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Au nom du principe de la séparation des pouvoirs religieux et politique, certains veulent effacer le religieux de l’espace public, et prétendent que ce dernier n’y a pas droit de cité. La laïcité rigide est souvent portée par des prêtres agnostiques plus croyants que tout autres. En laïcité rigide, l’espace public est sacralisé. Il faut cacher les vitraux, ne pas rénover les églises, retirer tout signe religieux de l’espace public, interdire les chants comme « il est né le divin enfant ». La laïcité rigide se cache derrière un discours d’émancipation pour imposer une loi, celle de l’appauvrissement d’un passé, d’une culture d’ouverture, et d’un futur. Quoi, des musulmans qui jeûnent et se promènent ventre vide dans l’espace public? C’est une atteinte à la laïcité, cela devrait être interdit. On n’est pas loin de ce genre de positions…
La laïcité rigide a des allergies. Elle est une posture, un principe, qui se décline comme se récite un rosaire, en répétant le même acte et martelant une même rengaine, sans chercher à s’interroger sur la situation de l’autre, son légitime désir de croire et d’exercer sa croyance dans un espace laïc accueillant. Interdire, bannir, condamner, c’est la logique de ceux qui veulent une laïcité rigide. C’est celle de monsieur Weiss qui veut lancer une loi pour interdire le port du voile à l’école. Comme s’il n’y avait rien de plus urgent et important à faire ? Dites, monsieur Weiss, cela concerne combien de personnes votre projet de projet de loi ? Le Tribunal Fédéral vient lui de rendre un avis de droit autorisant le port du voile à l’école pour deux jeunes femmes, évaluant que le leur interdire était « une ingérence dans la liberté religieuse ». Voilà pour le droit.
Bien entendu, il était inapproprié de réserver spécifiquement un espace de prière pour des groupes chrétiens et musulmans à l’Hepia (Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture) à Genève. Le Conseil d’État a fort judicieusement corrigé le tir en ouvrant ce lieu à toute personne qui en ferait la demande et pour toute activité de réunion ou individuelle. Il ne doit pas y avoir de lieux publics réservés exclusivement à des groupes de prière. Mais faire de l’école un lieu où l’enseignement du fait religieux n’aurait pas sa place et où des espaces pour la prière ne pourraient y être aménagés serait excessif. Il y a bien des salons de prières dans des aéroports, et alors ? La Constitution garantit le libre exercice du culte et la liberté religieuse de chacun-e-.
Les tenants de la laïcité rigide voient du religieux partout. Quand des femmes se baignent en burkini dans une piscine, ils en font une question religieuse. Or, il s’agit d’une question vestimentaire et de l’application d’un règlement. Est-ce que les plongeurs peuvent mettre leur tenue de néoprène ? Les cours de sauvetage autorisent-ils les apprenants à se jeter tout habillé dans la piscine ? Oui ? Alors pourquoi discriminer des femmes qui porteraient un tissu spécialement adapté pour la baignade ?
Les tenants de la laïcité rigide se tiennent par la barbiche avec les hérauts d’une religiosité offensive. Au-dessus d’eux se tient le droit républicain constitutionnel de chacun-e- d’exercer sa foi en toute quiétude et dans le respect absolu des croyances ou non-croyances de l’autre.
Je suis pour une laïcité ouverte, qui respecte la liberté de chacun-e-, place le droit au-dessus des peurs et des stigmatisations des minorités et donne à notre République le droit à chacun-e- de vivre selon ses croyances dans l’espace public. C’est une certaine idée de la liberté qui est en jeu.
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Article bref et intéressant. Cependant je voudrais réagir sur une phrase qui m'a interpellé: "Mais faire de l’école un lieu…