ème siècle, au protestantisme et à son « éthique » comme facteur expliquant l’émergence du capitalisme, voir de fervents protestants réussir à maintenir un régime foncier collectif peut surprendre16. Mais le cas illustratif de Rapa peut s’expliquer lorsque l’on prend en compte la capacité des populations à se réapproprier (ou pas), au moyen de différents facteurs – culturels, géographiques, etc. –, certains concepts économiques, culturels… et religieux pour les traduire à leur sauce. Ainsi, dans « notre monde judéo-chrétien », l’homogénéité fait aussi place à la diversité, comme pour le « monde musulman », tout aussi peu monolithique.

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La baie d’Ahurei sur l’île de Rapa, dans l’archipel des Australes en Polynésie française. Source image : Le blog de la Famille Dieudonné (consulté le 1er septembre 2015).

Au lieu de deux (ou un nombre restreint de) blocs qui se rencontrent et s’opposent, se cacherait donc plutôt une incroyable diversité, faite de réappropriations de concepts culturels et religieux, de revendications propres, de résistances, etc. Dans cette diversité, on peut même trouver des similitudes entre ce « Nous » et ces « Autres ». Ainsi en est-il du schéma « patrilinéaire » (la descendance passe par l’homme) hérité du système politico-religieux aussi bien chrétien que musulman qui, selon l’anthropologue Maurice Gaudelier, est un aspect fondamental pour comprendre les rapports de domination des hommes sur les femmes encore en vigueur aujourd’hui, ou les violences perpétrées « ici comme ailleurs » à l’encontre des femmes ou des homosexuels17.

 

Aller au-delà des idées reçues pour mieux décrypter le langage politique

Le monde est affaire de nuances. Il n’est pas si simple, et ne peut pas, de manière satisfaisante, être résumé en termes de « civilisations » homogènes s’entrechoquant par leurs différences prétendument abyssales. Il n’est dès lors pas surprenant qu’une telle simplification du monde, dans une altérité bien commode lorsqu’il s’agit de dresser les uns contre les autres, puisse entrer dans la rhétorique politicienne, et ainsi jouer dans les processus de prise du pouvoir ou de domination.

On arrive donc à l’une des raisons pour lesquelles, au chapitre précédent, j’employais le terme de « monde judéo-chrétien » pour décrire le « Nous » dans cette altérité. Car ne nous y trompons pas ; derrière les discours de sécularisation – d’émancipation du religieux – se cache parfois, comme dans la politique, un processus discursif où le maintien de la religion chrétienne et de ses normes reste de rigueur. Ainsi peut-on lire dans le programme politique de l’UDC : « La séparation de l’église et de l’État ne doit pas nous cacher qu’une conception chrétienne de l’être humain et de la société est d’une importance capitale pour la culture et la politique de la Suisse. La perte de ces racines aurait des effets désastreux. Faut-il rappeler que la liberté individuelle est précisément une conséquence de la conception chrétienne de l’être humain ?18 » Il y aurait beaucoup à écrire sur ce seul passage, mais bornons-nous au contexte religieux définissant aussi bien la nation que l’humain aux yeux des cadres du premier parti politique de Suisse. Dans la politique de l’UDC, l’héritage chrétien reste donc fondamental dans la cohésion et la cohérence du « Nous ». Cette vision idéologique participe à l’entretien d’une conception très fermée des sociétés, peu enclines à inclure les « Autres ». Une conception somme toute passéiste de l’identité mais qui, chose remarquable, fait également fi de ce fameux héritage des Lumières – les libertés individuelles conquises au détriment de la tutelle religieuse et de sa « conception chrétienne » de la société – et de cette prétendue sécularisation de nos sociétés dont beaucoup se réclament pourtant.

 

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« Infinie diversité en d’infinies combinaisons » (IDIC), fondement philosophique des Vulcains dans « Star Trek », la célèbre saga de science-fiction. Peut-être aussi ce que les préjugés et les idées reçues, lorsqu’ils sont érigés en vérités absolues, nous empêchent de comprendre de notre propre monde ? Source image : Memory Alpha (consulté le 28 juillet 2015).

 

Aller au-delà des idées reçues pour mieux poser le problème

Lutter contre les prénotions, prendre conscience que l’on est toutes et tous, sans aucune exception, sujet-e-s à ces idées reçues, c’est ainsi éviter d’être instrumentalisé-e-s par celles et ceux qui jouissent, économiquement ou politiquement, de ces divisions. Mais sur la question musulmane, ceci ne peut être assimilé à un laxisme dangereux, cherchant des excuses aux terroristes et se contentant de blâmer un Occident responsable de tous les maux. C’est même le contraire, car résoudre un problème en le posant de manière incorrecte laisse présupposer bien peu de chance d’en arriver à bout. Et, comme le souligne l’économiste américain Joseph Stiglitz, la « guerre contre le terrorisme » a plus contribué à remplir les poches des sociétés d’armement19 qu’à anéantir des cellules islamistes qui, depuis Al-Qaïda jusqu’à l’actuel « État islamique », n’ont eu de cesse de se radicaliser davantage. Pas de complaisance avec le fondamentalisme islamiste dans ce texte ; il n’y a rien d’autre qu’une dénonciation de l’altérité et des stigmatisations et violences qu’elle a entraînées20. Devant les horreurs commises par les fanatismes violents, il faut plus que jamais garder la raison. Une chose que tous les fondamentalismes tentent de nous faire perdre.

En arriver aux amalgames entre islam et islamistes, faisant de tous les musulmans des terroristes en puissance, peut aussi « alimenter la bête ». Comme l’a très bien dit Zygmunt Bauman dans une interview accordée au journal italien Il Corriere della Sera peu après les attentats à Charlie Hebdo, nos sociétés, derrière un caractère multiculturel soi-disant affirmé, stigmatisent les étrangers par leurs attaches ethniques ou confessionnelles, créant ainsi des groupes de refoulés. Selon lui, nos sociétés ne pratiquent cette multiculturalité que de manière superficielle. On aime aller au kebab de la rue d’en face ou au restaurant tamoul du coin. On pratique la zumba ou la capoeira le soir après le boulot. On danse sur des airs latino-américains en boîte de nuit. Mais on se préoccupe bien peu de connaître plus en profondeur les cultures d’origine, notamment leurs facettes liées au sacré ; on ne tolère donc cette multiculturalité que jusqu’à un certain point. Selon Bauman, une telle multiculturalité de surface, avec ses humiliations répétées ressenties par les rejetés de la société, peut avoir tendance à pousser des gens dans les bras des intégristes de toutes sortes : « La parole du Prophète rassemble ainsi sous sa bannière les humiliés, les marginaux, les exclus, assoiffés de vengeance »21. Voilà peut-être dans la construction de l’altérité une piste parmi d’autres expliquant l’apparition en Europe des « djihadistes ».

Il est inconcevable de résoudre le problème intégriste en ignorant la complexité du monde au profit de certaines idéologies ethnocentrées. En introduction d’un article paru en 2004, le sociologue Laurent Mucchielli souligne l’importance de montrer au grand public, aussi bien pour contrer le fanatisme religieux que les stigmatisations xénophobes, « qu’il faut sortir d’une lecture purement religieuse des faits religieux pour analyser les conflits sociaux et politiques qui traversent notre société »22 : ainsi pourrait-on se questionner sur le rôle des politiques étrangères de nos gouvernements, des conflits qu’ils ont suscités ou encore de la course aux matières premières comme le pétrole23. Des années après la rédaction de cet article, ces questions trouvent encore une cruelle résonance avec les atrocités commises par les extrémistes de Boko Haram au Nigeria, où le contexte socio-économique désastreux dans lequel vivent les habitants de la région, couplé aux agissements répressifs de gouvernements souvent corrompus, ont été soulignés comme étant de puissants moteurs alimentant ce groupe terroriste24.

 

Aller au-delà des idées reçues pour lutter contre l’ignorance ; un rôle essentiel à jouer pour l’information libre et les sciences sociales

Il revient donc à nous, simples citoyennes et citoyens de ce monde troublé mais complexe et divers, de faire l’effort d’analyse nécessaire pour répondre à ces questions. Une prise de recul, afin d’avoir ce que les anglo-saxons appellent the big picture, est pour cela incontournable dans le but d’éviter les pièges intellectuels tendus par les adeptes d’une altérité réductrice. Point de diplômes, de qualifications hors normes ou de moyens financiers conséquents pour cela : il faut s’informer, rester critique et prudent. Mais encore faut-il que l’information de fond soit là, pertinente et à portée.

Le rôle d’une information libre de toute pression politique ou économique apparaît donc clairement, alors que ce secteur subit, en Suisse comme ailleurs, la pression des marchés comme des pouvoirs politiques. De plus, les scientifiques doivent absolument sortir des cadres académiques, poursuivre leur mouvement vers le grand public, et s’adresser directement à lui dans un esprit d’ouverture. Cela se fait déjà, à l’instar de Jet d’Encre, mais il faut appuyer encore plus la démarche. De nombreuses questions de société, comme la multiculturalité, nos rapports avec « les islams » mais aussi un capitalisme en fin de course ou la crise environnementale, imposent des remises en question profondes, loin des débats noyautés par des « spécialistes » plus ou moins autoproclamé-e-s. De telles remises en question impliquent donc au préalable une prise de recul de notre part par rapport aux idées reçues. Ces idées reçues, ces dogmes divers, que nos tutelles politiques et économiques d’aujourd’hui, se substituant (du moins en Europe) aux tutelles d’hier qu’étaient les religions, nous ont imposé et nous imposent encore jour après jour.

 


1 Ces manifestations de soutien ont été remarquables, notamment sur les réseaux sociaux où le hashtag « #jesuischarlie », plus que dans le nombre, s’est distingué par sa diffusion planétaire. Voir : DARCY Benoît (2015). #JeSuisCharlie : retour en chiffres sur un hashtag, qui a fait le tour du monde. Znet.com [En ligne], 18 janvier 2015, http://www.zdnet.fr/actualites/jesuischarlie-retour-en-chiffres-sur-un-hashtag-qui-a-fait-le-tour-du-monde-39813149.htm (consulté le 6 juillet 2015).

2 Dans les colonnes de L’Express, le philosophe Daniel Salvatore Schiffer débute ainsi sa prose : « Qui aurait dit que la conjugaison de deux drames aussi épouvantables que les massacres à Charlie Hebdo et au magasin cacher de la porte de Vincennes, auxquels il convient d’inclure l’odieux assassinat de trois policiers, aurait conduit à la renaissance, paradoxalement, de ce que la France possède de mieux dans sa séculaire et glorieuse histoire : l’admirable Siècle des Lumières, au sein duquel émergent, au premier rang, ces imprescriptibles valeurs morales que sont la liberté (fût-elle de pensée, de parole, d’expression ou de culte), la tolérance et la fraternité ». Voir : SCHIFFER Daniel Salvatore (2015). Charlie Hebdo: « Et maintenant, le retour à la France des Lumières! ». L’Express [En ligne], 15 janvier 2015, http://www.lexpress.fr/actualite/apres-la-tragedie-de-charlie-hebdo-la-france-des-lumieres_1640604.html (consulté le 6 juillet 2015).

3 CORCUFF Philippe (2015). C’est confirmé, Val et Todd ont écrit de la merde, L’Obs Rue89 [En ligne], 4 juillet 2015, http://rue89.nouvelobs.com/2015/07/04/val-todd-trois-mois-plus-tard-cest-confirme-ils-ont-ecrit-merde-260112 (consulté le 6 juillet 2015)

4  AFP (2015). Kenya: les shebabs font près de 150 victimes à Garissa. L’Humanité [En ligne], 2 avril 2015, http://www.humanite.fr/kenya-sanglante-prise-dotage-dans-luniversite-de-garissa-570250 (consulté le 15 juillet 2015)

5 FAVRE Alexis (2015). La pasionaria de l’anti-islam passe à l’action. Le Temps [En ligne], 20 juin 2015, http://www.letemps.ch/Page/Uuid/eb3b5c92-171e-11e5-96f4-d5eb39d18cde/La_pasionaria_de_lanti-islam_passe_%C3%A0_laction (consulté le 6 juillet 2015)

6 AMIR-MOEZZI Mohammad Ali (2007). La pluralité en islam. Institut Européen en Sciences des Religions [En ligne], http://www.iesr.ephe.sorbonne.fr/index4081.html (consulté le 6 juillet 2015)

7 Ibid.

8 BOUGAREL Xavier (2005). Islam balkanique et intégration européenne. In : LEVEAU Rémy, MOHSEN-FINAN Khadija (2005). Musulmans de France et d’Europe [En ligne], CNRS Éditions, Connaissances du monde arabe, pp. 21-48, http://books.openedition.org/editionscnrs/2849 (consulté le 6 juillet 2015)

9 DE GRANDI Michel (2015). Riyad commande des hélicoptères et s’intéresse aux EPR d’Areva. Les Échos [En ligne], 25 juin 2015, http://www.lesechos.fr/journal20150625/lec2_entreprise_et_marches/021161165645-riyad-commande-des-helicopteres-et-sinteresse-aux-epr-dareva-1131556.php?GLWyttOEy5yDKkm7.99 (consulté le 14 juillet 2015)

10 KNAEBEL Rachel (2015). En Syrie, une expérience de démocratie directe, égalitaire et multiconfessionnelle tient tête à l’Etat islamique. Basta ! [En ligne], 10 juillet 2015, http://www.bastamag.net/En-Syrie-une-experience-de-democratie-directe-egalitaire-et (consulté le 13 juillet 2015)

11 GAILLARD Sylviane (2012). Enseigner la pluralité en islam ? : enjeux et analyse d’une séquence. Mémoire de Master Advanced Studies (MAS) : Haute école pédagogique du canton de Vaud. Réseau des bibliothèques de Suisse Occidentale [En ligne], http://doc.rero.ch/record/234271/files/md_ms2_p22266_2012.pdf (consulté le 6 juillet 2015)

12 RUANO-BORBALAN Jean-Claude (2001). Croyances et religions : du déclin à l’affirmation ? In : La pensée orientale. Une invention de l’Occident ? Echos des recherches. Sciences humaines [En ligne], http://www.scienceshumaines.com/croyances-et-religions-du-declin-a-l-affirmation_fr_1491.html (consulté le 14 juillet 2015)

13 BARIL Daniel (2007). Déclin de la religion et persistance du religieux. In : PLOURDE Eric (dir.), STROHM Kiven (dir.), FURRI Filippo (dir.) (2007). Déclin, mutation, effondrement? Altérités – Revue d’anthropologie du contemporain [En ligne], Volume 4, numéro 2, pp. 79-90, http://www.alterites.ca/vol4no2/pdf/baril2007.pdf (consulté le 6 juillet 2015)

14  Selon le think tank américain Pew Research Center, près de 800 millions de personnes réparties sur l’ensemble de la planète se définissent de confession protestante, sur près de 2,2 milliards de chrétiens. Voir : Fédération protestante de France (2012). 2,2 milliards de chrétiens dans le monde, dont 800 millions de protestants [En ligne], http://www.protestants.org/index.php?id=23&tx_ttnews[tt_news]=1565&tx_ttnews[year]=2012&tx_ttnews[month]=01&cHash=28a1027e02 (consulté le 6 juillet 2015)

15 GHASARIAN Christian (2014). Rapa, île du bout du monde, île dans le monde. Paris : Demopolis. 591 p.

16  Pour ancien et dépassé qu’est l’argument de Weber, il trouve encore un écho de nos jours, notamment chez certains chercheurs comme l’historien économique proche des néo-conservateurs Niall Ferguson, pour lequel le succès du capitalisme occidental voit toujours la propriété privée ou l’éthique du travail héritée en partie du protestantisme – deux de ce qu’il appelle ses killer apps – comme des éléments fondamentaux. Voir : FERGUSON Niall (2011). Introduction : Rasselas’s question. In : Civilization, The West and the Rest. New York : Penguin Books, pp. 1-18.

17 FIKRI Mehdi (2013). Maurice Godelier : « Les rapports sont en train de changer dans la famille ». L’Humanité [En ligne], 30 juillet 2013, http://www.humanite.fr/maurice-godelier-les-rapports-sont-en-train-de-changer-dans-la-famille (consulté le 3 juin 2015)

18  UDC Suisse, Programme politique 2015-2019, p.91, [En ligne], http://www.udc.ch/fr/assets/File/Parteiprogramm_2015-f.pdf (consulté le 6 juillet 2015)

19  SANA Eros (2015). 1600 milliards de dollars : le coût astronomique d’une décennie de guerre contre le terrorisme. Basta ! [En ligne], 3 mars 2015, http://www.bastamag.net/1600-milliards-de-dollars-le-cout-astronomique-d-une-decennie-de-guerre-contre (consulté le 14 juillet 2015)

20  Un parallèle très intéressant peut être tiré avec la radicalisation des groupes criminels en marge de la « guerre contre les narcotrafiquants » dans le Mexique du président Caldéron. En 2012, la dénonciation au Tribunal Permanent des Peuples des féminicides et violences à répétition envers les femmes que cette guerre a entraînés, tout comme son prix énorme en vies humaines, ne signifie pas plus un quelconque soutien des plaignant-e-s aux activités des narcotrafiquants. Voir : FALQUET Jules (2013). Femmes et féministes contre la violence masculine au Mexique. In : GAUDICHAUD Franck (coord.) (2013). Amériques latines : émancipations en construction. Paris : Syllepse, les Cahiers de l’émancipation, pp.125-134.

21 NATALE Maria Serena (2015). Après Charlie. Zygmunt Bauman : « Nos sociétés refoulent des populations entières hors du corps social ». In : Le Courrier International [En ligne], 16 janvier 2015, http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/14/zygmunt-bauman-nos-societes-refoulent-des-populations-entieres-hors-du-corps-soci (consulté le 3 juin 2015)

22  MUCCHIELLI Laurent (2004). L’islamophobie : une myopie intellectuelle ?, Mouvements [En ligne] 2004/1 (n° 31), p.90, http://www.cairn.info/revue-mouvements-2004-1-page-90.htm (consulté le 6 juillet 2015)

23  Ibid., p.91

24  VICKY Alain (2012). Frustration sociale et violence confessionnelle au Nigeria. Aux origines de la secte Boko Haram, Le Monde Diplomatique [En ligne], avril 2012, http://www.monde-diplomatique.fr/2012/04/VICKY/47604 (consulté le 15 juillet 2015)

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