Le cannabis est un sujet porteur, que ce soit dans les médias ou en politique. Mais la quantité ne fait pas forcément la qualité, et force est de constater que rares sont les sujets aussi abondamment mal traités que celui-ci. Il n’est bien sûr pas question de dire ici que le cannabis est une panacée ou qu’il ne comporte aucun risque, mais simplement qu’un débat public sain et constructif ne pourra pas avoir lieu sans un traitement objectif et rationnel des faits concernant cette plante. Ce n’est de loin pas toujours le cas dans les grands médias. Prenons l’exemple du Figaro qui, comme on va le voir, semble s’ériger en ligue de vertu anti-cannabis.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Figaro semble avoir une solide ligne éditoriale concernant le cannabis, que l’on pourrait résumer ainsi : le cannabis, c’est mal, très mal. Ces deux dernières années, on a pu lire par exemple les articles suivants, avec à chaque fois la volonté de remplacer la prudence des scientifiques quant aux résultats de leurs études par une certitude assénée sans ambages par le Figaro :
· Comment le cannabis perturbe l’activité cérébrale (Oct. 2011)
· Fumer du cannabis avant 15 ans ralentit le cerveau (Nov. 2011)
· La gravité des troubles liés au cannabis est sous-estimée (Avr. 2012)
· Cancer du testicule : le cannabis, facteur de risque (Sep. 2012)
· Le cannabis peut-il être utilisé comme un médicament ? (Jan. 2013)
· Le cannabis augmente le risque d’attaques cérébrales (Fév. 2013)
Ces articles sont parfois ponctués de titres de paragraphes évocateurs : « De nombreux troubles psychomoteurs », « Déficit des fonctions cognitives », « Des effets cardiovasculaires, des perturbations de la mémoire ». En guise de contenu, on a souvent droit à des phrases péremptoires, comme : « Les méfaits du cannabis sur la santé ne sont plus à démontrer » ou encore « La liste des dangers pour la santé de la consommation de cannabis ne cesse d’augmenter au fil du temps et des études médicales. » Mais dans certains cas, l’absence d’objectivité et de prudence, notamment concernant des études scientifiques récentes, va encore plus loin et trahit une méconnaissance crasse des principes de base de l’épistémologie et de la méthode scientifique.
Par exemple, dans l’article sur le cancer du testicule, on peut lire : « Dernier méfait démontré en date de la marijuana, un risque accru d’apparition d’un cancer du testicule, qui plus est d’un type plus difficile à soigner que les autres. » Or l’un des auteurs de l’étude précise justement dans l’article que « nous ne savons pas exactement comment les composés de marijuana agissent sur les testicules pour conduire à une carcinogenèse ». Quand on ne sait pas comment quelque chose fonctionne, on n’a rien démontré du tout. Tout au plus a-t-on observé. D’autant que l’étude a porté sur des hommes de même âge et de même origine ethnique, mais sans prendre en compte une infinité d’autres variables (sociales et environnementales, notamment), et quiconque a passé cinq minutes dans un cours de statistique sait que la corrélation n’implique pas la causalité (« cum hoc ergo propter hoc »).
Dans le dernier article en date, on peut lire sous la plume du journaliste, sans ambiguïtés et sans le moindre conditionnel : « Cette drogue favorise les accidents vasculaires cérébraux. […] Les risques sanitaires [du cannabis] ne sont pas […] hypothétiques, mais bien réels. La liste de ses effets secondaires vient encore de s’allonger hier avec la présentation […] d’une enquête montrant que le fait de fumer du haschisch multiplie par 2,3 le risque d’avoir un accident vasculaire cérébral chez les jeunes. […] Désormais, il faudra ajouter [à la liste des dangers du cannabis] celui d’un très grave accident vasculaire cérébral. » De l’indicatif et des certitudes à toutes les lignes (avec une pointe de dramatisation dans ce « très grave » totalement gratuit de la part du journaliste). Mais le coauteur de l’étude est, lui, nettement moins catégorique et fait preuve de prudence : « C’est la première enquête qui démontre un lien possible entre le risque d’attaques cérébrales et le cannabis, explique le Pr Alan Barber, coauteur de l’étude. On a dit au public que le cannabis était sûr, même si c’était une drogue illégale. Notre travail montre que cela pourrait ne pas être le cas. Le cannabis pourrait conduire à l’accident vasculaire cérébral. » C’est tout de suite beaucoup moins racoleur sous cette forme.
Un dossier à charge
Mais le pire est probablement l’article intitulé Le cannabis peut-il être utilisé comme un médicament ?. Ne vous laissez pas leurrer par la forme interrogative. Son auteur, le professeur Jean Costentin, neuropsycho-pharmacologue, membre de l’Académie nationale de médecine et président du Centre national de prévention, d’études et de recherches en toxicomanies (CNEPRT)1, préférerait sans doute mourir plutôt que d’utiliser le cannabis comme un médicament. Cet article présenté comme un « avis d’expert » ressemble plutôt à une tribune libre où la mauvaise foi et les mensonges par omissions n’ont qu’un seul but : diaboliser le cannabis thérapeutique et apporter ouvertement son soutien à l’industrie pharmaceutique. Voyons en détail quelques extraits parmi les plus frappants.
« Un médicament doit d’abord ne pas nuire et son utilité doit se fonder sur les bienfaits apportés au patient par rapport aux risques d’effets secondaires et de toxicité. Les effets pharmacologiques du cannabis sont trop modestes pour compenser des effets secondaires nombreux, fréquents et parfois graves, alors qu’il existe d’authentiques médicaments pour obtenir les mêmes effets de façon plus efficace, mieux ciblée et en toute sécurité. »
Cet article commence par très justement énoncer la question centrale pour juger de l’utilité d’un médicament : le poids respectif des bienfaits et des risques. Malheureusement, tout le reste de l’article se bornera à ne pas suivre sa propre recommandation et se contentera de lister les effets négatifs (réels ou supposés) du cannabis sans jamais mentionner les effets thérapeutiques. Tout au plus est-il mentionné que ces effets sont négligeables. Drôle de méthode de démonstration, surtout venant d’un membre de l’Académie nationale de médecine qu’on imagine plus sérieux que ça dans ses raisonnements. D’autant que de nombreuses études ont montré des possibilités d’applications thérapeutiques significatives. Cette inutilité du cannabis, décrétée de façon péremptoire dans la deuxième phrase de l’article, est clairement mise en opposition à l’efficacité des « authentiques médicaments », qui eux, bien évidemment, peuvent être pris « en toute sécurité ». Car jamais l’industrie pharmaceutique n’a mis sur le marché de produit dangereux, n’est-ce pas ?
« Peut-on raisonnablement prendre le risque, pour calmer une simple douleur, de déclencher simultanément une ivresse, un accroissement de l’appétit, une relaxation musculaire, une dépression de l’immunité, des effets cardiovasculaires, des perturbations de la mémoire, autant d’effets dont la nocivité est proportionnelle à leur association? »
Pour le Pr. Costentin, la seule utilisation possible du cannabis est de « calmer une simple douleur ». Les malades atteints de sclérose en plaques et souffrant de douleurs neurologiques difficilement soutenables sans l’utilisation de cannabis apprécieront l’élégante formulation. Pas un mot des effets bénéfiques démontrés pour soigner le glaucome, pour traiter les nausées dues aux chimiothérapies, ou pour améliorer l’appétit chez les malades atteints du sida. Dans bien des cas de ce genre, l’utilisation de cannabis, même si elle n’est pas sans risque, reste le moyen le plus sûr d’obtenir un effet bénéfique sans avoir recours à des multitudes de médicaments chimiques supplémentaires dans un traitement déjà lourd et pénible pour l’organisme.
Mais le professeur Costentin est plus prolixe quand il s’agit de mentionner les effets négatifs, les accumulant pour donner une impression de raz-de-marée d’effets secondaires. La technique est efficace pour donner à un argument plus de poids qu’il n’en a en réalité. On pourrait faire pareil, sans mentir d’un point de vue médical, mais avec la même mauvaise foi, pour quelque chose d’unanimement reconnu comme bénéfique pour la santé : le jogging. Démonstration : « Peut-on raisonnablement prendre le risque, pour calmer une simple envie de plein air, de déclencher simultanément un essoufflement, un accroissement de l’appétit, des tensions musculaires, un risque de blessures articulaires et osseuses, des effets cardiovasculaires, une dépendance aux endorphines, autant d’effets dont la nocivité est proportionnelle à leur association? » De quoi vous faire réfléchir à deux fois avant de sortir courir, pas vrai ?
« Le temps des panacées est révolu ; il n’est plus concevable aujourd’hui d’imaginer un médicament qui ne soit pas ciblé, si possible même sur un seul effet. »
Et encore un petit exemple parmi d’autres de mauvaise foi : pour notre neuropsycho-pharmacologue membre de l’Académie nationale de médecine, il n’est plus aujourd’hui concevable d’imaginer un médicament comme… l’aspirine, aux propriétés à la fois analgésiques, antipyrétiques, anti-inflammatoires et antiagrégantes ?
Les évidences… et le reste
« On s’interdit de mettre sur le marché des médicaments générateurs d’addictions, mais on autoriserait le THC qui induit à l’évidence non seulement une dépendance psychique, doublée d’une dépendance physique mais une appétence accrue pour d’autres drogues (tabac, alcool, cocaïne, morphiniques), à l’origine d’une escalade et, pire, de polytoxicomanies. »
Première nouvelle : les médicaments mis sur le marché ne sont donc pas générateurs d’addictions, car… on se l’interdit. Franchement, il fallait oser ! Dans un pays où pullulent les accros au Temesta, au Lexomil ou à l’OxyContin, ce serait risible si ce n’était pas aussi grave. Deuxième nouvelle : le THC induit « à l’évidence » une dépendance physique et psychique. Une évidence qui semble aller à l’encontre d’innombrables études scientifiques et rapports de l’OMS, qui parlent de dépendance physique et psychique faibles, minimes, voire nulles. On a également droit au vieil argument, jamais démontré et sans la moindre base scientifique ou statistique, selon lequel le cannabis mènerait tout droit aux drogues dures et serait carrément « à l’origine » de polytoxicomanies. Quand le but est de faire peur, il ne faut pas lésiner sur les grosses ficelles.
« On se souvient qu’en Californie, où des centaines de dispensaires avaient été ouverts sur la foi des vertus thérapeutiques prêtées au cannabis, les «patients» n’avaient pas tardé à détourner les prescriptions, obligeant les autorités à revenir sur leur autorisation… »
Encore une fois, les malades atteints de sclérose en plaque, de glaucome ou de nausées dues à la chimiothérapie apprécieront les élégants guillemets, signe de l’opprobre du professeur Costentin. Et quand bien même des prescriptions étaient-elles détournées en Californie, cela retire-t-il pour autant les « vertus thérapeutiques prêtées au cannabis » et dont là encore, on ne saura rien de plus ? Tout comme on ne saura rien de la situation dans les 14 autres Etats américains où le medical cannabis est autorisé.
« Et si, en Grande-Bretagne et en Allemagne, par exemple, on trouve en pharmacie des extraits de plantes ou de dérivés de synthèse en comprimés ou spray oral, ils n’ont rien à voir avec du chanvre déguisé en médicament. »
Voilà que notre neuro-pharmacologue nous apprend que les médicaments type Sativex ou Marinol, à base de THC de synthèse, n’ont « rien à voir » avec du chanvre, à base de THC naturel. En effet, rien à voir : dans un cas, on doit acheter le produit à prix fort à un groupe pharmaceutique, alors que dans l’autre, on peut le faire pousser gratuitement sur un bord de fenêtre. Et peu importe à notre expert si les mêmes effets peuvent être obtenus en consommant du cannabis sous sa forme naturelle…
Le « vrai » progrès
« Dès lors, le plus grand danger serait que, sous un prétexte thérapeutique, le cannabis ne passe pour une substance inoffensive, voire bienfaitrice, alors que le THC, loin de mimer l’action des récepteurs de l’organisme à ces substances, n’est qu’une triste caricature d’avancées thérapeutiques majeures et les promesses de vrais médicaments en germe actuellement dans les laboratoires. »
N’en jetez plus ! Je crois que c’est clair : le cannabis est une substance nocive à tous les points de vue et n’arrivera jamais à la cheville des « vrais médicaments ». On préfère louer les « avancées thérapeutiques majeures et les promesses de vrais médicaments en germe actuellement dans les laboratoires », sans bien sûr jamais mentionner les médicaments mis sur le marché et retirés par la suite, les problèmes croissants de résistance de certaines maladies aux antibiotiques, ou encore les inextricables effets secondaires mal connus liés aux combinaisons de multiples produits chimiques dans les traitement lourds. Et c’est sans même parler des moyens monumentaux que gaspillent chaque jour les grands groupes pharmaceutiques pour leur publicité ou encore pour empêcher la production de médicaments génériques concurrents en inventant de fausses innovations pour prolonger leurs brevets, au lieu de réellement s’occuper des prochaines « avancées thérapeutiques majeures ». Décidément, le professeur Costentin semble n’être « qu’une triste caricature » de médecin comme il en existe tant d’autres, vendus à l’industrie du médicament.
En résumé, on aura eu ici un article censé débattre (souvenez-vous du point d’interrogation, dans le titre) de l’utilisation thérapeutique du cannabis, mais où on ne parle pas une seule fois des effets prouvés du cannabis dans le traitement du glaucome, par exemple. Et c’est sans parler des études en cours qui tendraient à montrer que les cannabinoïdes, naturels ou synthétisés, ont un effet protecteur contre certains type de tumeurs cancéreuses, et pourraient même traiter certains types de cancers, comme les gliomes. D’autres études ont également montré de possibles effets bénéfiques sur l’asthme, l’artériosclérose, l’épilepsie, l’hépatite C, la leucémie, la maladie de Parkinson, la maladie d’Huntington, le psoriasis, l’anorexie nerveuse ou la dystonie. Ces perspectives, toutes hypothétiques soient-elles, doivent être abordées si l’on veut que le lecteur puisse se faire une opinion libre et informée quant à l’opportunité d’utiliser le cannabis comme médicament et sur la nécessité de poursuivre les recherches dans ce sens. Mais on ne saura rien de tout ça dans cet article, ni dans les autres.
Un expert taillé pour le Figaro
En remontant un peu dans le temps, toujours dans le Figaro, on trouve un an plus tôt un autre article du même professeur Costentin, intitulé « Peut-on envisager de légaliser le cannabis ? ». Ici aussi, une forme interrogative. Et on l’aura deviné, ici encore, la réponse du Pr. Costentin est d’emblée non, non, et non. Le tout agrémenté des affirmations péremptoires et alarmistes qui, semble-t-il, font la joie des lecteurs du Figaro :
« Le cannabis n’est plus la ‘fumette’ d’il y a quarante ans. […] Aligner la législation du cannabis sur celle du tabac multipliera par dix le nombre d’usagers. […] Si cette frontière n’existe plus, c’est d’emblée à la porte de l’héroïne que [les adolescents] iront frapper. […] Le cannabis n’est pas un médicament. […] On lui doit artérites, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, cancers du testicule. […] La dépendance psychique est particulièrement forte avec troubles de la mémoire, anxiété, dépressions et, chez les plus jeunes, une tendance à la polytoxicomanie, une augmentation des suicides et des troubles schizophrènes. […] La diffusion en toute légalité d’une drogue qui rend incapable d’apprendre et ôte le courage d’entreprendre, reviendrait à annihiler les moyens investis à grands frais dans l’éducation et à ne laisser d’autre espérance dans la vie à une partie de notre jeunesse qu’un horizon bouché de misère et de souffrance. » Peu importe si tous ces éléments sont discutables, voire carrément mensongers. Ce qui compte, c’est la parole de l’expert.
D’ailleurs, cet expert a l’avantage d’être à géométrie variable, épousant ainsi parfaitement les incohérences du journal qui l’accueille régulièrement dans ses colonnes. Ainsi, en parallèle à sa croisade anti-cannabis, le Figaro nous gratifie d’articles tels que :
· La caféine, nouvelle arme contre Alzheimer (Juil. 2009)
· Vin, thé, cacao : l’effet protecteur des flavonoïdes (Jan. 2010)
· Les effets anti-obésité d’une molécule dérivée du vin (Juin 2010)
· Femmes, offrez-vous un verre de vin par jour (Sep. 2011)
· Le café réduirait le risque de diabète (Jan. 2012)
· Pas besoin de s’interdire l’alcool après un infarctus (Avr. 2012)
· Un composé du vin pour protéger les neurones (Mai 2012)
· Boire du café chaque jour est bon pour la santé (Juil. 2012)
Dans ce dernier article, il est cocasse de lire l’avis d’un Pr. Costentin méconnaissable pour qui connaît ses arguments contre le cannabis. Soudain, tout le monde semble avoir retourné sa veste et oublié tout principe de précaution, nous gratifiant de ce passage pour le moins savoureux :
« « Le café est une bonne drogue. C’est une drogue dans le sens où il y a addiction. Il y a une dépendance psychique manifeste. Mais elle est bonne car c’est la seule qui ne perturbe pas le fonctionnement psychique… avec le tabac, mais on sait la toxicité énorme du tabac pour la santé. On est plus éveillé, plus dynamique, plus performant. »
D’ailleurs, le Pr Costentin déconseille le café aux enfants : « Pour ne pas commencer l’apprentissage de la psychostimulation« . Du café à la cocaïne, il y a un grand pas pour l’homme… mais un petit pour la neuropharmacologie ! Il vaudrait donc mieux attendre d’être bien armé mentalement pour s’y frotter. »
Donc le café « ne perturbe pas le fonctionnement psychique », mais provoque une « psychostimulation » et il faut être « bien armé mentalement pour s’y frotter ». Allez comprendre… De plus, « pour la neuropharmacologie », dont le Pr. Costentin est spécialiste, il n’y a qu’un petit pas du café à la cocaïne. Mais bizarrement, dans le cas du café, et contrairement au cannabis, cette nouvelle ne provoque aucune diatribe alarmiste et aucune mention n’est faite à une quelconque « appétence accrue pour d’autres drogues (tabac, alcool, cocaïne, morphiniques), à l’origine d’une escalade et, pire, de polytoxicomanies »… La preuve qu’on peut être (supposément) un scientifique et pratiquer le deux poids deux mesures sans la moindre retenue.
La science dans le Figaro n’est que ruine de l’âme
On le constate, ce n’est pas avec cette série d’articles que le Figaro va informer correctement le public sur le cannabis. Ici, la désinformation vient s’ajouter à la méconnaissance généralisée et le manque de précision dont font preuve très régulièrement les grands médias à ce sujet. Ici comme ailleurs, on parle indistinctement de cannabis et de haschisch, occultant l’importance et la nocivité des produits de coupe du haschisch. On ne parle que très rarement de CBN ou de CBD, pourtant des composés actifs importants du cannabis. On ne parle jamais de la façon dont il est cultivé : extérieur ou intérieur, bio ou engrais chimiques, respect de la procédure de flushing (période d’arrosage sans engrais précédant la récolte), etc. On ne parle jamais des différences notables d’effets entre les sous-variétés indica et sativa. On ne parle jamais des divers modes de consommation et de leurs risques et bienfaits respectifs (ingestion, vaporisation sans combustion, etc.), amalgamant ainsi les dangers du cannabis et les dangers inhérents au mode de consommation de cannabis. Et on ne parle jamais des raisons historiques et économiques (et non scientifiques ou médicales) de la prohibition de cette plante, ni des effets néfastes inévitables de cette prohibition. Tous ces paramètres ont leur importance et forment une problématique très complexe qu’un traitement superficiel ne saurait permettre de saisir.
Mais on constate que non content de perpétuer cette méconnaissance endémique, le Figaro cultive une opposition farouche au cannabis, saisissant chaque occasion de désinformer et de diaboliser cette plante pour ses méfaits réels ou supposés, tout en occultant systématiquement l’avancée des recherches sur ses effets bénéfiques (y compris ceux qui ont été prouvés). Le pire est que pour arriver à ses fins, le quotidien s’appuie sur des études sérieuses dont l’interprétation systématiquement biaisée des résultats par les journalistes trahit une volonté d’apporter une caution scientifique à une ligne éditoriale arbitraire, tout comme la place accordée à la parole de « l’expert » à sens unique, parachevant ainsi le travail en usant de son autorité imaginaire, mais médiatiquement efficace.
Notes
Les passages en gras ont été soulignés par l’auteur.
1Ne vous laissez pas leurrer par le nom pompeux. Le CNEPRT est un simple groupe de pression (sous la forme d’une association à but non-lucratif) farouchement opposé aux salles d’injection, par exemple, pétition sous-argumentée à l’appui.
Sur le le site du CNPERT, le Pr. Costentin écrit : « La rareté des informations sur les drogues, ou leur sensationnalisme fébrile, la discrétion qui prévaut sur certains de leurs aspects majeurs, le caractère biaisé, voire fallacieux de certaines déclarations, nous incite à accroitre la diffusion et la tonalité de nos messages. » Ses critiques s’appliquent point par point à son propre discours. La paille, la poutre…
Vraiment un article excellent !