Sport Le 5 février 2016

Maradona… Presidente!

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Maradona… Presidente!

« Dans le quartier ZEN à Palerme, l’Église et le foot contre les dérives des ados. Dommage qu’au siège de la FIFA, il n’y ait rien contre les dérives des seniors… » (Photo : JB Bing, 2014).

C’est reparti pour un tour : Sepp Blatter va-t-il continuer à s’accrocher à son cher poste à la FIFA, ou sa démission a-t-elle été faite en bonne et due forme1 ? Wait and see… Personnellement, j’ai du mal à comprendre l’obstination de Blatter – il s’emmerde donc tellement, dans ce Valais qui me fait tant rêver, qu’il refuse de quitter Zurich ?

 

Maradona a toutes les cartes… en mains

De toute façon, je connais déjà le président idéal pour la FIFA. Une chose est claire : pour changer des bureaucrates, il faudrait un footeux. Mais qui ? Maintenant que Michel Platini, tel un fragile petit Icare papillonnant, s’est cramé les ailes à vouloir faire joujou trop près du Soleil, qui reste-t-il ? David Ginola2 ? C’était un joueur talentueux, c’est sûr ; mais je doute qu’il ait le calibre pour se frotter au panier de crabes en question. Non, celui qu’il faut, c’est Diego Maradona.

Le Pibe de Oro connaît bien ce monde3, il a toutes les compétences pour y évoluer – et il en est conscient. La preuve : un jour, lors d’un Naples-Udinese, il marque de la main (eh oui, déjà !) pour le Napoli ; Zico, qui jouait à l’Udinese, vient le voir et lui dit : « Si tu dis que le but est valide, tu es malhonnête! » Et Maradona de tendre la main, en se présentant : « Diego Armando Maradona, malhonnête4. »

Lors d’une interview, juste avant de conter l’anecdote ci-dessus, il expliquait : « Depuis notre plus tendre enfance, on apprend à jouer en utilisant la ruse. Pas le vice […]. La ruse, c’est autre chose. La ruse, c’est laisser traîner sa main. La ruse, c’est le but que j’ai marqué contre l’Angleterre. La ruse, c’est tout ce qui fait le jeu. » La ruse – la mêtis des Grecs : celui qui survit à la guerre de Troie et retourne chez lui, c’est Ulysse. Ni Patrocle, ni Achille, ni Ajax (pas celui d’Amsterdam…) : eux, ils trépassent. Eux sont courageux, glorieux, etc. etc. Mais celui qui, finalement, s’en sort le mieux (et pas moins glorieusement que les autres…), c’est le rusé.

Eh bien Maradona, c’est pareil. Remarquez d’ailleurs qu’un des synonymes de « rusé » est « malin ». Maradona c’est celui qui, en moins de quatre minutes, arrive à nous faire comprendre que non seulement dieu et diable existent, mais qu’ils sont une seule et même personne : 51ème minute, mano de Dios ; 54ème minute, le chef d’œuvre5. Que demander de mieux, bon dieu (bon diable ?) ! D’ailleurs, en dehors du foot, une autre religion mondiale a choisi pour pape un Argentin. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il fait bouger les choses6

 

Élection au tirage au sort!

Maradona à la tête de la FIFA, ça ferait sans doute râler les Anglais. On pourrait alors lui adjoindre Paul Gascoigne, et mettre Éric Cantona à l’UEFA. Ou l’inverse, peu importe… Remarquez bien que ces trois-là, en plus de donner un grand coup de pied dans la pourriture des institutions, pourraient être capables de régler en même temps la question des Malouines ! Tout bénéf’… (À propos de duo, un autre intéressant à tester serait d’associer Zinedine Zidane à Marco Materazzi7 – mais bon, Zidane est déjà pris par Madrid…)

Et une fois que les écuries d’Augias auront été nettoyées, alors là on pourra renouveler profondément le système. Puisque la FIFA est – sans rire – une association sans but lucratif au fonctionnement démocratique, on pourrait remettre à l’honneur le bon vieux système du tirage au sort. C’est d’ailleurs l’idée avancée par l’historien et politologue David Van Neybrouck pour renouveler notre vie politique8. Alors, hop, tirage au sort !

Mais un vrai tirage au sort, hein – pas un comme lors des groupes de Coupes (du monde, d’Europe, …) où le « glorieux hasard du sport » (comme on dit…) est autant encadré qu’un tableau de maître ; plutôt sur le mode Coupe de France, cette compét’ où n’importe quel petit peut dégommer un grand. Imaginons que quiconque – disons d’au moins 18 ans – est inscrit dans une association reconnue par la FIFA peut recevoir un mandat au sein de l’institution… Ça en jetterait, non ?

 

La beauté intemporelle du jeu

Peut-être le football retrouverait-il un peu de la common decency chère à Jean-Claude Michéa9, John King10 et à tous les « mendiants du beau jeu11 ». Ou pas. Après tout, Athènes – même avec le tirage au sort – a bien fini par sombrer… et nouveaux riches et jeunes loups ne valent pas forcément plus (ni moins…) que les anciens. Mais peu importe car, dieu/diable merci, le foot n’est ni la politique ni l’économie.

D’ailleurs, personnellement, ce n’est pas sur les terrains homologués et avec la bénédiction des z’autorités que j’ai pris le plus de plaisir à jouer, mais sur une plage de Loire-Atlantique d’abord, dans un jardin de Sumatra ensuite (avec une noix de coco en guise de ballon plus un caillou, une casquette et deux godasses pour faire les buts) et surtout, ces derniers mois, juste en tapant dans une grosse balle de plastique, sur des chemins forestiers, avec mon fiston de 2 ans. Parce que finalement, c’est ça le mieux avec le foot : aucun magouilleur international, aucune instance officielle, ne pourront jamais empêcher quiconque de rire un bon coup avec un ballon et de la bonne compagnie. Dans Le football, ombre et lumière, l’Uruguayen Eduardo Galeano écrit :

 

« Un journaliste demanda à la théologienne12 allemande Dorothee Sölle :

– Comment expliqueriez-vous à un enfant ce qu’est le bonheur ?

– Je ne le lui expliquerais pas, répondit-elle. Je lui lancerais un ballon pour qu’il joue avec. »

 

Et Galeano conclut : « Le football professionnel fait tout son possible pour castrer cette énergie de bonheur, mais elle survit en dépit de tout. »

 


1 http://sport24.lefigaro.fr/football/fil-info/blatter-pourrait-rester-president-de-la-fifa-789301

2 http://www.sofoot.com/david-ginola-candidat-a-la-presidence-de-la-fifa-194736.html

3 http://www.sofoot.com/maradona-et-les-voleurs-de-la-fifa-215420.html

4 Cf. X. de La Porte, La controverse pied/main (éd. ère, 2006), p. 19.

5 Les deux buts, pour le plaisir : https://www.youtube.com/watch?v=KY40__rBvSk

6 Che Guevara était argentin, Maradona et François sont argentins. Suggestion pour Al-Azhar : prenez comme imam un cheikh argentin ! Peut-être parviendra-t-il à rendre populaire le réformisme libéral musulman, par exemple en se rapprochant des milieux ultras d’Égypte (qui ont semble-t-il fortement contribué à faire tomber Moubarak : http://www.sofoot.com/en-prive-les-ultras-egyptiens-se-preparaient-aux-manifestations-164348.html et ont beaucoup pâti de la répression lancée contre toute forme de contestation par le maréchal Sissi : http://www.afrik-foot.com/egypte-les-supporters-du-zamalek-victimes-d-un-massacre).

7 Souvenez vous : https://www.youtube.com/watch?v=L0zY4SmSZSw.

8 http://www.actes-sud.fr/catalogue/pochebabel/contre-les-elections-babel. Pour une critique (parmi d’autres…) : http://www.philomag.com/les-livres/grand-angle/contre-les-elections-8816.

9 Voir son livre Les intellectuels, le peuple et le ballon rond (éd. Climats, 2010).

10 De ce fantastique auteur, Football Factory (Alpha Bleu 1998) et Aux couleurs de l’Angleterre (éd. de l’Olivier, 2005) concernent directement le foot, que le récent Skinheads (éd. Le Diable Vauvert, 2012) aborde aussi de près dans quelques chapitres.

11 Ainsi se définissait Eduardo Galeano, journaliste uruguayen (surtout connu pour Les veines ouvertes de l’Amérique latine), dans Le football, ombre et lumière (éd. Climats, 1997).

12 Quand je vous disais que le football avait à voir avec la religion…

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