Wyclef faisant campagne en Haïti pour le candidat à la présidentielle Jude Célestin / Wyclef in Haiti, supporting the candiate Jude Célestin © Miami Herald
[The interview can be found in English below].
Début novembre, Wyclef Jean, nombreux Grammy Awards et hits internationaux au compteur – « Shakira, Shakiraaaa », ça vous rappelle quelque chose ? –, était en concert en Suisse. Étant moi-même d’origine haïtienne, j’avais ouï dire moult fois – en Haïti ou au sein de la « communauté haïtienne » – que l’ex-membre des Fugees était quelqu’un de très hautain. C’est finalement un Wyclef gentil et disponible que je rencontrai, parfois un peu confus au moment de parler politique (en pleine période d’élection présidentielle en Haïti), ou même utopiste sur la problématique actuelle des réfugiés, mais quoi qu’il en soit toujours prêt à aborder n’importe quel sujet… An ale !1
Un Haïtien à New-York
GEOS : Wyclef, j’aimerais parler de ton identité. Tu es originaire d’Haïti, et tu as toujours représenté ton pays dans tes clips et musiques, en arborant le drapeau, en parlant créole, en samplant des sons typiquement haïtiens, etc. En même temps, les Haïtiens ont souvent souffert d’une mauvaise réputation aux États-Unis. Comment vois-tu la situation : est-ce plus facile pour eux aujourd’hui ?
WYCLEF JEAN : Mec, je dis toujours aux gens : Haïti est un endroit cool. Si tu vas en Jamaïque, en République Dominicaine, alors tu peux aller en Haïti ! Je pense que le problème avec Haïti est qu’il y a une mauvaise représentation de nous. En Jamaïque, je peux t’emmener dans certaines parties de Kingston où tu penseras que ce sont les pires endroits de la planète. Mais non, ils te montrent Montego Bay, Ocho Rios… Quand quelqu’un vient et te parle de Haïti en disant : « Yo, il faut nourrir les bébés, allons à l’orphelinat », réponds-leur : « Non, amène-moi à Jacmel. Amène-moi aux plages de sable blanc aussi, après la partie avec l’orphelinat… Amène-moi à la Citadelle, fais-moi voir ce château qui se trouve dans les hautes montagnes ». Concernant les Haïtiens aux Etats-Unis, ils sont très fiers d’eux-mêmes, et être Haïtien est la nouvelle mode là-bas. Si tu regardes toutes les vidéos, de P.Diddy à Rick Ross, tout le monde se doit d’avoir un drapeau haïtien dans son clip, et ils crient « Zoe Pound »2. Donc je sens qu’on est dans une meilleure position. La pire chose dont on a souffert, c’était le tremblement de terre de 2010, mais en même temps cela a amené beaucoup de lumière sur le pays. D’ailleurs, je suis revenu d’Haïti il y a quelques jours, car il y avait les élections. J’ai voté, et cela a causé une grande polémique car je n’ai pas soutenu le candidat du président actuel. J’ai voté pour l’homme qu’on appelle Jude Célestin.
On reviendra sur ce sujet juste après, mais pour rester sur la problématique des Haïtiens-Américains, de nombreux rappeurs phares du moment semblent venir d’Haïti également. J’ai vu Fetty Wap porter le drapeau comme un bandana, et Future aussi. Et Young Thug a un tatouage « Haiti » sur le ventre. Malgré tout, aucun d’entre eux ne semble représenter le pays de la manière dont tu le fais et l’as fait, aussi fièrement et explicitement. Selon toi, qu’est-ce qui explique cette différence ? Et qui pourrait être vu comme le plus Haïtien des rappeurs américains de nos jours ?
Tu sais, je les aime tous, tous ces gens sont mes gars. Mon job, c’était juste de hisser le drapeau, donc quelle que soit la personne qui va le porter, quelle que soit la génération… Moi, je viens de Flatbush Avenue, à Brooklyn, où les flingues sortent, les coups sont tirés, les cousins gisent sur le sol, morts, tout cela parce que tu es Haïtien. Tu vois ce que je veux dire ? Le lendemain, tu reviens avec de nouveaux flingues, et c’est toi qui tires. Prochaine étape : la police vient te prendre et tu es déporté en Haïti. Je viens de l’époque où c’était normal de représenter. Lorsque je suis allé sur la côte Ouest pour la première fois, avec les Fugees, j’ai vu Snoop Dogg, Dr. Dre, représenter leurs couleurs. J’ai vu des Bloods et des Crips balancer leurs signes, et même des Latinos. C’est d’ailleurs la même lorsqu’un Black Panther crie « Black Power ». Je viens de la première République noire du monde, 1804… Ils doivent savoir ce que représente ce drapeau. Donc, pour moi, je trouve incroyable quand des gens issus de la nouvelle génération se tatouent ça. C’est juste cool d’être Haïtien, on est passés par de nombreuses luttes, et on va continuer de grimper.
If I Was Had Been President…
Parlons de politique maintenant, en particulier de la situation actuelle en Haïti, avec les élections présidentielles. Comme tu l’as dit plus tôt, tu as voté sur place pour Jude Célestin. Tu as même sorti un son pour officialiser ton soutien envers lui, intitulé « Lè a rive3 ». Selon toi, pourquoi Jude Célestin est-il le meilleur candidat ?
Ce que je veux que les gens comprennent, c’est que – si on parle en termes factuels, quand tu regardes son bilan –, dans le contexte d’un pays sans infrastructure, le nombre de routes qu’il a construites est significatif. Le fait qu’il ait été le premier homme à avoir donné des jobs aux femmes, en les mettant sur des bulldozers, cela compte beaucoup. Tu ne peux pas venir dans un pays où il n’y a pas d’infrastructures. Comment vas-tu atterrir ? Et même si tu atterris, comment les camions vont se déplacer ? La dernière fois, quand j’ai eu la chance de faire mon choix, j’ai rencontré Jude Célestin avant de soutenir le Président Michel Martelly. Donc j’allais soutenir l’un ou l’autre. J’ai finalement choisi Martelly parce que l’idéologie d’un nouveau régime, du changement, de « Haïti Open for Business »… Tout cela était vraiment intéressant pour moi en tant qu’Haïtien de la diaspora. Maintenant que les cinq ans sont passés, il faut voir qui est censé être son successeur. À la base, cela aurait dû être Laurent Lamothe, et à ce moment j’aurais voté pour lui. Mais il n’est finalement pas candidat. Donc là, avec tous les candidats dans la course, et celui que Martelly a choisi comme son successeur [Jovenel Moïse, NdA]… Quand je le vois parler anglais, pour quelqu’un qui a étudié dans le monde occidental…
Tu sais, mon frère est avocat, il a des liens avec des hommes d’affaires de partout dans le monde, certains parmi les plus puissants. Nombre d’entre eux sont dans le classement de Fortune 500 et de Forbes – d’ailleurs, dans les sept prochaines années, je veux être sur cette cover un jour, ok [sic]? Mais bref, il faut vraiment comprendre ce que les agro-banques signifient. L’idée que c’est lui l’homme d’Haïti qui a transporté des bananes plantains et créé une politique commerciale pour transporter les plantains en Europe, et que c’est ça qui va transformer le pays [Jovenel Moïse est un entrepreneur qui met en avant ses « succès », notamment en matière de commerce de bananes4, NdA]… Je n’ai juste pas adhéré à cette idéologie, parce qu’il faut commencer avec les agro-banques. Sinon, comment vas-tu prendre soin des agriculteurs ? Et il n’y a pas que la partie nord d’Haïti, il y a dix départements. Je recherche quelqu’un qui puisse prendre ce job, et ce n’est pas facile.
Il y a cinq ans, tu prévoyais toi-même de te présenter à cette élection présidentielle, mais tu n’as finalement pas pu pour des questions de résidence. Ensuite, comme tu viens de le dire, tu as soutenu Michel Martelly, qui est encore en fonction. Quel regard portes-tu sur son mandat ? Si tu avais été président, qu’aurais-tu fait qu’il n’ait pas réalisé ?
Je pense que Martelly a fait du bon boulot. Il faut garder à l’esprit qu’en arrivant il a dû faire face à un problème majeur, celui des tentes. Tu avais ce problème d’habitat, après le tremblement de terre, et il n’a eu le temps que de résoudre ce gros dossier-là. Il a vraiment aidé à faire avancer les choses. Je suis allé à Port-au-Prince, c’est sensiblement plus propre, les tentes ne se trouvent plus dans la ville. Je pense aussi qu’avec lui et Laurent Lamothe, il y a eu deux ou trois grosses opportunités de business qui sont arrivées dans le pays, lesquelles ont pu créer du travail. Si j’avais été président, qu’est-ce qui aurait été différent ? Mon objectif principal est la création de jobs. Dans une population où 80% des gens vivent avec moins d’un dollar par jour, nos plus grandes ressources consistent en deux choses : il y a le capital humain – les jeunes sont prêts à travailler – et nous avons beaucoup de terres. Donc, mes principaux objectifs auraient été les agro-banques et le travail. Pour faire avancer ce pays, c’est ce qu’il va falloir faire. C’est cool d’amener une compagnie par ici, une autre par là, mais cela fait seulement 2000 ou 3000 jobs. Haïti a besoin d’une révolution. Désormais, nos armes sont la révolution économique et l’indépendance. Je crois qu’avec tous les intérêts commerciaux qui sont en train d’arriver, les négociations auraient pu être beaucoup plus dures. Sur 12 millions de personnes, on aurait pu mettre beaucoup plus de gens au travail.
Si Jude Célestin est élu, comptes-tu t’impliquer à nouveau dans la vie politique d’Haïti ?
La dernière fois que je me suis vraiment retiré, après avoir voté, il y a eu toutes sortes de rumeurs sur les raisons de mon retrait. J’ai senti que le président était un bon gars, qu’il était fort, mais l’administration autour de lui s’est sentie menacée par moi. Tu sais, en Haïti, tu peux te faire tuer pour 25 centimes, quelqu’un peut faire un drive-by shooting à côté de toi. Pas pour dire que c’était dans leurs intentions, mais j’ai juste ressenti que je n’étais plus le bienvenu. Personne ne m’a aidé à faire partie du processus. Je veux un gouvernement qui n’ait pas peur de moi, dont l’entourage ne pensera pas que je viens pour prendre le pouvoir. Car je n’ai pas besoin de pouvoir en Haïti. Comme ma mère l’a dit, je suis plus célèbre que le président. J’ai donc besoin d’un président et un gouvernement qui peuvent me permettre d’amener des équipes en Haïti, comme par exemple d’importants partenaires de business qui veulent collaborer avec nous. J’ai besoin d’un gouvernement qui nous aide à obtenir des allègements fiscaux, comme différents pays le font dans les îles. C’est ce que je recherche. Ainsi, je planifie clairement d’être plus actif au sein du nouveau gouvernement, en effet.
Si on évoque quelque chose de plus global maintenant, il y a cette grande problématique des réfugiés, avec ces nombreux groupes qui viennent de Syrie, Libye, etc. Dans ta carrière, le thème des réfugiés a toujours pris beaucoup de place, depuis le nom de ton groupe The Fugees à certains clips où tu montrais les conditions de vie dans les camps de réfugiés, jusqu’à collaborer avec le groupe appelé Refugee All-Stars. Comment vois-tu la situation actuelle, en Europe par exemple ?
Je pense que tout cela fait partie d’une problématique commune. Ce n’est pas qu’une question africaine ou syrienne, comme ce n’était pas une question uniquement haïtienne ou cubaine. C’est juste une responsabilité morale, en tant qu’être humain. Parfois, le gouvernement dit : « Regarde, économiquement, avec les budgets qu’on a évalués, on ne peut pas prendre ces personnes chez nous ». Ensuite, dans la société, il y a des groupes qui diront « prenez-les » et d’autres qui diront « non, non, on ne peut pas se le permettre ». Donc il faut regarder des deux côtés de l’équateur, et l’équilibre, à ce point, c’est que tu sais qu’il y a un problème, tu sais qu’ils sont en train de venir de toute façon. Donc je pense que le secteur privé devrait juste travailler sur plus d’opportunités de travail, plus de possibilités. Tu peux avoir des gens qui viennent, qui cherchent réellement à survivre. C’est une opportunité : il y a du capital humain, il faut juste penser à quels business ouvrir pour aider à employer ces gens.
Et la musique dans tout ça ?!
Je voudrais terminer en revenant sur ta musique. Cela fait presque une année que tu as sorti le son « Divine Sorrow », censé être le single de ton prochain album « Clefication ». Que se passe-t-il avec ce projet ? Est-ce qu’il verra le jour encore en 2015 ?
« Divine Sorrow » est le premier single sur lequel Avicii et moi avons décidé de travailler, avec Banno, pour la campagne de Coca-Cola contre le SIDA. Pour cette campagne, j’ai visité l’Afrique, et la première chose que je voulais faire en revenant c’était me replonger dans la musique. Tu sais, je suis toujours dans l’optique de redonner. J’ai passé beaucoup de temps en Suède, à étudier les sonorités et tout ça, et maintenant on est prêts à y aller. On se concentre sur le projet entier « Wyclef Jean ». Un des premiers singles que tu vas probablement commencer à entendre dans les prochaines semaines, c’est un son avec moi et un groupe appelé The Knocks, de New York. Ça s’appelle « She’s so High ». Pour revenir à l’album, on a bien commencé avec les sonorités, et je la sens très bien. C’est un mélange d’acoustique, de sonorités dancehall, de rythmes influencés par différentes parties du monde. En fait, « Divine Sorrow » ne ressemble aucunement aux sonorités de l’album sur lequel on travaille actuellement. Mais cela m’a donné des idées sur un bon nombre des sonorités nouvelles que les plus jeunes utilisent en ce moment.
Tu as toujours eu de grands invités sur tes albums. À part Avicii et The Knocks alors, quelles autres collaborations peut-on espérer ?
J’ai un excellent morceau que j’ai hâte de terminer avec Emeli Sandé. Je pense que ça va être incroyable. J’ai également quelques artistes de la nouvelle génération. Mes albums présentent toujours ceux qui, selon moi, sont les prochaines stars du futur. Donc il y a un titre avec une jeune fille appelée Jazzy Amra, un autre avec Ahane Higgins… J’ai aussi travaillé avec Dj Khaled. Les sons hip-hop sur cet album vont sonner comme un truc de fou. Au niveau du style de production, je suis revenu à certains délires. Il y a par exemple un morceau sur lequel je mixe du boom-bap de 1997 avec du boom-bap de 2016. Et je suis également très excité à propos de certaines sonorités dancehall. Sinon, il y a un jeune rappeur qui s’appelle Dave East, que Nas a signé, de New York. J’aime vraiment sa vibe. Tu sais, je suis toujours à la recherche de ce talent que les gens ne connaissent pas encore, mais qui selon moi va être super fort à l’avenir.
Enfin, parlons de rap français… Je me rappelle que sur l’album « Ecleftic », tu avais ce featuring avec le groupe Neg’Marrons, pour le remix de « It doesn’t matter ».
Oui, Jacky [un des deux chanteurs du groupe, NdA] !
Exactement, Jacky et Ben-J. Depuis lors, je ne me souviens pas t’avoir entendu collaborer avec d’autres rappeurs français. Pourtant, la France est censée être le 2ème marché mondial en matière de Rap. Comment vois-tu cette scène française ?
Si si, j’ai collaboré avec Passi aussi après. Il est fort. Ensuite, je me réjouissais de faire quelque chose avec Booba, mais je me suis lancé en politique dans mon pays. En venant d’Haïti, le français est naturellement la première langue qu’il y a eu à mon domicile. Et la chose marrante dans tout ça, c’est que je suis en train de travailler sur un projet… Parce qu’il y a ces albums que je fais, qui résultent d’inspirations différentes [Wyclef a p.ex. sorti tout un album en créole haïtien, intitulé « Welcome to Haiti Creole 101 », NdA]. Moi, quand j’ai grandi, ma mère avait l’habitude de jouer de la « chansonnette française » dans la maison. Et j’avais l’habitude de chanter ces chansons, imiter ces chanteurs, et même beatboxer sur leurs musiques [il fait un petit beatbox pour illustrer]. Donc, un des projets sur lesquels je travaille en même temps que mon album en anglais, c’est un album entièrement en français, avec des musiques qui m’ont inspiré en grandissant et en regardant ma mère. Je pense que ça va être du lourd, et je me réjouis de travailler avec certains artistes en français, parce que c’est éclectique, et je le fais de la même manière que je travaillerais pour un album en anglais. Je collabore précisément avec Thirteen et Nassim, mes frères musulmans, et je suis très excité ; il y a des projets comme ça dont tu te sens réellement fier. Je sais que ma mère va être très contente de ça, que je prononce les mots en français sans les mélanger avec du créole [rires]. Ça va être vraiment fort !
Wyclef, merci. As-tu un dernier mot à dire à nos auditeurs / lecteurs ?
Tu sais déjà, mec, on arrive ! Sak pasé, na boulé! Wyclef Jean, 100% natif-natal, brrrrah!5
La version audio abrégée de cet entretien, diffusée dans l’émission Downtown Boogie sur Couleur 3 (RTS), est à écouter ci-dessous :
(À venir)
Wyclef Jean, who won several Grammy Awards and released many international hit songs during his carreer, had a show in Switzerland last November. Me coming from Haiti, I had often heard – in Haiti or within the « Haitian community » – that the former Fugees member was someone arrogant. I finally met a really kind and available Wyclef, sometimes a bit confused while talking politics, or even utopist about the current refugees issue, but always ready to speak about any topic… An ale !6
A Haitian Man in New York
GEOS: I would like to talk about your identity. You are originally from Haiti, and you’ve always been representing your country in your videos and songs, by throwing flags, speaking Creole, sampling some original Haitian songs, etc. At the same time, Haitians have often suffered a bad reputation in the United States. How do you see the situation: is it better and easier for them nowadays?
WYCLEF JEAN: Man, I always tell my people: Haiti is a fly place. If you go to Jamaica, to Dominican Republic, then you can go to Haiti! I think the problem with Haiti is: we got misrepresentation. If you go to Jamaica, I take you to certain parts of Kingston, you’ll think that’s the worst place in the world. But no, they are showing you Montego Bay, Ocho Rios… Whenever somebody comes to you talking about Haiti and they are like “yo, feed the babies, let’s go to orphanage”, say “no, take me to Jacmel, take me to the white sand beaches too. After we do the part of the orphanage, take me to the white sand side of the country. Take me to the Citadelle, let me see the castle that’s in the big mountains”. As far as Haitians in America, they are very proud of themselves, and “Haitian” is the new thing over there. If you look at every video, from P.Diddy to Rick Ross, everybody got to have a Haitian flag in their video, and they are screaming “Zoe Pound”7. So, I feel that we are in a great position. The worst thing that we suffered was the earthquake, but at the same time, it brought a lot of awareness. By the way, I actually just got back from Haiti, we had an election. I just voted, it caused a lot of controversy because I wasn’t supporting the President’s candidate. I voted for a gentleman by the name of Jude Célestin.
We will go back on that subject just after that, but to stay into the Haitian-American topic, lots of current star rappers seem to come from Haiti too. I saw Fetty Wap putting the flag as a bandana on his hair, Future too. And Young Thug has a tattoo on his stomach, for example. However, no one of them really represent Haiti the way you do and did it, as proudly and explicitly as you. According to you, what explains that difference? And who could be seen as the most Haitian of the US rappers nowadays ?
I mean, I love all of them, you know, those are all the peeps. My job was just to get the flag going. Whoever is going to wear it, whatever generation… Me, I’m from Flatbush Avenue, Brooklyn, where the guns come out, the shots go out, cousins laying dead on the floor, all because you are Haitian, you know what I mean? And, the next days you come back, with new guns, you pop off. Next thing: police takes you and now you are deported back to Haiti. I’m from the era where it was normal to represent. When I went to the West Coast for the first time, with the Fugees, I saw Snoop Dogg, Dr. Dre, reppin’ their flags. I saw Bloods and Crips throwing up their signs, or Latins. It’s the same when a Panther throws up a “Black Power”. I’m from the first Black Republic of the world, 1804… They got to know about this flag. So, for me, I think that it’s incredible with the new generation, when they are putting tattoo on them… It’s just fly to be Haitian, we’ve been through the struggle, and we’re going to keep climbing.
If I Was Had Been President…
Let’s talk politics now, specially the current political situation in Haiti, with the presidential elections. As you said it earlier, you voted over there for Jude Célestin. You even recorded a track, called « Lè a rive »8, in order to officialise your support. According to you, why is he the best candidate?
What I want people to understand is, if we are talking in terms of factual, when you look at his track record, in a course of a country with no infrastructure, the amount of roads that he put is very effective. The fact that he was the first man that I saw who gave women jobs and put them on track to trailers, this counts a lot. You can’t be coming into a country and you don’t have infrastructure. How are you going to land? And even when you land, where are the trucks going to move? Last time, when I had a chance to make a choice, I had met with Jude Célestin before supporting President Michel Martelly. So, I was going to support one or the other. I finally supported Martelly because the ideology of a new regime, and the ideology of change, the ideology of “Haiti open for business”… All of those sounded very interesting to me as a Haitian living in the diaspora. As the five years have passed, we must see who is supposed to be his successor. As soon as it would have been Laurent Lamothe, I would have gone to Haiti to vote for him. But that was not the candidate. So, at the end of the day, with all of the candidates in place, and the one that he has chosen to be his successor [Jovenel Moïse, AN], watching him speak English, as someone who studied in the Western world…
You know, my brother is a lawyer, he has travelled in all parts of the world and has ties with some of the strongest businessmen around the world. A lot of them are in the Fortune 500 and Forbes – by the way, one day in the next seven years I want to be on that cover, right [sic]? Anyway, understanding what agriculture means, what the idea of agro-banks means… The idea that he’s the guy from Haiti who has transported plantains and has created a trade policy of transporting plantains to Europe, and that’s what is going to transform a country [Jovenel Moïse is an entrepreneur who points out his successes, especially in terms of bananas trade9, AN]… To me, I just didn’t buy into that ideology, because you have to start with the agro-banks. If you don’t have agro-banks, how are you going to take care of the farmers? And you don’t have just the North part of Haiti, you have ten departments. So, for me, I’m looking for someone who can take on this job, it’s not an easy job.
Five years ago, you were actually planning to run for president, but finally couldn’t, because of some residence issues. Then, as you just said it, you supported Michel Martelly, the current one. How do you look at his term now? If you had been president, what would you have done that he didn’t do?
I think that Martelly did great. I mean, keep in mind: he was coming in to embark a problem, the tent problem. You had that housing issue, with the earthquake. So, he wouldn’t have no time to do anything but to solve the problem. And I think that he did a good job, in a sense of helping move things forward. I’ve been to Port-au-Prince, it looks definitely much cleaner. The tents are not within the city no more. I think also that, with him and Laurent Lamothe, there were two or three great business opportunities that came in the country, which definitely provided some jobs. If I had ran, what would have been different ? I think that my main focuses are really job creations. In a population where 80% is living on less than a dollar a day, our greatest assets are two things: there is the human capital – the youth is ready to work –, and we have a lot of soil. So, my whole focus would have been agro-banks, and just jobs. To move this country forward, that’s what is going to take. It’s cool if you bring one company here, one other there, but that’s only like 2’000 or 3’000 jobs. Haiti needs a revolution. Now our arms are economical revolution and self-independence. I just think that with all of the corporate interests coming in, negotiations could have been definitely much more stronger. In a population of 12 millions people I feel that we could have put much more people to work.
If Jude Célestin is elected, do you plan to involve yourself again into the political life of Haiti?
Well, the last time I really stayed out of it, after I elected, there was all kind of rumors of what I stayed out of it for. I felt that the president was a good guy, he was strong, but the administration around him definitely felt threatened by me. You know, in Haiti you can get killed for 25 cents, somebody can do a drive-by next to you. Not saying that it was in their intentions, but I just felt like the welcoming was out. Nobody helped me being part of the process. I want a government that is not scared of me. I need a government that their entourage won’t think that I’m coming to take power. Because I don’t need power in Haiti. Like my momma said, I’m more famous than the president. So I need a president and governments that can give me access to bringing teams into Haiti, like great business partners that want to partner up with us. I need a government that can help us get great tax breaks, like different countries in the islands do. This is what I’m looking for. So, I definitely plan to be more active within the new government, yes.
If we talk about something more global at the moment, there is that big refugees issue right now, with all those very numerous groups coming from Syria, Libya, etc. In your career, the refugees issue has always taken a lot of space, from having your group called The Fugees to pointing the living conditions in the refugees camps into some of your videos, to collaborating with the group called Refugee All-Stars. How do you look at the current situation, in Europe for example?
I think that it’s all part of our issues. It’s not an Africa issue or a Syria issue, just like it wasn’t a Haiti issue or a Cuba issue. It’s just a moral responsibility as human beings. You know, government sometimes says: “look man, economically, within the math that we have evaluated within our budget, we can’t take these people in”. And then, in the society, you have a group that is like “take them in” and another one that is like “no, no, we can’t afford that”. So you have to look at both sides of the equator, and the balance is that, at this point, you know that there is a problem, you know that they are coming… So, I think that private sector should just work on more job opportunities, more situations. You basically can have people that are coming in that are looking for formal survival. That’s an opportunity: there’s human capital, where just start thinking of head of what businesses that you can start opening to help employ these people.
What about the music ?!
I would like to finish by talking music. It’s been almost one year that you dropped the song « Divine Sorrow« , which is supposed to be the single of your next album « Clefication« . What’s going on with that project ? Will it be out still in 2015 ?
“Divine Sorrow” is actually the first single that me and Avicii decided to work with Banno on, for the Coke campaign. For the campaign, I visited Africa, and that was the first thing that I wanted to do: coming back into music. You know, I’m always about giving back. So, I spent a lot of time in Sweden, studying the sonics and everything, and now we are basically ready to go. We focused on the entire “Wyclef Jean” project. Actually, one of the first singles that you are probably going to start hear in the next couple of weeks is me with a group called The Knocks, out of New York City. A song called “She’s so high”. The sonics of the album, we started on it, I’m starting to feel really good about it. It’s a mixture of acoustic, dancehall sonics, rythms influenced by different parts of the world. So, in no way was the “Divine Sorrow” single like the sonics of the album we were working with. But what it did was it gave me ideas on a lot of the newer sonics that the younger kids were working with.
You always had great guests on your albums. Excepted Avicii and The Knocks, which other collaborations can we expect?
Well, right now I have an excellent song that I look forward to finishing with Emeli Sandé. I think that’s going to be incredible. And also, I got some of the new young artists. You know, my albums always present who I think are the next stars of the future. So, there is a young girl called Jazzy Amra, another one called Ahane Higgins… DJ Khaled as well, we got together. The Hip-Hop stuff on the album is going to sound crazy. The style of production though, for some of the stuffs that I went back to… There’s one record where I mix like 1997 boom-bap with 2016 boom-bap, put it together. And I’m very excited with some of the dancehall sonics too. Also, there is a young rapper by the name of Dave East, that Nas signed, out of New York City. I really love his vibe. You know, I’m always about that talent that you don’t know though, that I feel it’s going to be superdope for the future.
And finally, I wanted to ask you a question about French rap. I remember that in your album called “Ecleftic” you had a featuring which was the remix of the single “It doesn’t matter”, with a French group called Neg’Marrons.
Yeah, Jacky [one of the two singers of the group, AN].
Exactly, Jacky and Ben-J. Since that, I don’t remember having heard you collaborating with any other French rapper. France is supposed to be the 2nd market for Rap music though, so, how do you look at the French scene?
Definitely I did some songs with Passi afterwards. He’s dope. Then I was looking forward to doing something with Booba, but I got into the politics in my country. Coming from Haiti, French is naturally the first language that was in my household. And the funny thing is that I’m also working now on a project… Because, there are these albums that I’m doing, that are inspired. When I was growing up, my mother always used to play “chansonnette français” in the house. And I used to be singing all these “chansonnette français”, imitating the French singers, and then beatboxing to the beats [he does some beatbox]. So, one of the projects that I’m working on, while I’m doing my English album, is I’m doing a full-blown French album, with music that inspired me growing up and watching my mother in the background. With that project, I think it’s dope, and I look forward to working with a couple of French artists on it, because it’s definitely eclectic, and I’m doing it the way I would produce a complete English album. I’m working with gentlemen by the names of Thirteen and Nassim, my Muslim brothers, and I’m very excited; there are projects that you do that you really feel proud about. I know my mom is going to be really excited about that, that I’m pronouncing the French and I’m not mixing the Creole instead of it [laughs]. It’s going to be very dope.
Wyclef, thank you. Do you have a last word for our listeners / readers?
You already know, man, we are coming! Sak pasé, na boulé! Wyclef Jean, 100% natif-natal, brrrrah!10
The translated audio version of this interview is available here.
1. « C’est parti ! » (Créole haïtien, langue maternelle de Wyclef Jean)
2. « Zoe Pound » est un gang de Floride dont les membres sont pour la plupart haïtiens d’origine. Voir entre autres : https://en.wikipedia.org/wiki/Zoe_Pound
3. « L’heure est venue » (Créole haïtien)
4. Voir sa biographie sur le site officiel de sa campagne en vue des élections : http://jovenelmoise.ht/biographie-de-jovenel-moise/
5. « Comment ça va ? Tout va bien ! Wyclef Jean, 100% haïtien original ! » (Expressions créoles populaires)
6. « Let’s go !« (Haitian Creole, Wyclef’s mother tongue)
7. « Zoe Pound« is a gang from Florida, where most of the members are originally from Haiti. See for example : https://en.wikipedia.org/wiki/Zoe_Pound
8. « Time has come » (Haitian Creole)
9. See his biography on his presdiential campaign’s website: http://jovenelmoise.ht/biographie-de-jovenel-moise/
10. « What’s up? We are good! Wyclef Jean, 100% original Haitian!« (Popular expression in Creole)
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