International Le 22 novembre 2015

Les enjeux de la COP 21 : quel accord pour Paris ?

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Les enjeux de la COP 21 : quel accord pour Paris ?

La France organisera la vingt-et-unième Conférence des Parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) du 30 novembre au 13 décembre 2015, au Bourget, dans la banlieue parisienne. Au cours de ces assises, 196 États parties à ladite Convention procéderont à une négociation intense et difficile en vue d’adopter un nouvel accord international sur le climat. L’accord de Paris constituera la clé de voûte de la gouvernance mondiale sur le climat pour la période post-2020, prenant ainsi le relai du Protocole de Kyoto et du Plan d’action de Bali, qui définissent l’architecture climatique internationale jusque-là. De nombreux chefs d’État et de gouvernement annoncent d’ores et déjà leur venue à Paris afin de prendre part à cet événement historique que sera l’adoption d’un nouveau régime climatique. À titre personnel, la conférence de Paris marquera le huitième anniversaire de ma participation, en ma qualité d’expert de la République démocratique du Congo (RDC), à ce processus de négociation à la complexité grandissante et dont l’objectif initialement environnemental a aujourd’hui pour toile de fond des visées inavouées de compétition économique et de lutte d’influence géopolitique entre les États.

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Première question de « solidarité mondiale obligatoire »

Le changement climatique affecte avant tout les pays les plus vulnérables, en impactant négativement leur production alimentaire, en aggravant leur pauvreté, en accentuant leurs flux migratoires et en menaçant leur stabilité sociale et économique. Il affecte également les pays développés qui, en dépit des énormes ressources dont ils disposent, ont de plus en plus de mal à surmonter les effets néfastes de ce phénomène. À titre d’exemple, face à la quatrième année consécutive de sécheresse en Californie, le gouverneur Jerry Brown a décrété un rationnement général et obligatoire de 25 pourcent de l’eau potable. Le changement climatique est donc un phénomène global qui affecte les riches comme les pauvres, qui est insécable et qui ne peut être résolu par des actions isolées et non-coordonnées. Il s’agit par conséquent de la première question de « solidarité mondiale obligatoire ». Comme l’a récemment déclaré l’écologiste Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président Hollande pour la protection de la planète : « pour la première fois dans l’Histoire, il y a un enjeu qui vaut pour toutes les sociétés ».

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Une annonce positive en amont de la conférence de Paris

En décembre 2015, 196 nations se réuniront à Paris à l’occasion de la vingt-et-unième Conférence des Parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour tenter de trouver une réponse adéquate à ce phénomène. Contrairement à la conférence de Copenhague (COP 15) de décembre 2009 qui se déroula de manière chaotique et aboutit à une déclaration politique minimaliste, la conférence de Paris offre des perspectives encourageantes pour l’adoption d’un accord international qui soit équilibré, durable et applicable à tous.

Lancé lors de la conférence de Durban (COP 17), en Afrique du Sud, en décembre 2011, le cycle actuel de négociations a reçu en novembre dernier un signal positif majeur de la part des deux plus gros émetteurs de la planète, les États-Unis et la Chine, dans l’optique d’assurer une réussite de la conférence de Paris. Les États-Unis se sont publiquement engagés à une réduction de 26-28 pourcent de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 par rapport à 2005.  De son côté, la Chine s’est fixée l’objectif d’un pic de ses émissions autour de 2030, avec l’intention d’essayer d’y arriver plus tôt. Bien que ces chiffres ne reflètent pas le niveau d’ambition recommandé par la communauté scientifique, ils constituent des messages politiques forts : ils consacrent la ferme volonté d’agir de ces deux pays qui représentent 42 pourcent des émissions globales de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique et ils marquent de manière claire et précise quelles sont leurs lignes rouges.

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Quelques caractéristiques du futur accord de Paris

Au-delà des questions de processus, pour que l’accord de Paris puisse être adopté par tous les États parties, il devra comporter certaines caractéristiques essentielles.

Un accord ambitieux

L’accord de Paris ne peut pas être un accord minimaliste. Au contraire, il devra être ambitieux. Pour cela, le niveau d’ambition collective à atteindre en termes d’atténuation devra suivre les recommandations objectives du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). L’ambition de l’accord de Paris dépendra principalement des engagements des pays exprimés sous forme de contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN, ou INDC en anglais). Les États parties ont chargé le Secrétariat de la Convention Climat de préparer, d’ici au 1er novembre 2015, un rapport de synthèse sur l’effet global des CPDN soumises. Toutefois, au vu des CPDN reçues à ce jour, il est fort probable que ce rapport conclue que ces contributions ne sont pas suffisamment ambitieuses pour limiter la hausse de la température globale en deçà de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. C’est pour cette raison que plusieurs pays insistent sur l’inclusion d’une clause de « progression » dans le futur accord, exigeant que les signataires s’engagent à réviser leur CPDN une fois tous les cinq ans afin de la rendre plus précise et plus ambitieuse.

En dépit de ses faibles émissions, mon pays, la RDC, a présenté sa contribution nationale au Secrétariat de la Convention Climat en date du 18 août 2015. La contribution nationale de la RDC comporte des réductions des émissions de gaz à effet de serre estimées à 17 pourcent entre 2020 et 2030 par rapport à la trajectoire du maintien du statu quo. Par son adoption de cet objectif ambitieux de réduction de ses futures émissions, nonobstant les nombreux défis de développement qu’elle doit relever, la RDC souhaite encourager les autres pays à soumettre leurs contributions nationales et à concourir à la création d’une dynamique positive, afin que l’accord de Paris permette véritablement de stabiliser le réchauffement climatique.

Un accord juste et équilibré

Pour que l’accord de Paris rencontre l’adhésion des 196 parties prenantes, il devra être perçu comme étant un accord juste et équilibré. Il est établi que 80 pourcent des émissions globales de gaz à effet de serre sont causées par la vingtaine de pays les plus émetteurs. Il est également prouvé que deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont aujourd’hui attribuables à seulement 90 entreprises multinationales détenues par des investisseurs privés et/ou des États, majoritairement dans le secteur des énergies fossile.

Pour que l’accord de Paris soit entériné, il devra impliquer une contribution équitable et adéquate de tous les pays à l’effort mondial, ainsi qu’un suivi des engagements spécifiques des pays conformément à leurs obligations en vertu de la Convention. À Paris, les pays détenteurs d’une responsabilité historique par rapport au réchauffement climatique devront prendre les devants en affichant un leadership politique, environnemental et climatique, à travers des objectifs ambitieux de réduction de gaz à effet de serre et un soutien financier aux pays les plus vulnérables pour un développement sobre en carbone et résilient face aux effets négatifs des changements climatiques.

Un accord honorant la promesse des 100 milliards de dollars

Les moyens de mise en œuvre, le transfert technologique, ainsi que le renforcement des capacités occupent une place centrale dans les négociations. Le financement climatique, en particulier, jouera un rôle clé dans le futur accord. Bien que le Fonds vert pour le climat ait aujourd’hui atteint une capitalisation initiale de 10 milliards de dollars EU, qui doivent être déboursés entre 2015 et 2018, des divergences subsistent dans les négociations. Elles portent notamment sur le niveau des engagements financiers, la nature de ceux-ci (simple engagement politique ou juridiquement contraignant), leurs sources, ainsi que sur les contributeurs, dans l’optique d’aboutir à l’objectif de mobilisation des 100 milliards de dollars américains par an à partir de 2020. Cette question du financement sera âprement négociée à Paris.

La conférence devra aboutir à des principes clairs qui guident la mise à disposition du financement climatique par les pays développés en faveur des pays en développement, la clarification des sources de financement climatique, permettant la transparence et le suivi des flux financiers vers les pays en développement, et l’adoption de critères conjointement agréés sur un financement climatique qui soit nouveau, additionnel, prévisible, durable et adéquat.

Un accord qui prenne en compte l’adaptation

L’Afrique et son milliard d’habitants contribuent collectivement à moins de 4 pourcent des émissions globales de gaz à effet de serre. Le continent demeure pourtant le plus vulnérable face aux effets néfastes du changement climatique et rencontre d’énormes difficultés à surmonter ses besoins en adaptation. En effet, les pays africains font face à une crise climatique qui s’accélère, affectant leurs ressources agricoles, halieutiques et hydriques, entravant leur développement et coûtant de plus en plus cher à leurs économies et leurs populations. L’accord de Paris ne devra pas se contenter de faire la part belle à l’atténuation, mais devra accorder une considération égale à l’adaptation. En décembre 2015, les pays développés devront se joindre aux pays africains, afin de permettre la conclusion d’un accord qui permette de financer leur adaptation et de mieux gérer les questions relatives à la sécurité alimentaire, à l’éradication de la pauvreté, au développement socio-économique, à l’environnement et à la durabilité des modes de vie de leurs populations.

Un accord porteur de solutions

En matière de lutte contre le changement climatique, il existe aujourd’hui des solutions concrètes et éprouvées dans le secteur des énergies renouvelables. Ces solutions sont de moins en moins chères, et de plus en plus compétitives face aux énergies fossiles, particulièrement lorsque ces dernières ne sont pas subventionnées. D’autre part, le mécanisme REDD+ (acronyme désignant les réductions des émissions liées à la déforestation et à la dégradation forestière), adopté depuis plusieurs années au niveau international, récompense les pays en développement détenteurs de forêts pour leurs efforts visant à enrayer les dynamiques de déforestation, ce qui permet à la fois de réduire la perte de biodiversité et d’éviter les émissions de gaz à effet de serre.

La plupart des pays africains, à l’image de la RDC, disposent d’un énorme potentiel en termes d’énergies renouvelables (hydroélectricité, solaire, éolien, géothermie, biomasse) et détiennent un important capital forestier qui nécessite une gestion durable et plus responsable. Avec un réseau hydrographique couvrant toute l’étendue de son territoire national, la RDC dispose d’un potentiel hydroélectrique estimé à plus de 100’000 MW, avec le site d’Inga comptant à lui seul pour environ 44’000 MW (deux fois la capacité du barrage des Trois Gorges en Chine). La RDC étant un pays enclavé par 9 pays voisins, son potentiel énergétique est en mesure de subvenir non seulement à ses propres besoins mais également à ceux de ses voisins, tout en contribuant à la réduction des émissions énergétiques de gaz à effet de serre de la région. Quant à la forêt congolaise, elle couvre 145 millions d’hectares et représente le deuxième massif forestier tropical au monde après l’Amazonie. Elle séquestre un stock de carbone estimé à environ 40 gigatonnes, soit l’équivalent de 140 gigatonnes d’émissions potentielles de dioxyde de carbone, ce qui correspond à environ trois fois le total des émissions mondiales actuelles.

Pour encourager les actions et les investissements de la RDC et des pays africains dans un développement plus sobre en carbone, la conférence de Paris devra produire un accord qui transforme le « fardeau » de la lutte contre les changements climatiques en « solutions et bénéfices » pour un monde plus juste. Cela passera notamment par la mise à disposition de ressources financières accrues permettant de surmonter les surcoûts que représentent les investissements « climato-compatibles » en comparaison aux investissements traditionnels.
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Cet article a été initialement publié dans : Passerelles, vol. 16, n°6, International Centre for Trade and Sustainable Development (ICTSD), septembre 2015.

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