Société Le 24 décembre 2014

La Recette des Conflits en vue de vos vacances de Noël

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La Recette des Conflits en vue de vos vacances de Noël

Mesdames et messieurs approchez, n’ayez pas peur, venez découvrir une cuisine innovante et profondément transformatrice, pour le plaisir de vos papilles et de vos cœurs ! Venez y goûter, en faire l’expérience, développer vos recettes, inspirées par une nouvelle génération de cuisiniers ! Oui mesdames et messieurs meilleure que le gruyère ! Moi ma cuisine, je la fais avec des sentiments et des besoins pour seuls aliments, dans mon infrastructure pour la paix ! J’ai l’honneur de vous faire découvrir la cuisine Pacicultura, on y mange du conflit !


Comme chez vous, j’ai consacré à la cuisine de mes petits plats un espace bien équipé dans ma maison : une cuisine tout équipée, avec ses casseroles, ses plaques chauffantes, ses ustensiles, son frigo bien rempli, ses épices, son livre de recette, tout le nécessaire pour cuisiner les meilleurs plats. J’ai donc toute une infrastructure qui me permet de cuisiner ! Par une série de métaphores culinaires, je vais vous inviter à créer une cuisine à conflit, une infrastructure pour la paix au sein de votre maison, de votre famille, de votre travail. Je vous propose d’imaginer avec vous à quoi pourrait ressembler un espace dédié aux conflits et à la paix dans votre chez vous, et ce qu’il pourrait s’y passer. Surtout que Noël, c’est aussi plein de petits plats délicieux à se mettre sous la dent, plein de petits conflits croustillants à transformer, plein de gratitude à exprimer, plein de liens à construire ! À la fin de ma présentation, vous recevrez de quoi équiper votre cuisine à conflit, quelques ustensiles, ingrédients et recettes pour vous mettre à faire votre propre tambouille !

Ainsi, ma cuisine est d’un type bien particulier, elle me permet de transformer les conflits que j’ai dans ma famille, d’exprimer ma gratitude, de me connecter à mes proches, et de construire la paix ! On en a besoin pour la même raison : pour se nourrir l’âme et de là grandir ! Vous allez me dire : « Dans une cuisine, on a besoin d’aliments, de légumes, de céréales, mais dans la vie, on n’a pas besoin de conflits ! » Et bien ce n’est pas tout à fait exact ! Nous n’avons pas besoin de violence, mais c’est tout autre chose ! Le conflit est en permanence présent dans nos vies, car nous sommes socialement connectés à des gens très différents de nous. Le conflit naît de la diversité, et de cette même diversité naît un nombre incalculable d’autres choses positives à la vie. Les sentiments douloureux naissent de la relation entre deux ou plusieurs individus, c’est ensemble que nous produisons des légumes délicieux, mais qui parfois peuvent se mettre à pourrir. Le conflit naît de l’insatisfaction d’un ou plusieurs besoins et nous permet de voir clairement les choses qui nous manquent, dont on a besoin. Pourquoi dit-on aux enfants de manger cinq fruits et légumes par jour ? Parce que ça les fait grandir et les maintient en bonne santé. Parce que manger nous renforce, et il en va de même pour les conflits. Le conflit nous offre une fenêtre à travers laquelle regarder notre vie, rencontrer l’autre, et sa transformation génère des possibilités renouvelées d’amélioration de notre quotidien. La transformation du conflit nous permet de grandir, de nous renforcer, tout comme manger nous renforce. Arrêter de cuisiner, de manger diversifié, c’est s’affaiblir. La transformation des aliments dans la cuisine, puis leur consommation nous fait grandir. De même, la transformation des conflits dans notre infrastructure pour la paix nous fait grandir.

 

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Sans cuisine, je serais réduit à ne manger que des aliments cuits, non découpés, non lavés, une vie bien fade ! Ma cuisine permet de rendre mes aliments, mes conflits, digérables. Dans ma cuisine, je mets souvent mes aliments sur le feu, dans le four, ou dans mes casseroles ! Je les cuis et les transforme pour révéler leurs goûts, changer leur saveur et les rendre comestibles. C’est aussi ce qu’on peut faire dans une cuisine de paix, on va mettre ce qu’il s’est passé de douloureux ou de positif sur le feu, on va exprimer les sentiments qu’on a gardés en nous parfois longtemps, pour révéler leurs valeurs, et utiliser pleinement le potentiel du conflit comme facteur de changement et d’évolution dans nos vies. Tout comme de nombreux aliments que nous mangeons ne sont pas comestibles s’ils ne sont pas cuits, le conflit est particulièrement dur à vivre si on ne s’en occupe pas ! Qu’est-ce qu’il se passe si j’attends trop avant de manger ce bon fruit immédiatement comestible ? Il pourrit ! Il devient de moins en moins bon, et vite immangeable ! On doit chercher à transformer le conflit dès qu’il apparaît, sans tarder. Le fruit qui pourrit est aussi de moins en moins riche en vitamines ; le conflit qui pourrit est de moins en moins utile à ma vie, il s’alourdit, ce qui rend sa transformation plus difficile ! De plus, si mes courgettes sont mises au congélateur, même avec tout mon savoir-faire je ne saurais pas leur redonner un bon goût ! Il vaut mieux les cuisiner tout de suite, fraîches, avec un peu d’huile et des herbes de Provence. La stratégie de l’autruche pour les conflits, ça ne paye pas : nier son conflit et ses sentiments douloureux ne sert qu’à les rendre plus amères. Cuisinez vos conflits le plus tôt possible ! Savoir cuisiner ses légumes à temps, cuire son steak à point et cueillir ses fruits avant qu’ils ne tombent de l’arbre et s’abîment, c’est ça le secret d’un grand chef cuistot.

Dans ma cuisine, j’ai plein d’aliments excellents, le frigo est rempli mais ils ne sont pas arrivés par hasard ni par miracle. J’ai fait ma liste de courses, et grâce à elle, je suis allé au marché et je me suis procuré tout ce dont j’avais besoin. Et bien dans ma famille, je fais la même chose : chaque matin, je me retrouve avec mes frères et sœurs, et on fait un tour de cercle durant lequel chacun exprime comment il se sent, c’est l’inventaire de ce qu’on a dans notre cuisine. Chacun exprime ce dont il a besoin, ce qu’il ou elle a envie de vivre aujourd’hui, c’est la liste de course de besoins et sentiments ; puis on établit un programme qui plaît à tous ! C’est grâce à cette liste de course que chacun a les aliments qu’il lui faut pour être bien nourri de paix. Vos vacances de Noël seront remplies d’amour et de paix si vous prenez le temps de faire votre liste, de voir ce que vous avez envie de vivre ensemble, et de trouver des stratégies pour satisfaire chaque besoin !

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On a souvent pris l’habitude de cuisiner à la va-vite, de ne pas prendre le temps de se parler, de ne pas se donner les moyens de transformer les conflits en profondeur. Ça semble plus facile au premier abord, mais on connaît ses effets à long terme : on se sent mal dans sa peau, on prend du poids, on tombe malade, on accumule les tensions et au bout on explose ! Ma cuisine, je l’utilise ré-gu-liè-re-ment, et je planifie le temps de faire mes petits plats, je laisse un espace pour le conflit. C’est un choix conscient, volontaire : si je veux juste me faire un goûter, deux tranches de brioche, simplement me reconnecter avec mes proches et m’assurer qu’ils vont bien, dix petites minutes suffisent ! Si par contre un membre de ma famille est décédé, alors je compte bien trois heures pour le cuire ce poulet rôti !

Aussi, avoir cet espace qu’est la cuisine influence grandement la manière dont je me nourris. J’ai l’habitude de me cuisiner des petits plats délicieux. Il y a quelques mois, ma cuisine a brûlé. Et bien j’ai été obligé de manger des plats à emporter dégueulasses ! De même, créer un espace pour la paix et le conflit chez vous va changer la manière dont vous les vivez, ça va changer vos habitudes ! Si vous créez un espace et prenez un temps pour parler, pour exprimer votre gratitude, pour transformer les conflits, pour prendre des décisions ensemble par consensus, vous ferez tout ça de manière bien plus efficace et agréable que si cet espace n’existait pas.

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Une petite chose qui change la vie : un plat composé de mille et un aliments délicieux peut être très bon, mais il va être sublimé par les épices, sel et poivre que l’on ajoute dans l’assiette ! Ces épices, dans notre vie, c’est exprimer de la reconnaissance, de la gratitude. Dire à ceux que vous aimez que vous les aimez et exprimer pourquoi vous les aimez va épicer le plat de votre vie et le rendre infiniment meilleur ! La gratitude, l’essayer, c’est l’adopter ! Prenez une enveloppe et une feuille de papier, la poste est à côté, et écrivez une lettre à quelqu’un de votre choix, vos parents par exemple. Ils ont pris toute une vie pour vous cuisiner ! Essayez donc d’y rajouter quelques épices, d’exprimer votre gratitude et d’expérimenter quels goûts nouveaux cela va donner à votre vie. C’est très intense comme exercice, très enrichissant, ça nourrit l’âme de réaliser le bonheur que les autres nous procurent.

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Dans ma cuisine, j’ai toute une équipe de cuisiniers qui m’assistent. On cuisine en musique ! C’est toujours mieux de faire les choses ensemble, on a plus d’idées innovantes, on se soutient, et c’est plus amusant ! C’est la même chose avec les conflits et les sentiments douloureux : ne faites pas votre cuisine tout seul, demandez de l’aide ! Personnellement, j’ai mes voisins et mes amis avec qui j’échange mes recettes, qui me soutiennent. Et vous, vous allez le trouver où ce soutien indispensable ?

Il faut aussi penser au design de notre cuisine, à l’espace physique que l’on crée. Une cuisine où tout le monde se tourne le dos ne permet pas un vrai dialogue par exemple. Alors comment va-t-on créer l’espace pour qu’on puisse bien y cuisiner ensemble ? Répondre à cette question demande une vraie discussion et un accord de tous les participants. Comme la cuisine est co-créée par ses utilisateurs, la forme qu’elle va prendre change en fonction d’où elle se trouve et du groupe d’individus qu’elle sert : votre cuisine de la paix sera forcément différente au travail, dans votre famille, ou avec vos amis, il faut savoir s’adapter.

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Voici les ustensiles que je vous offre, si vous me le demandez : une liste de course comprenant tous les besoins humains qui nous animent, et tous les sentiments, bons et moins bons, que l’on peut ressentir lorsque les besoins sont satisfaits ou non. Tout comme vous avez toujours vos poêles, couteaux et mixer sous la main pour cuisiner, accrochez ces ustensiles là sur le mur de l’espace chez vous qui sera dédié au conflit et à l’écoute. Vous pouvez aussi les garder à portée de main, sous vos yeux, pour que dès que vous ressentez que quelque chose vous chagrine, vous puissiez immédiatement mettre le doigt sur ce que c’est et ainsi avoir des pistes pour l’exprimer et le dénouer. Ces outils sont universels, nous partageons tous ces besoins et sentiments, et c’est toujours en les utilisant que l’on peut faire face !

Je vous offre aussi une petite recette, celle de la communication non violente (c.f. Rosenberg). C’est une méthode pour s’assurer que l’on écoute activement et avec empathie ce que notre interlocuteur dit, de manière à mieux le comprendre et même ressentir ce que l’autre vit. Il en va de même dans le sens inverse, pour s’exprimer de manière à dire ce qui nous anime profondément, ce qui est vivant en nous à l’instant où l’on parle, et ce sans jugement pour que l’autre puisse nous entendre. Elle se décline en quatre étapes :

1.    Observation objective de la situation (en mettant de côté nos jugements et nos évaluations) ;
2.    Identification des sentiments qu’éveille la situation (en les différenciant de nos interprétations et de nos jugements) ;
3.    Identification des besoins liés à ces sentiments (aspirations profondes, motivations, etc.);
4.    Formulation d’une demande en vue de satisfaire ces besoins (présentée de façon positive, concrète et réalisable) ;

Souvent ma recette, je la décide à partir des aliments qui me restent dans mon frigo. Je l’adapte aux saisons, à ce que mon environnement et la nature ont à offrir. Ainsi, je n’ai pas une recette, mais tout un livre de recettes, du salé, et du sucré. Il y a en circulation des milliers de livres de recette, et tout autant de traditions culinaires, pour chaque pays, chaque région, chaque village, chaque grand-mère ! Il appartient à chacun d’écrire son propre livre, de faire ses propres expériences, en fonction d’où il ou elle se trouve dans la vie, et de quels fruits, céréales et légumes sont à sa disposition.

Comme vous le savez, tout bon chef se doit de cultiver sa créativité, son imagination. Il faut improviser : en tant que chef, la recette je la lis, et je la jette, c’est MA recette ! Je la lis et je l’adapte ! Je la lis et je la prends à l’envers ! Par exemple, moi j’adore la moutarde, et j’aime adapter chaque recette que je croise avec ce goût-là : gratin dauphinois, fondue, hachis parmentier, tout y passe ! J’y rajoute mon style, je l’adapte à mon besoin ! L’important est de préparer quelque chose qui nourrit tout le monde et qui plaît à tous les palais, peu importe que l’on utilise la vapeur, l’huile ou le wok, que l’on coupe les carottes en dés ou en lamelles. Ainsi, si vous appréciez la méthode de la communication non violente, n’attendez pas de vous ni de vos proches de vous exprimez en permanence avec cette méthode, utilisez-là pour vous-même, mais ne forcez personne à l’appliquer, cela aurait l’effet inverse. Donc une recette utile, oui, mais à adapter, et à ne pas forcer !

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Dans une recette culinaire, il y a un temps de préparation et un temps de cuisson. Il en va de même pour la cuisine de notre infrastructure pour la paix. Il est bon qu’un facilitateur fasse l’effort de se préparer, d’aller voir chacun personnellement, de préparer l’espace dans lequel le conflit va être cuit avec tous les participants pour que le produit fini soit réussi. On ne devient pas chef cuistot d’un coup : la cuisine des conflits se fait à partir d’essais, de tentatives osées, les meilleurs plats sont d’ailleurs très souvent inventés par erreur ! Je faisais du chocolat quand mon pot de fleur de sel est tombé dedans : catastrophe, pensez-vous, mais non, c’est délicieux finalement ! Ne pas avoir peur de se tromper, c’est comme ça qu’on apprend à cuisiner. Regardez ma veste, elle est toute tâchée ! Il ne faut surtout pas hésiter à se lancer, on ne fait pas du bon pain sans mettre les mains à la pâte du conflit, sans la malaxer longtemps ni sans en avoir plein les doigts.

J’ai donc une cuisine (infrastructure pour la paix, système), des cuisiniers (participants à la transformation du conflit), des casseroles, un four, une liste de course, un frigo rempli d’aliments de toute sorte, une recette adaptable, un temps de préparation, un temps de cuisson, de l’imagination et des épices !

Mesdames et messieurs, le conflit est servi ! À vos fourneaux !

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Toutes les images sont issues du film ‘Ratatouille’. Tous droits réservés à Disney.

L’écriture de cette métaphore a été inspirée par les travaux de Marshall Rosenberg (Communication NonViolente) et Dominic Barter (Systèmes et Cercles Restauratifs).

ROSENBERG 2011. Les mots sont des fenêtres (ou des murs) : introduction à la communication non violente, Jouvence.

ROSENBERG 2013. Dénouer les conflits par la Communication NonViolente : entretiens avec Gabriele Seils, trad. de Daniel Béguin, Jouvence.

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