Le röstigraben est-il un mythe ? Les Tessinois votent-ils comme les Suisses romands ou les Suisses allemands ? Les communes en altitude sont-elles plus à droite que les communes en plaine ? Quelles sont les communes qui ont tendance à voter le plus similairement à la mienne ? Toutes ces questions trouvent leur réponse sur Predikon, une plateforme interactive de visualisation des habitudes de vote en Suisse.
Creuser la démocratie
À l’origine de Predikon, deux doctorants de l’EPFL qui décident d’analyser le système politique suisse à l’aide d’un savant mélange d’informatique et de mathématiques. Ils récupèrent et traitent les données de 30 ans de résultats communaux aux votations fédérales ainsi que les 2500 votes des 200 conseillers nationaux. Dans leur papier intitulé Mining Democracy1, qui a obtenu le Best Paper Award de la Conference on Online Social Networks (COSN), on découvre, par exemple, qu’une certaine commune du canton de Lucerne – Ebikon – permet de prédire dans 96% des cas l’issue d’une votation fédérale. En appliquant une technique de réduction de dimension2, on retrouve, en outre, la claire démarcation politique entre la partie francophone et la partie germanophone de notre pays: le fameux röstigraben. D’autre part, les auteurs de cette analyse montrent qu’il est possible de représenter les candidats à l’élection du Conseil national d’une manière qui correspond à la vision habituelle « gauche/droite » et « libéral/conservateur » de l’espace politique, et ceci de manière complètement automatique, en utilisant les données du site d’aide de vote en ligne Smartvote3. Basé sur ces résultats, s’ensuit alors un projet de semestre d’un étudiant de Master4 qui consiste à prédire les votations fédérales en observant certains résultats communaux: avec la connaissance du résultat d’en moyenne 10% des communes, il est possible de prédire avec une fiabilité de presque 80% les résultats des communes restantes. Prédictions. Ebikon. Prédic-bikon. Predikon5.
Le pouls des votations suisses
La plate-forme est construite autour de deux composants principaux. Le premier offre la possibilité de parcourir les résultats par commune des votations passées, de 1981 à aujourd’hui. La carte interactive permet d’obtenir des détails sur les communes. Saviez-vous que l’Italie et l’Allemagne possèdent chacune une enclave territoriale au sein de notre pays ? Aviez-vous entendu parler des Kommunanz, ces entités partagées entre plusieurs communes et généralement inhabitées ? Il est aussi assez amusant de constater que la commune de Champoz a accepté à plus de 95% l’intégration de la Suisse à l’ONU en 1984, alors que l’objet a été massivement rejeté nationalement, et que cette même commune refuse le même sujet en 2002, quand le pays l’accepte majoritairement.
Deuxièmement, la section “Habitudes de vote” donne accès à une carte dynamique des tendances communales sur les 34 dernières années. La projection est obtenue automatiquement et permet de représenter les 2500 communes et leurs résultats aux 275 votations fédérales dans un espace à deux dimensions plus facilement concevable. Les axes représentent des dimensions abstraites qu’il est difficile d’interpréter. Néanmoins, ils capturent bien les sujets et tendances qui ont divisé le plus les communes. En effet, on remarque que les grandes villes (Zürich, Berne, Bâle, Genève et Lausanne) se trouvent chacune en haut de leur groupe et plutôt dans la partie supérieure droite du graphique. À l’exact opposé, en bas à gauche, on retrouve plusieurs communes du canton de Schwytz, en pleine campagne.
Un menu permet d’afficher différentes manières de catégoriser les communes: par altitude, par densité de population, par catégorie d’âge, proportion d’étrangers, partis politiques, etc. Appréciez, par exemple, la commune de Sankt Martin, dans les Grisons qui vote à 100% pour l’Union démocratique du centre (certes, elle ne compte que 37 habitants…). En affichant la densité de population, on distingue clairement des sous-groupes dans les ensembles linguistiques. Les communes denses, pas nécessairement citadines, votent en général comme les grandes villes. Le même constat peut s’établir pour les communes romandes ayant une forte proportion d’étrangers, alors que ce n’est pas le cas du côté suisse alémanique.
Quelle suite ?
Nous travaillons activement sur le projet et le meilleur reste à venir ! Très prochainement, il sera possible d’accéder à une page de profil des communes afin d’obtenir plus de détails sur celles-ci. Par exemple, vous pourrez suivre l’évolution de la tendance politique de votre commune au cours du temps et la comparer avec vos voisins. Il sera possible de savoir quelles sont les cinq communes qui votent le plus comme la vôtre ou le plus à l’opposé. Nous incorporerons aussi les résultats cantonaux depuis 1848. Par ailleurs, de nouveaux modèles de prédiction plus précis et plus robustes sont en train d’être développés en laboratoire. Une fois établis, nous serons alors en mesure de prédire les résultats des votations, tant au niveau fédéral que communal. N’hésitez pas à vous inscrire à notre newsletter pour rester au courant des prochains avancements.
Rendez-vous dès à présent sur www.predikon.ch !
Predikon sera en démonstration à l’EPFL le samedi 22 novembre 2014 lors de la Journée Portes Ouvertes de la section Informatique et Communications.
Références
1 Vincent Etter, Julien Herzen, Matthias Grossglauser, Patrick Thiran. Mining Democracy. Proceedings of the second ACM Conference on Online Social Networks (COSN’14), 2014.
2 Analyse en composantes principales, http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_en_composantes_principales.
3 SmartVote, http://www.smartvote.ch.
4 Victor Kristof, Prediction of Swiss Vote Results, Semester Project, EPFL, 2014.
5 Predikon, http://www.predikon.ch.
Laisser un commentaire
Soyez le premier à laisser un commentaire