Politique Le 25 octobre 2018

L’autodétermination : une idée dont le temps est venu

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L’autodétermination : une idée dont le temps est venu

Photo © Marc Schlumpf, www.icarus-design.ch [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

Le 25 novembre prochain, les citoyennes et citoyens suisses devront se prononcer sur l’initiative populaire « Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination) ». Lancée par l’UDC, elle entend consacrer le principe de la primauté du droit constitutionnel helvétique sur le droit international. À l’occasion de cette votation cardinale, Jet d’Encre vous propose une confrontation de points de vue.

Selon Yves Nidegger, avocat, conseiller national (UDC/GE) et partisan du OUI, il s’agit par cette initiative de sauver la démocratie directe.

Pour la prise de position des co-président-e-s d’Opération Libero Genève, Fanny Randanne et Søren Henrichsen, en faveur du NON, cliquez ICI.


 

Plus les frontières s’abaissent sous la pression du droit international économique, plus les peuples du monde rêvent de disposer de leviers politiques aptes à juguler les vents brutaux de la mondialisation. En Suisse, on ne rêve pas. On vote. L’initiative constitutionnelle est un levier politique efficace, et qui doit le rester, car il permet d’imposer un contrôle populaire ultime sur la marche des affaires lorsque la Suisse officielle néglige ou s’écarte des préoccupations du plus grand nombre. Dans tous les domaines, y compris ceux couverts par des traités internationaux. Or, sous la pression du droit international, le droit d’initiative est lui-même en train de s’effondrer. En effet, bien qu’inscrite dans la Constitution, la volonté de la majorité du peuple et des cantons est restée lettre morte lorsqu’elle s’est heurtée à la libre circulation des personnes en Europe (initiative contre l’immigration de masse), à l’accord européen sur le transport terrestre (initiative des Alpes) ou à la portée exorbitante que donnent les juges de Strasbourg au droit à la vie de famille (expulsion des criminels étrangers)1. Là est l’enjeu de la votation du 25 novembre 2018 sur l’autodétermination : sauver la démocratie directe, faire en sorte que le droit de vote des Suissesses et des Suisses puisse continuer à compter, y compris dans les domaines où le Conseil fédéral a conclu des traités internationaux que le peuple doit rester libre de pouvoir contester lorsque leurs effets lui paraissent néfastes.

Pour cela, une disposition constitutionnelle nouvelle doit continuer à primer un traité international plus ancien. Les traités priment certes les lois, mais la Constitution règne sur les traités comme sur les lois. Car pour pouvoir adopter une loi ou conclure un traité, un Etat doit tout d’abord exister. Et ce par quoi un Etat existe, ce qui le constitue, c’est sa Constitution. Siège de l’ADN de l’Etat, la Constitution pose les principes et instaure les procédures par lesquelles il peut décider et il peut agir. C’est un principe universellement admis : au sommet de la pyramide du droit, se trouve la Constitution. Il se trouve qu’en Suisse, ce sont les citoyens, à la double majorité du peuple et des cantons, qui adoptent la Constitution et sont par conséquent libres de la faire évoluer selon leur volonté, en tout temps, par la voie de l’initiative populaire dans les seules limites du droit impératif coutumier. Voilà tout ce que l’initiative pour l’autodétermination entend rappeler noir sur blanc et imposer aux juristes de la couronne qui l’auraient oublié.

Evidemment, les adeptes de la mondialisation ne peuvent qu’être opposés à l’autodétermination. Ils sont d’ailleurs entrés en campagne avant même que les initiants ne le fassent. C’est le cas des multinationales et d’économiesuisse d’une part, mais aussi de la gauche internationaliste et des ONG d’autre part. Les ennemis de toujours ont soudain embouché les mêmes trompettes pour prophétiser ensemble la fin du monde le 25 novembre 2018 si d’aventure l’initiative devait être acceptée. Ce sera la fin la prospérité, disent les pleureuses d’économiesuisse, ce sera la fin des droits de l’homme, disent les augures de gauche, ce sera la fin de la Suisse elle-même, proclament-ils tous ensemble. La raison de cette apocalypse programmée ? Un simple rappel dans la Constitution fédérale de la première des évidences de tout Etat de droit : la Constitution doit être respectée, l’Etat ne peut agir à l’encontre de sa Constitution, il ne peut donc pas souscrire d’obligations internationales contraires et doit amender celles déjà signées qu’une modification constitutionnelle postérieure rendrait anticonstitutionnelles.

Pour économiesuisse, le simple rappel de cette évidence menacerait l’ensemble des traités économiques utiles à la Suisse. A croire que le Conseil fédéral ne signerait par principe que des traités contraires à la Constitution ! Et que le Parlement les ratifierait ensuite avec le même mépris de l’Etat de droit. On comprend mal qu’un lobby aussi généreusement financé puisse produire un argumentaire aussi indigent ! Pour la gauche, le Conseil de l’Europe garantirait mieux les droits des citoyens suisses que la majorité de ces mêmes citoyens doublée de la majorité des cantons (condition pour toute modification de la Constitution) au motif discutable que les juges de la Cour européenne des droits de l’homme seraient élus par l’Assemblée du Conseil de l’Europe ! Certes, mais sachant que ce sont les exécutifs de chaque Etat membre qui désignent leur candidat respectif2, on ne peut qu’être effaré par une telle logique. Qui revient à recommander de se méfier des citoyens suisses et de confier leur garde aux vrais spécialistes de la démocratie suisse que sont le juge russe désigné par Poutin, le juge turc choisi par Erdogan, le juge hongrois de Orban, le polonais de Duda et ceux des régimes azerbaidjanais, albanais, arménien, bosnien, moldave, roumain, serbe, ukrainien, etc. On croit rêver, on ne rêve plus : il faut voter OUI à l’autodétermination le 25 novembre 2018.

 


Références:

1. « Dix manières de contourner la « volonté du peuple » suisse », Swissinfo.ch, 28 septembre 2018.

https://www.swissinfo.ch/fre/democratiedirecte/d%C3%A9mocratie-directe_dix-mani%C3%A8res-de-contourner-la–volont%C3%A9-du-peuple–suisse/44433180

« La loi d’application de l’initiative contre l’immigration de masse adoptée », RTS Info, 16 décembre 2016.

https://www.rts.ch/info/suisse/8246867-la-loi-d-application-de-l-initiative-contre-l-immigration-de-masse-adoptee.html

2. Sur les modalités d’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme : http://website-pace.net/fr/web/as-cdh/main

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