Dakar, capitale du Sénégal et l’une des plus grandes villes d’Afrique, vient tout juste de sortir d’une grave crise : la majeure partie de ses habitants s’est retrouvée privée d’eau courante durant 21 jours. Retour sur cet épisode qui nous a tous fait suer.

Jeudi matin, 12 septembre 2013 : fuite d’eau sur la conduite principale de l’usine de Keur Momar Sarr¹, la coupure d’eau démarre. On nous promet que la situation devrait revenir à la normale d’ici le vendredi soir². Puis durant le week-end³. Puis le dimanche⁴. Puis le lundi⁵. Puis le mercredi⁶. Puis on nous dit que les réparations seront terminées et donc que l’eau sera de retour le lundi 23 septembre⁷. Puis on nous annonce que la pièce défectueuse a effectivement été réparée et que l’eau reviendra le mardi 24⁸. Sauf que le tuyau – rebaptisé par certains « le tuyau du mensonge »⁹ – explose sous la pression de l’eau le jeudi 26¹⁰, blessant 6 ouvriers¹¹. Ce n’est donc finalement que le mercredi 2 octobre 2013 que l’eau a recommencé à couler des robinets. Une pièce temporaire a été fixée pour réparer le tuyau le temps que la pièce définitive arrive de France une douzaine de jours plus tard¹², moment auquel une nouvelle coupure d’eau sera nécessaire le temps de l’installation. La question est maintenant de savoir combien de temps cette pièce temporaire va tenir le coup¹³.

21 jours sans eau, c’est long. Les hôpitaux sont à sec¹⁴ et la rentrée scolaire est reportée par souci d’hygiène¹⁵. On parle de brûlages de pneus, de révoltes et d’émeutes de la population¹⁶, de pénurie de bouteilles d’eau minérale et de pain¹⁷, de diarrhée¹⁸, de bilharziose¹⁹ et de risques d’épidémie de choléra. La population se ravitaille comme elle le peut, grâce à des camions-citernes ou des puits qui pourvoient une eau impropre à la consommation²⁰. Certains parlent carrément de crime contre l’humanité²¹. On accuse l’État – et surtout le président Macky Sall –, la Sénégalaise des Eaux, et même les homosexuels²².

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Qui ça « on » ? En dehors des Sénégalais et de la presse africaine, pas grand monde. Difficile de trouver un article de presse occidentale qui relate cet événement. Imaginez pourtant le nombre de gros titres qu’aurait engendré une coupure d’eau de bien moindre ampleur à New York ou Paris. Jean-François Dupaquier avance que les médias de masse ne sont pas chargés d’un devoir de service public qui nécessiterait de pourvoir les citoyens d’une information honnête. Ces médias ne sont, selon lui, rien d’autre que des entreprises économiques en quête de gain qui fabriquent « sur mesure, à partir d’études de marché, l’information que le public demande»²³. Lorsque l’on jette un œil aux rubriques « International » ou « Afrique » des quotidiens occidentaux, on remarque que l’accent est mis sur les actualités concernant de près ou de loin le monde occidental. On parle ainsi du lynchage de deux Européens à Madagascar²⁴, de la sortie de la Gambie du Commonwealth²⁵, ou encore de la récente attaque du Westgate au Kenya²⁶ lors de laquelle neuf Européens et deux Canadiens ont perdu la vie. L’Homme occidental ne s’intéresse-t-il alors aucunement à ce qui ne l’affecte pas, ou faisons-nous face à une interprétation erronée de ce que le public demande ?