Économie Le 26 juin 2013

Quand les économistes enfoncent une porte ouverte à contresens

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Quand les économistes enfoncent une porte ouverte à contresens

« Pour créer des emplois, il faut de la croissance ». Par la force de l’habitude, on finit par considérer comme vérité d’évidence cette phrase dont la plupart des économistes se gargarisent quotidiennement. On la répète dans les salons pour montrer qu’on est à la page. Il est d’ailleurs probable que les statistiques en démontrent, dans la plupart des cas, l’exactitude : lorsqu’il y a croissance économique, il y a en principe moins de chômage.

Lorsqu’on observe que deux phénomènes sont liés, il convient de se demander lequel est la cause de l’autre. Par exemple, on peut démontrer statistiquement que lorsqu’il fait chaud il y a du soleil, mais personne ne pense que le soleil est la conséquence du chaud. De même, il paraît logique de considérer que le travail sert à produire des richesses, plutôt que l’inverse. Il paraît peu sensé de dire « la chute de l’arbre a causé son abattage par le bûcheron ». Rares sont les ouvriers qui vous diront : « j’ai décidé de gagner plus d’argent pour pouvoir travailler plus ».

Pourquoi donc tant d’économistes inversent-ils cette logique évidente ? Pourquoi ne disent-ils presque jamais, tout bêtement, que « pour créer de la croissance, il faut des emplois » ? Pourquoi enfoncent-ils la porte ouverte à contresens ? On aurait tort de simplement rigoler de ce raisonnement tête-en-bas et de cette attitude si répandue consistant à être obscur pour faire croire qu’on est intelligent, car en l’occurrence nous avons affaire à un véritable programme politique. Rappelons que lorsqu’on calcule la croissance, la fabrication d’armes vaut plus que la paix dans le monde, les ventes de médicaments valent plus que la santé et tout travail, aussi absurde et pénible qu’il soit, vaut plus que le temps libre. En affirmant qu’il faut de la croissance pour créer des emplois et en sous-entendant, évidemment, qu’il faut des emplois pour vivre, on diffuse l’idée selon laquelle toute activité marchande, aussi inutile ou nuisible qu’elle soit, est indispensable à la prospérité générale.

En revanche, lorsqu’on raisonne dans le sens normal, en considérant tout bêtement que le travail sert à produire des biens et des services, on peut non seulement faire la critique des activités inutiles, mais on arrive assez naturellement à l’idée qu’à partir d’un certain niveau de richesse, et à condition que celle-ci soit bien distribuée, il devient de moins en moins nécessaire que l’ensemble de la population exerce une activité rémunérée.

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