L'encrier Le 14 janvier 2017

Quand hécatombe, on se relève! Un hymne à l’art

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Quand hécatombe, on se relève! Un hymne à l’art

Alan Rickman a rejoint son alter ego Severus Rogue en 2016. [Fer Martin – Flick]

Quel est le point commun entre Burki, Mix & Remix, Alan Rickman, Michel Galabru, David Bowie, Prince, Léonard Cohen, Silvana Pampiani, Harper Lee et Umberto Eco ? Le chiffre 2016, qui sera inscrit sur leur tombe à côté de leur année de naissance respective. Cette année peut se résumer en un mot : hécatombe.

Est-ce que toutes ces personnes, que l’on nomme communément « célébrités », se sont concertées avant de devenir contemporains mortuaires ? Ou les Trois Parques se sont-elles amusées à nous endeuiller en coupant en même temps les fils de toutes ces personnes qui ont marqué le cours de l’histoire de la culture ? Overdoses, cancers, attaques, maladies du cœur ou de la tête … N’est-ce pas avant tout la société qui est malade ? Elle souffre de sécheresse du cœur et d’avarice, d’une compétition lépreuse et d’une concurrence essoufflée, qui alimentent la haine sous-jacente, secrète et vicieuse…

Auraient-ils abdiqué ? En voyant le groupe Etat islamique prendre sa revanche et Trump monter au pouvoir, se seraient-ils dit : « Oh non, ce n’est plus de mon âge, je n’en peux plus » ? Ou tout cela ne serait qu’un drôle de hasard, ou de coup monté derrière un joli décor à la Truman Show dans lequel nous vivons en se disant sottement « elle est pas belle la vie » ? Vous me direz : « Ils étaient vieux ! Elles étaient vieilles ! Et chaque année, des gens meurent ! » Peut-être n’est-ce là simplement le signe que la vie qui poursuit son cours…

Quoi qu’il en soit, nous nous trouvons dépourvu-e-s de points d’importants repères qui ont forgé toute une génération fervente de culture à multiples facettes, dispersée ici ou là par les médias et Internet, par les radios et par la force d’impression qui immortalise l’expression, défiant la mortalité humaine. Bien sûr, je ne blâme pas la mort de continuer joyeusement son chemin, cahin-caha, qu’elle poursuivra main dans la main avec la vie pour quelques éternités encore. Cependant, avait-elle besoin de nous rendre orphelins d’une manière si brutale, alors que dehors, les bombes explosent, les innocents meurent, les anonymes s’éteignent en vain, la haine et l’injustice prolifèrent, tandis qu’à l’intérieur de nous se reflète un insatiable manque de beauté et de confiance ?

Il y a comme un creux trop grand et trop soudain dans l’histoire de l’humanité. La multitude de petits fils désormais coupés pendouillent au-dessus d’un silence béant. L’histoire de l’art s’est résignée non sans mal à faire le deuil de l’auteur de L’Histoire de la Beauté et de la Laideur. Les fans d’Harry Potter se sont vêtus de noir pour encore longtemps afin d’enclencher le processus qui leur fera accepter qu’Alan Rickman est allé rejoindre son alter ego Severus Rogue. C’est l’humour et la culture du dessin de presse suisse romand tout entier qui vont changer. Et aucune machine n’a encore été inventée pour les ramener à la vie. Difficile à croire.

Alors, qu’est-ce qu’il en reste ? Des discs, des images, des photos, des pellicules à visionner en boucle, une empreinte encore vive dans la mémoire collective et, je le souhaite, une nouvelle génération d’artistes. Si de telles figures qui ont marqué leur temps, fait changer les choses à leur manière et construit leur génération ne sont plus, peut-on dire que c’est la fin d’une époque ? Qu’en est-il de la suite ? Du présent ? Et de l’avenir ? Qui est là pour l’imaginer, le peindre, l’écrire, le suggérer ? Qui va prendre la relève ? Parmi nous, quelle plume osera dessiner l’avenir social en décadence, reproduire la satire mondaine, se moquer de l’absurde comme l’a fait l’oiseau sur lequel il ne fallait pas tirer ? Qui osera monter des spectacles pour en rire ou créer un album tellement innovateur qu’il influencera l’évolution de la musique et inspirera des décennies de musicien-ne-s ? Alors que nous sommes en train de prendre un tournant historique qui donne la nausée, qu’allons-nous faire sans ces modèles ?

Continuer, bien sûr. Restent celles et ceux qui ne leur ont pas encore emboîté le pas, celles et ceux qui ne se sont pas encore réveillé-e-s, et les plus inspiré-e-s qui sont en chemin depuis longtemps. N’est-il pas venu le temps de suivre le mouvement et de se jeter corps et âme dans un changement drastique ? De renverser, de prendre des risques, de se lever et de cri/éer à son tour ? Qui est déjà en train de le faire ?

Dans ce cas, je crois que l’on devrait crier plus fort et créer avec plus d’intensité ! Envers et contre tout, rassemblons nos atouts pour poser les fondements d’une nouvelle société jeune et prospère, qui dessine un nouvel idéal à suivre, s’inspire de feues ces sources immortelles, s’engage dans un réel le combat par la force de la plume et du verbe, en tendant vers la beauté et la toute puissance des arts. Les derniers événements nous démontrent que l’avenir va bouger, qu’il va falloir sortir de la zone de confort et apprendre à vivre autrement. Alors honorons le génie des défunt-e-s en suivant leur sillon – ils ne seront ni les premiers, ni les derniers à disparaître –, en continuant le travail qu’ils ont commencé à effectuer pour améliorer nos conditions de vie et l’humanité. Parce qu’à mes yeux, il n’y a qu’un seul chemin vers la guérison et la réparation des graves erreurs que nous avons commises : l’amour et l’art.

J’invite donc avec le cœur tou-te-s les artistes à se lever, à sortir de l’ombre, à publier sous toutes les formes, à sortir du placard pour placarder dans les rues les nouveaux messages qui serviront à notre génération et aux suivantes. Le monde va mal, tout le monde connaît par cœur ce refrain sempiternel qui n’empêche personne de rester avachi sur son canapé. Il est temps de changer les choses, à commencer par soi-même, en osant créer ce qui nous fait du bien, à commencer par des petites choses, et à les transmettre. Nous devons tout tenter pour remplacer les piliers disparus. Le virage qu’est en train de prendre l’humanité est tel qu’il va falloir s’accrocher.

Nous avons besoin de modèles neufs, de nouvelles sources d’inspiration, de nouveaux icônes chargés de sens et de vérité. Les événements que nous sommes en train de traverser sont assez importants pour les écrire, les exprimer sous toutes les manières possibles et nous avons besoin de points de repères pour atténuer le vacillement. Continuons de créer, d’exprimer, de matérialiser à l’extérieur des idées, des innovations, des concepts, des témoignages d’expériences qui peuvent permettre aux autres de s’inspirer, d’avancer et de grandir. C’est ainsi que nous avons le pouvoir de changer les choses. Le monde continuera certes de tourner comme si de rien n’était. En revanche, nous, nous avons le devoir d’aller de l’avant pour le meilleur et pour le pire, tout en gardant en tête qu’avant de détruire, l’être humain est fait pour créer et, oui, avant tout, déceler, révéler, insuffler et créer la beauté, comme les disparu-e-s de l’an 2016 ont su le faire avant et pour nous.

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