Politique Le 9 avril 2018

Jeunes en politique : des paroles… aux paroles

0
0
Jeunes en politique : des paroles… aux paroles

Inauguration de l’action 72h à Plainpalais en 2015, le Parlement des Jeunes Genevois annonce son projet “voteride”.

Quel est le bilan de la législature genevoise quant à la représentation des jeunes dans le débat politique ? Très maigre, estime Diego Alan Esteban. Pour le candidat socialiste au Grand Conseil genevois, une démocratie représentative digne de ce nom devrait comporter davantage de diversité parmi ses députés.


Il y a trois ans, je constatais déjà un sérieux défaut de représentativité des jeunes dans les hautes instances de notre système démocratique1. Ce constat peut facilement être appliqué à la situation genevoise : en 2013, seul-e-s trois candidat-e-s de moins de 30 ans furent élu-e-s au Grand Conseil (parlement cantonal). À ce déficit de représentativité générationnelle (3% des élu-e-s pour un tiers de la population) s’ajoute l’absence totale de l’un des groupes parmi les mieux représentés chez les candidat-e-s : les étudiant-e-s.

Depuis 2013, les associations de jeunesse ont souvent rencontré Anne Emery-Torracinta (Conseillère d’Etat genevoise en charge du Département de l’instruction publique) pour lui proposer des solutions à l’absence des jeunes dans le débat politique. Elle en a intégré plusieurs dans son projet de Loi sur l’enfance et la jeunesse2, dont un « conseil de la jeunesse », sorte d’organe consultatif qui permettrait aux autorités de mieux tenir compte des jeunes dans leurs décisions. Mais une majorité du Grand Conseil a supprimé cette proposition début mars3.

 

« Jeunisme » ou vrai problème ?

Pourquoi raisonner en termes de politique identitaire ? Au fond, l’âge, le sexe, l’origine, la situation professionnelle, etc., ne présagent aucunement des valeurs, des projets ou des compétences propres à un-e candidat-e. Le problème toutefois est que les électeurs-trices ne partagent pas toutes et tous ce point de vue. En 2013 par exemple, les candidat-e-s au Grand Conseil les plus biffé-e-s portaient majoritairement des noms à consonance étrangère (hormis quelques biffages purement conjoncturels)4 et, dans chaque parti à l’exception du Parti socialiste, la proportion de femmes élues était inférieure à celle des femmes candidates5 (cette tendance est d’autant plus prononcée s’agissant des jeunes de moins de 30 ans).

Mais alors le déficit de représentativité des jeunes a-t-il eu une incidence concrète durant la législature ? Après avoir co-fondé le Parlement des Jeunes Genevois (PJG) en 2012, j’ai activement participé aux efforts de cette association pour améliorer l’éducation civique, dont les lacunes causent la faible participation électorale des jeunes. En observant l’activité des député-e-s en la matière, le constat est sans appel : les cinq projets présentés6 ont tous été refusés ou vidés de leur substance. Le Grand Conseil a donc raté chaque occasion qui lui a été donnée d’agir concrètement dans ce domaine.

 

La démocratie représentative ne remplit pas sa mission à partir du moment où la société n’y est manifestement pas présente dans la mesure de sa diversité. Aujourd’hui, certains groupes de personnes ne sont clairement pas assez représentés : étudiant-e-s et apprenti-e-s, personnes sans emploi ou en situation de handicap.

 

Un équilibre nécessaire

Une jeunesse mieux représentée dans le débat politique cantonal aurait pu faire pencher la balance dans ces votes cruciaux. Malheureusement, ces décisions ont été prises en grande partie par des personnes trop éloignées ou peu intéressées par les problématiques concernant les jeunes. Il en résulte que les rares projets votés par le Grand Conseil revêtaient un caractère essentiellement déclaratoire : en effet, se contenter de dire que l’on soutient les jeunes demande moins d’effort que d’agir concrètement dans ce sens, mais je doute que la flemmardise fasse partie des qualités que l’on est en droit d’attendre de nos élu-e-s.

De manière plus large, la démocratie représentative ne remplit pas sa mission à partir du moment où la société n’y est manifestement pas présente dans la mesure de sa diversité. Aujourd’hui, certains groupes de personnes ne sont clairement pas assez représentés (par exemple : étudiant-e-s et apprenti-e-s, personnes sans emploi, en situation de handicap, etc.) et d’autres au contraire le sont trop (par exemple : propriétaires immobiliers, chef-fe-s d’entreprise et indépendant-e-s, juristes, etc.). La législature qui s’achève illustre de manière perceptible ce déséquilibre.

 

Une responsabilité partagée

Les causes de la situation actuelle sont multiples et complexes, et il ne s’agit pas forcément d’aboutir à une situation où les personnes sont élues selon des critères identitaires plutôt qu’en fonction de leurs idées. Il s’agit au contraire de définir le minimum vital pour que le processus politique tienne suffisamment compte de l’ensemble de la population. Cela implique pour les partis politiques de se poser davantage de questions dans ce sens lorsqu’ils présentent des listes de candidat-e-s. Cela implique également de déconstruire certains préjugés, qui tendent à inhiber les velléités des groupes de personnes sous-représentées de se présenter à une élection.

Cette année, chaque liste au Grand Conseil présente au moins une personne âgée de moins de 30 ans, ce qui est encourageant7. La décision finale appartiendra cependant aux électeurs-trices : nous saurons le 15 avril prochain si le souverain fera le choix d’une démocratie véritablement représentative. Dans tous les cas, n’oubliez pas d’aller voter !

 


Références:

1. Article co-signé avec Sylvain Leutwyler (3 novembre 2015) https://www.jetdencre.ch/elections-federales-a-la-recherche-de-la-jeunesse-perdue

2. Projet de loi sur l’enfance et la jeunesse (déposé le 25 janvier 2017) http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12054.pdf

3. https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/conseil-jeunesse-explose-decollage/story/21311542

4. Demir Sönmez (7 octobre 2013) http://demirsonmez.blog.tdg.ch/archive/2013/10/07/pourquoi-ont-ils-ete-biffes-248191.html

5. Tribune de Genève (11 octobre 2013) https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/Degringolade-historique-des-femmes-au-Parlement/story/25408246?dossier_id=1942

6. Motion 2203 (projet easyvote), Projet de loi 11395 (droit de vote à 16 ans), Motion 2186 (éducation civique et politique renforcée), Motion 2287 (votations blanches dans les écoles), Projet de loi 12054 (loi sur l’enfance et la jeunesse)

7. Voir la 3e édition du projet « soutenez la relève » du PJG https://www.facebook.com/PJGenevois/photos/a.565229780171392.141336.463037317057306/2044874338873588/?type=3

Laisser un commentaire

Soyez le premier à laisser un commentaire

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *
Jet d'Encre vous prie d'inscrire vos commentaires dans un esprit de dialogue et les limites du respect de chacun. Merci.