International Le 15 mai 2015

Tout stagiaire mérite salaire

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Tout stagiaire mérite salaire

La manifestation du 1er mai, à Genève. © PYII 2015

Tout stagiaire mérite salaire

Alors que le défilé pluvieux du 1er mai s’achève et que la brume se disperse, à l’instar des courageux qui avaient osé sortir dans la rue pour braver les éléments, tout reste à faire pour les jeunes réunis sous la bannière « Pay your interns »1. En effet, cette initiative lancée en 2013 et relayée sur Jet d’Encre par Aline Benoit à cette occasion, n’en est pas à son coup d’essai. Il faut dire que depuis lors, les choses n’ont guère évolué à Genève. Retour sur les faits et les revendications de ce mouvement.

 

Un message on ne peut plus clair…

« Payez vos stagiaires » est un mouvement de stagiaires, d’étudiants et de jeunes professionnels, qui dénonce la réalité discriminatoire des stages non-rémunérés à Genève et plus particulièrement dans le système des Nations unies et d’autres organisations internationales. Bien qu’étant un phénomène international, la mobilisation contre l’exploitation des stagiaires revêt un caractère particulier dans la Cité de Calvin, tant le coût de la vie y est élevé. En effet, suite à l’envolée récente du franc suisse face à l’euro, le rapport « Worldwide Cost of Living 2015 »2 estime qu’aujourd’hui Zurich et Genève sont les villes les plus chères au monde. Dans ce contexte, il semble donc qu’il soit plutôt question de survie pour les stagiaires qui, plus que jamais, revendiquent leur rémunération.

Malgré tout, et en dépit de cette réalité glacée, le constat est pour le moins affligeant ; toujours la même rengaine dans la bouche des ressources humaines onusiennes qui soulignent la chance et le privilège que représente un tel stage. Avec pour seul salaire, une ligne comme gravée dans la roche sur un curriculum vitae devenu béton. La promesse de jours meilleurs. Veni, vidi… vidi 3.

Cependant, cette pratique est en contradiction avec un des principes fondateurs des Nations unies, à savoir le droit à un travail décent et à la promotion de l’égalité des chances. Il est en effet écrit noir sur blanc, dans l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme4 : « Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal », ou encore « quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante […] ». Cette participation symbolique à la marche du 1er mai avait donc pour but de rappeler ces principes à qui veut bien l’entendre.

 

… dans l’oreille d’un sourd

La passion n’allait pas naître au Palais des Nations. En effet, à ce jour aucune réaction n’a été constatée de la part de l’ONU ou d’autres organisations, ce qui était prévisible. En revanche, la médiatisation de l’événement n’est pas restée vaine. Le comité de Pay Your Interns Initative (PYII) a été contacté récemment par une ONG locale, Evaluation Capacity Development Group, qui va prochainement soumettre à l’Agence suisse pour le développement et la coopération (SDC) une sollicitation de financement d’un projet dénommé « International Internship Programme ». Selon l’organisation, ce programme pourrait servir de modèle pour démontrer la valeur du développement de stages payés dans des agences onusiennes.

La situation n’est toutefois heureusement pas totalement désespérée. Le Bureau international du travail (BIT), seule organisation tripartite des Nations unies, montre l’exemple en rémunérant ses stagiaires à hauteur de quelque 1900 francs par mois. Ce montant est certes insuffisant pour vivre correctement à Genève, mais est néanmoins généreux en comparaison d’autres organisations, et incarne surtout un modèle à suivre ! Les plus cyniques ne manqueront sûrement pas de souligner que pour une organisation défendant les droits des travailleurs, il ne saurait en être autrement. Cela reste en tous les cas non-négligeable, puisque l’organisation ne se soumet pas à la tendance qui tend à généraliser les stages de bénévolontariat5. Au final, il n’est pas seulement question de rémunération, mais aussi et surtout d’égalité des chances face à un système discriminant qui profite largement des nouveaux diplômés, très demandeurs de ce genre de stages.

Si les idées semblent faire leur chemin, il apparaît clairement une impasse au niveau juridique. L’ONU n’étant pas soumise au droit suisse, cela empêcherait donc toute volonté politique, si elle existait, de faire pression en faveur des stagiaires. Pour cette raison, les membres du mouvement PYII préfèrent inscrire leur action dans la durée afin d’attirer l’attention des représentants des ressources humaines des agences onusiennes et de réunir d’autres associations derrière lui.

Un appel a été lancé à tous les sympathisants : rendez-vous le 19 mai à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) pour une assemblée générale dont l’ordre du jour prévoit une discussion constructive sur les actions à venir. Affaire à suivre…

 


1 « Payez vos stagiaires ».

2 « Coût de la vie dans le monde 2015 », rapport publié par The Economist Intelligence Unit.

3 Du latin : « Je suis venu, j’ai vu…et j’ai vu ».

4 Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

5 Interprétation laissée libre au lecteur.

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