Les 5 principaux candidats à l’élection présidentielle française, lors du Grand débat sur TF1.
S’il y a bien un point commun entre les principaux candidats à la présidentielle française de 2017, c’est l’originalité. L’originalité d’Emmanuel Macron, qui cherche à effacer un clivage gauche-droite en maniant la rhétorique et l’effacement; l’originalité d’une Marine Le Pen qui cherche à s’extraire de l’image de son parti en se calquant sur les discours des « alternative facts »; l’originalité de Jean-Luc Mélenchon, candidat indépendant et « insoumis » ; l’originalité de François Fillon, usurpateur et conservateur, avec son retour à la religion et son goût pour les idées d’extrême droite. L’originalité, enfin, de Benoît Hamon, dans sa démarche scientifique et intellectuelle, et son projet d’avenir pour la France.
Et s’il fallait trouver un leitmotiv à cette élection, ce serait le retour d’une certaine habitude électorale, celle qui s’est manifestée un jour de 2002 où l’on a annoncé Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac au second tour : le vote utile.
Le vote utile, c’est : « un bulletin sans adhésion ni conviction que l’on glisse dans l’urne pour écarter le pire »1, c’est l’abandon de principes pour une éventualité, c’est l’effacement de notre droit pour un soi-disant « devoir », la définition d’une conscience par la négative plutôt qu’une affirmation d’identité par la positive.
Voter utile, c’est voter contre. Voter utile, c’est voter dans l’idée que de toute façon, aucun candidat ne tient la route, ou alors, que les sondages donnent le mien perdant. Voter utile, c’est croire que le projet auquel on s’oppose est plus solide et plus viable que celui pour lequel on aurait voulu voter, et bien plus crédible que celui pour lequel on votera. Voter utile, c’est nier son droit en tant que citoyen de dire ce que l’on pense et abandonner plutôt son âme aux estimations des sondages.
Voter utile, mais pourquoi ? Contre qui ? Contre un personnage ? Contre des idées ? Contre une idéologie ? Contre un futur qui – on l’espère – n’arrivera jamais ? La question ici n’est réellement pas du domaine du pourquoi, mais plutôt du comment. Comment voter utile ? Comment prendre à contre-pied le discours menaçant ? Comment couper l’herbe sous le pied du discours de plus en plus convaincant de Marine Le Pen (puisqu’il faut la nommer) ? Et puis, quand apprendra-t-on à voter pour ?
Il se dessine que les trois candidats qui font l’objet de ce vote utile sont Emmanuel Macron, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon. Selon les sondages, ce sont les trois seuls personnages en mesure de contrer la vague d’extrême droite. Examinons donc ce que le vote utile veut dire dans ces trois cas.
François Fillon : funambule de l’éthique et conservateur méprisant
François Fillon d’abord. Le vainqueur de la primaire de droite, alerté par plusieurs affaires le concernant, a plongé dans les sondages d’opinion mais reste un candidat potentiel. Qui plus est, il bénéficie d’une base solide d’électeurs de droite, qui préfèrent voter pour un candidat mis en examen, plutôt que de donner leur vote à quelqu’un de gauche2. Mais que contient réellement le programme de Fillon ?
La vision filloniste de la France, c’est avant tout le conservatisme. Prenez par exemple ses propositions en matière de sécurité. 5000 postes de policiers en plus, avec un milliard par an pour leur efficacité. La majorité pénale à 16 ans et le rétablissement des peines plancher3. Au moins, le directeur de l’administration pénitentiaire pourra être réconforté dans sa démission si Fillon est élu4.
En termes de travail, avec la suppression des 35 heures, M. Fillon se lance dans un libéralisme décomplexé, où il espère que les travailleurs cravacheront, peu importe leur situation actuelle. Au vu de son mépris pour les salariés5, cela n’est pas étonnant.
Mais c’est en termes de protection sociale et de fiscalité que Fillon fait peur. Sa fusion des aides sociales ainsi que la suppression de l’Impôt Sur la Fortune (ISF) et l’augmentation de la TVA6 impacteront de manière disproportionnée les ménages à faible revenu.
Sur le terrorisme, M. Fillon ne fait pas de détours et se prononce pour la déchéance de nationalité. En matière de politique internationale, il s’affirme comme un original (au sens négatif du terme): il prône le rapprochement non seulement avec la Russie, mais aussi avec Bachar El-Assad, sans jamais questionner sa légitimité.
De manière générale, c’est la ligne idéologique de François Fillon qui donne la chair de poule. Reprenant au gré des jours les formules de l’extrême droite7 ou s’associant à des groupes ultraconservateurs, tel que Sens Commun (émanation politique du mouvement de la Manif pour Tous8), Fillon confirme le virage à l’extrême, amorcé par Sarkozy, de la droite française.
Et si encore ce n’était qu’une question d’idéologie… Mais au final c’est surtout dans les affaires que Fillon s’est révélé : démagogue, méprisant et vide de tout respect pour les principes démocratiques. En une phrase, Fillon c’est l’austérité personnifiée par le représentant de l’élite méprisante.
Emmanuel Macron : BCBG populaire, centriste des extrêmes
Venons-en maintenant à Emmanuel Macron. Il s’est imposé sur la scène publique à travers le gouvernement de Hollande comme le jeune ministre de l’Économie, puis comme Brutus envers son père, se dégageant des responsabilités qui lui incombaient avec une certaine facilité. En fondant son parti En Marche!, il est parvenu à instaurer un débat au sein de la politique française, à effacer un clivage qui devenait de plus en plus difficile à cerner.
Macron se présente comme hors système, loin des clivages, et au centre. Mais son legs à Bercy et plusieurs de ses propositions laissent entrevoir un libéralisme décomplexé ainsi qu’une tendance conservatrice. En effet, comme le candidat des Républicains, Macron envisage de fermer le verrou en termes de sécurité. Il souhaite porter le budget de la Défense à 2% du PIB (comme Mme Le Pen et M. Fillon), recruter 10’000 policiers et gendarmes, et supprimer l’aménagement des peines. Tout cela en construisant 15’000 places de prison à peine suffisantes pour contenir la vague de prisonniers qui découlera d’une telle politique. Point positif : la création d’une police de proximité.9
Mais c’est bien en matière d’encadrement du travail qu’on trouve le Macron libéral. De son propre aveu, Macron a été l’un des principaux instigateurs de la Loi Travail et souhaite l’instaurer dans son ensemble originel en réintroduisant les « dispositions de bon sens qui ont été retirées à la demande des syndicats réformistes et des organisations de jeunesses »10. Ses propositions vont en ce sens : allongement du temps de travail à travers les accords d’entreprises, et exonération des heures supplémentaires. Autant de mesures que la droite propose et auxquelles les Français s’opposent.
Au niveau international, Macron se place au centre en termes de diplomatie, mais devient libéral lorsqu’on aborde les sujets de commerce. Par exemple, il ne refuse pas le CETA11.
Mais à y regarder de plus près, Macron révèle une certaine démagogie. Car l’objet d’En Marche! n’est pas totalement d’être un nouveau parti politique, mais avant tout une manière déguisée de faire du populisme. Un coup « je mets la barre à droite », un coup « je mets la barre à gauche », et hop ! Tel un prestidigitateur, tout le monde oublie ce que j’ai dit auparavant. Tout cela de la bouche d’un technocrate pure souche : « l’homme qui se présente comme neuf, sans passé et sans attache incarne […] tant personnellement que par son entourage, l’héritage cumulé de la noblesse d’État (Bercy), de l’expertise et de la haute finance : le noyau du « système », en somme. »12
Macron en une phrase, c’est : un faux idéologique, la technocratie au service du populisme.
Jean-Luc Mélenchon : la défiance, c’est l’opium du peuple
Au tour de Jean-Luc Mélenchon. À coups de rhétorique dithyrambique, d’hologrammes et d’accords avec tout le spectre de l’altermondialisme, Mélenchon s’est imposé au milieu de la scène publique comme une force, dépassant même François Fillon selon un sondage13. Mélenchon se taille la part du lion des déçus du PS qui voient en lui la seule alternative de la gauche.
Mais quel est réellement le modèle proposé par le candidat de la France Insoumise ? Sur beaucoup de points, le candidat se veut résolument progressiste. Que ce soit en matière de santé, d’écologie ou de travail, Jean-Luc Mélenchon va au-devant des évolutions récentes. Notamment, il souhaite une réduction du temps de travail à 32 heures, une sixième semaine de congés payés, augmenter le SMIC de 16% et limiter les temps partiels et CDD14. Idem pour les allocations et minimas sociaux : là aussi, Mélenchon se veut résolument de gauche.
Dès lors, c’est surtout au niveau international que le candidat de la France Insoumise fait douter. Sa volonté de renégocier les traités de fond en comble en s’en retirant, ou de se retirer entièrement de l’Union européenne si la première stratégie échoue est dangereuse15. Sa volonté de sortir de l’Euro aussi16. C’est le jeu de l’extrême droite, et cela menace la cohésion européenne. N’y a-t-il pas de meilleur moment que maintenant pour montrer son adhésion au projet, tout en voulant l’améliorer pour le bien des peuples ? Menacer la structure revient à s’en soustraire.
Les tergiversations de Mélenchon sur la Russie et la Syrie sont aussi menaçantes. On ne plaisante pas avec ces choses-là17. De même pour l’Alliance Bolivarienne. Lorsque Mélenchon déclare que les reportages sur la situation au Venezuela sont de la propagande18, il faut se réveiller! Lorsqu’il déclare : « on ne discute pas avec des régimes, mais avec des pays. Peu nous chaut qui les dirige »19, il faut se rendre à l’évidence que cet homme est dangereux.
Mais au-delà de tout cela, c’est de par sa trajectoire qu’il faut s’opposer à Jean-Luc Mélenchon. En politique depuis 1976, au PS puis au Parti de Gauche, Mélenchon s’est lancé en indépendant en 2012, après le plus gros score de Marine Le Pen aux présidentielles. Son projet de VIème République « est un salmigondis qui débouche sur un régime d’Assemblée, voué à l’impuissance ou à la tyrannie, et quant à la procédure de mise en œuvre, elle suppose ni plus ni moins un coup d’État. »20 C’est pourquoi, Mélenchon en une phrase, c’est : le Front National sans la xénophobie, le populisme décomplexé.
Et c’est bien là le problème. Fillon est une forme de populisme, tançant les électeurs d’extrême droite et les catholiques conservateurs. Macron, c’est le populisme des idées, fondant les idéologies pour ne jamais révéler son objectif premier, la libéralisation du travail et des entreprises. Et Mélenchon, c’est le populisme débridé.
Benoît Hamon : la transformation d’une société
C’est pourquoi je veux me positionner derrière Benoît Hamon. Hamon, bien que représentant la normalité en étant le candidat du PS, constitue la réelle alternative. Non seulement cela, mais pour moi, Hamon représente un vote pour. Un vote de conviction et de conscience, pour un futur meilleur pour la France. Revue du programme.
Hamon est le candidat le plus résolument écologique. Son alliance avec Yannick Jadot prévoyait déjà une large part donnée aux thèmes de l’environnement et « son programme prévoit l’interdiction des perturbateurs endocriniens, la sortie du diesel en 2025 et la sortie du nucléaire en vingt-cinq ans, en misant sur les énergies renouvelables. »21 De la même manière, le candidat du PS est le plus en avance en termes de justice. En instaurant la police de proximité, en se vouant à moderniser la justice, Hamon se place dans la droite ligne de sa porte-parole et l’une de ses plus grandes collaboratrices, Christiane Taubira.
Mais c’est bien dans la manière dont il envisage la mutation de l’économie qui s’annonce que Benoît Hamon se révèle. Que ce soit à travers le fonds de transition travail, la lutte contre la fraude fiscale, la taxe sur les bénéfices des multinationales ainsi que sur les robots et les transactions financières, Hamon présente un projet alternatif aux sources courantes de bénéfices pour l’État. Il imagine le projet d’une société qui aura marqué le pas de ses engagements pour le futur, et acté sa transformation.
Il en va de même en ce qui concerne l’Europe : au lieu de prôner un chantage comme le fait Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon propose de renégocier les traités européens et de transformer l’Eurogroupe en une assemblée représentative22. Cela permet de faire exister le projet européen tout en lui donnant cette dimension critique qui lui manque aujourd’hui, à savoir la proximité avec les peuples qui la composent.
On ne peut évidemment pas parler de Benoît Hamon sans parler du revenu universel d’existence (RUE). Ce revenu viendrait lutter contre la précarité et augmenterait le revenu des actifs, afin de prendre en compte la fin de la croissance comme objet de développement. Dans une économie gangrénée par la libéralisation du travail, la division des contrats et l’évolution technologique du travail, cette mesure vient complémenter les précédentes, en garantissant à toutes et à tous un revenu sur lequel s’appuyer pour s’investir dans ce projet transformatif.
Benoît Hamon représente aussi une fraîcheur dans sa personnalité, malgré sa figure de cadre du PS. Premier président du Mouvement des Jeunes Socialistes, ministre de l’éducation, frondeur et candidat du PS… Autant de casquettes qui trahissent certes une appartenance idéologique, mais aussi des principes sur lesquels le candidat s’appuie : une vision de la France résolument à gauche, progressiste, réaliste et nouvelle. Sa mise en place d’une gouvernance citoyenne composée d’experts sur plusieurs questions essentielles, montre une ambition de fond comme de forme.23
Les attaques dont il a fait l’objet, le désistement de la part des médias et des socialistes de sa campagne au profit des plus véhéments ont fait du mal à Hamon. Mais dans une présidentielle toujours plus indécise, où les extrêmes jouent leur va-tout et où la démagogie et le populisme font le spectacle, il y a bien un candidat qui représente une vraie alternative, pas en tant que vote utile ou comme parade, mais bien comme affirmation d’une identité positive, d’un vote pour, d’une confiance et d’un espoir dans le renouveau de la France : Benoît Hamon.
Car Benoît Hamon, en une phrase, c’est : une nouvelle idée de la France, enfin un vote pour.
Références:
1. http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/12/l-envers-du-decor-du-vote-utile_5109877_4854003.html
2. http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/15/fillon-je-pense-quand-meme-que-je-vais-voter-pour-lui_5111694_4854003.html?xtmc=fillon&xtcr=46
3. http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/03/20/presidentielle-quels-sont-les-programmes-des-cinq-principaux-candidats_5097681_4854003.html
4. http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/04/02/le-directeur-de-l-administration-penitentiaire-claque-la-porte_5104724_1653578.html
5. http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/23/francois-fillon-choque-par-sa-froideur-face-aux-soignants-epuise_a_22009377/
6. http://www.liberation.fr/apps/2017/04/scanner-des-programmes/?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#/link_time=1492012957
7. http://lelab.europe1.fr/a-nice-francois-fillon-adapte-une-formule-de-marine-le-pen-sur-le-terrorisme-3297503
8. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/04/17/qu-est-ce-que-sens-commun-l-association-engagee-dans-la-campagne-de-francois-fillon_5112648_4355770.html?xtmc=fillon&xtcr=1
9. http://www.liberation.fr/apps/2017/04/scanner-des-programmes/?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#/link_time=1492012957
10. http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/03/15/sur-la-loi-travail-emmanuel-macron-n-est-pas-pret-de-rendre-les-armes_4883268_1656968.html#bKu8Y0QkPlS6ZHm4.99
11. http://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-ceta.html
12. https://www.monde-diplomatique.fr/2017/03/DENORD/57249
13. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/presidentielle-un-sondage-donne-melenchon-devant-fillon_1897252.html
14. http://www.liberation.fr/apps/2017/04/scanner-des-programmes/?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#/link_time=1492012957
15. http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/03/15/hamon-melenchon-et-l-europe-le-jeu-des-sept-differences_1555657
16. Idem
17. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/12/16/les-ambiguites-de-jean-luc-melenchon-sur-la-russie-et-la-guerre-en-syrie_5050147_4355770.html
18. http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/exclusif-jean-luc-melenchon-je-serai-au-2nd-tour-16-04-2017-6858150.php#xtor=AD-1481423553
19. Idem
20. http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/10/la-vie-republique-voulue-par-m-melenchon-suppose-ni-plus-ni-moins-un-coup-d-etat_5109064_3232.html#3IDHiqVhYZVTUC3W.99
21. http://www.liberation.fr/apps/2017/04/scanner-des-programmes/?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#/link_time=1492012957
22. Idem
23. http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/02/11/benoit-hamon-devoile-son-equipe-de-campagne_5078370_4854003.html
Ma première réaction fur d'en rire, puis d'en pleurer. Car enfin Hamon ! Ses idées sont aussi solides que ses propos,…