Économie Le 27 novembre 2014

Pourquoi les forfaits fiscaux seront supprimés le 30 novembre

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Pourquoi les forfaits fiscaux seront supprimés le 30 novembre

© Tom Tirabosco

Alors que les Suissesses et les Suisses se rendront aux urnes ce dimanche, Jet d’Encre propose de participer à nouveau au débat démocratique en laissant la parole à deux opposants et à deux partisans de l’initiative sur les forfaits fiscaux, de loin l’objet le plus serré (42% d’intentions de vote favorables contre 46% de défavorables, selon le dernier sondage SSR). Aujourd’hui, l’avis de Sylvain Thévoz (ci-dessous), conseiller municipal socialiste à la Ville de Genève, est opposé à celui de Nathalie Schneuwly, ancienne députée radicale au Grand Conseil du Canton de Genève. Les deux politiciens s’expriment sur les visions contradictoires de l’égalité que met en exergue cette initiative.
Demain, ce seront les argumentaires de Caterina Martini et de Stéphanie Riehle qui s’affronteront dans nos colonnes.

Jet d’Encre précise que l’ordre des publications suit celui de la réception des textes et qu’aucun des auteurs n’a eu accès à l’article de son opposant avant publication.


 

Les forfaits fiscaux sont une prestation avantageuse offerte à 5702 personnes étrangères résidant en Suisse qui ne paient pas d’impôts sur le revenu ou la fortune, mais uniquement sur leurs dépenses. Ces dépenses sont évaluées d’une manière opaque. Les forfaits fiscaux rapportent peu à la Suisse. Moins d’1% du budget cantonal, encore moins au niveau fédéral. Les supprimer le 30 novembre ne mettra pas en péril les finances publiques. Au contraire, elles y gagneront. Supprimer les forfaits fiscaux c’est assainir les finances. Seuls ceux qui n’oseront pas dire OUI n’y gagneront rien.

Les forfaits fiscaux seront supprimés le 30 novembre car :

• Ils sont anticonstitutionnels. L’article 8 de la Constitution fédérale rappelle l’égalité devant la loi. Il est inadmissible que des contribuables étrangers aient des avantages dont des contribuables suisses ne bénéficient pas. Pourquoi un étranger fortuné payerait-il moins d’impôts que d’autres contribuables du canton de Genève ? Combien de millionnaires suisses partent vivre à Londres aujourd’hui parce qu’ils ne peuvent trouver forfait fiscal à leur taille ? Cette exception à la loi est une injustice. Elle fait perdre de l’argent aux collectivités.

• Cette prestation offerte aux super riches met en danger le financement des prestations publiques à long terme. Le financement d’écoles, de crèches, de transports publics, de complexes sportifs, de lieux d’enseignements, de policiers, est difficile. Est-il juste que des riches étrangers viennent trouver en Suisse une qualité de vie et une qualité de service enviées dans le monde entier sans en payer le juste prix ? Non. Ce n’est pas juste.

• Ils sont un fardeau pour la classe moyenne. Les super riches reçoivent une prestation avantageuse financée par les classes moyennes qui compensent ainsi l’argent perdu et paient en conséquence plus d’impôts. Supprimer les forfaits fiscaux, c’est donner une bouffée d’air frais à la classe moyenne.

• Les gens en ont marre des discours d’austérité et de recevoir toujours moins de prestations en payant autant d’impôts. Les super riches doivent aussi payer leur part. Osons le leur dire.

• Ils fragilisent la cohésion nationale. Aujourd’hui, sur les 5702 forfaitaires fiscaux, plus de la moitié se trouvent dans les cantons de Genève, Vaud et Valais. Les super riches se déplacent d’un canton à l’autre en fonction de leur attractivité fiscale. Avoir un taux unique au niveau national, c’est éviter aux super riches de nous balader au jeu du bonneteau des riches, escamotant leurs revenus et fortunes en nous les faisant miroiter. Nous ne sommes pas des benêts.

Les forfaits fiscaux seront supprimés le 30 novembre car :

• Le chantage est l’arme des faibles. Ceux qui avancent que les super riches partiront manquent d’arguments. Ils n’ont que la peur pour en imposer. Dans les faits, depuis 2009, cinq cantons (Zurich, Appenzell Rhodes-Extérieures, Schaffhouse, ainsi que les deux cantons de Bâle) ont aboli les forfaits, sans conséquence pour leurs finances publiques. Le patron d’Ikea, Ingvar Kamprad — fortune estimée entre 35 et 41 milliards de francs — a quitté la commune d’Epalinges, dans le canton de Vaud, sans conséquence notable sur les finances de la commune. Le super riches sont en Suisse pour la qualité de ses installations, sa sécurité, sa tranquillité, ses moyens technologiques et ses infrastructures. Ils y resteront car ils y sont attachés. Et si certains partent, l’augmentation des impôts de ceux qui restent compenseront les départs. Avec le « Oui », au mieux on gagne, au pire rien ne change.

• La collectivité a tout à y gagner. Aujourd’hui, les forfaits fiscaux coûtent deux milliards par an à la collectivité. Les cantons de Genève, Vaud et du Valais sont ceux qui ont le plus à gagner de la suppression de ce statut fiscal. Vous voulez une nouvelle patinoire à Genève ? De nouveaux groupes scolaires ? Ne vous refusez pas le plaisir de voter OUI le 30 novembre.

• Ils sont immoraux. Les tenants des forfaits avancent le fait qu’en cas de décès, les droits d’héritage vont à la collectivité. Doit-on vraiment être charognards au point de souhaiter que de vieux riches viennent crever en Suisse ?  Il est plus juste de les taxer de leur vivant.

Les forfaits fiscaux seront supprimés …. Vous voulez rire ?

Et si, malgré tout, le 30 novembre la peur prenait le dessus et le peuple reculait devant sa suppression ? Il faudra alors envisager le même scénario que celui qui a frappé le secret bancaire. Pression des pays environnants pour que la Suisse cesse ses agissements fiscaux, scandales, érosion de ce statut spécial, dégradation de l’image de notre pays au niveau international, et dans deux ou quatre ans, abandon des forfaits fiscaux. Oui, nous y viendrons de toute façon, autant prendre les devants résolument, nous avons tout à y gagner. Les forfaits fiscaux seront supprimés un 30 novembre… 2014 ou 2016, c’est selon, mais c’est inéluctable. Choisissons de le faire pendant que le choix nous appartient. Prenons un coup d’avance. La stratégie de la peur ou de temporiser n’est pas la nôtre. En termes de finances publiques, d’image pour notre pays et notre canton1, nous avons tout à y gagner. Dire OUI à la suppression des forfaits fiscaux, aux niveaux cantonal et national, c’est juste prendre le risque de gagner gros.

 


1. Dans le canton de Genève, où a également lieu une votation sur ce sujet.

Commentaires

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Quentin

Ahahah ! Sylvain nous a encore pondu un article mémorable et complétement à côté des réalités démocratiques de notre pays…

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Quentin

Ahahah ! Sylvain nous a encore pondu un article mémorable et complétement à côté des réalités démocratiques de notre pays ! Merci pour ce moment de rire

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