
Jet d’Encre précise que l’ordre des publications relatives à l’initiative 1 :12 – signées par Véronique Kämpfen et Benoit Gaillard – est simplement régi par l’ordre de réception des deux articles. Aucun des deux auteurs n’a eu accès à l’article de l’autre avant leur publication.
Article contradicteur de Benoit Gaillard : https://www.jetdencre.ch/?p=5197
Faut-il avoir honte d’être riche? À en croire l’initiative «1 :12 – pour des salaires équitables», la réponse pourrait être oui. Selon les jeunes socialistes suisses, auteurs de l’initiative, la richesse est un état qu’il vaut la peine de combattre. Comme le précisent les initiants sur leur site, «personne ne doit gagner moins en un an que ce qu’un manager dans la même entreprise gagne en un mois.»
L’idée est donc de plafonner les salaires dans une même entreprise à douze fois le plus bas salaire. Si on imagine, par exemple, que le plus bas salaire est de 4’000 francs par mois, alors le salaire le plus haut serait de 48’000 francs.
Mais au nom de quoi faudrait-il limiter les salaires? «Ainsi, les cadres ne pourront s’enrichir toujours plus tandis que stagnent les salaires de toutes les autres travailleuses et de tous les autres travailleurs», écrivent les jeunes socialistes. Ils imaginent en outre une redistribution de la part rognée des hauts salaires sur les plus bas. Mais cette redistribution n’aura pas lieu. Ce n’est pas parce que vous baissez les salaires du top management que les employés en bas de l’échelle vont gagner plus. En revanche, l’État, et donc la collectivité, sortiront perdants de cette limitation. Pourquoi? Parce que les hauts revenus contribuent massivement aux impôts. Ainsi, 10% des personnes gagnant les plus hauts salaires contribuent à 77% de l’impôt fédéral direct et, à Genève, 0,8% des contribuables les plus fortunés (ceux dont le revenu dépasse 500’000.- francs par an) alimentent à eux seuls 20% du produit de la fiscalité sur les personnes physiques. Cette participation extrêmement forte des personnes à hauts revenus est due à la progressivité de l’impôt. En fait, le législateur a d’emblée voulu corriger ainsi une certaine inégalité des revenus, permettant aux plus faibles revenus de ne quasiment pas participer à l’effort collectif (à Genève, près de 30% de la population ne paie pas du tout d’impôts), grâce à une contribution massive des plus hauts revenus. Sans ces derniers, le niveau social que nous connaissons en Suisse serait remis en cause. Pour faire face à la baisse des rentrées fiscales, il faudrait augmenter les impôts de la classe moyenne et des bas revenus, qui peinent déjà à boucler leurs fins de mois. Cela ne saurait être une évolution positive.
Il en va de même pour les assurances sociales. On ignore encore trop souvent que tout le monde touche la même rente AVS, plafonnée à 2’340.- francs par mois pour une personne seule, alors que les cotisations ne sont pas plafonnées, elles sont de 5,15% pour tout le monde. Ce qui signifie que quelqu’un qui gagne 500’000 francs par année paiera 25’700.- à l’AVS par an (et son employeur la même somme, les cotisations étant paritaires) et que celui qui gagne 48’000.- francs en paiera 2’472.-. Ce qui faisait dire à l’un des pères – socialiste – de l’AVS, Hans-Peter Tschudi, «les riches n’ont pas besoin de l’AVS, mais l’AVS a besoin des riches». Sans l’apport des assurés aisés, qui cotisent énormément et qui touchent la même rente que tout le monde, l’AVS se porterait fort mal.
Il est en outre intéressant de constater qu’il n’y a que peu d’entreprises qui seraient touchées par l’initiative. L’économie suisse est composée à 99,6% de PME et seules quelques 1200 entreprises sont en fait concernées par ce texte. Mais alors pourquoi les petites entreprises s’y opposent-elles aussi? Tout simplement parce que c’est une ingérence de l’État dans leurs affaires, ce qui empêche la flexibilité nécessaire à la bonne marche de leurs affaires. Les pays où l’État réglemente trop sont des États où l’économie va mal, où l’innovation et la compétitivité sont en berne et où le chômage atteint des niveaux extrêmement préoccupants.
Les jeunes socialistes en veulent globalement à la libre entreprise, comme ils l’expliquent sur leur site: «Nous refusons un système économique qui apporte à une minorité une richesse infinie tandis qu’il met au chômage des milliards de gens». L’argument laisse songeur quand on sait que sans entreprise, il n’y a pas d’emploi. Et que c’est justement grâce à la création d’emplois par les entreprises qu’il est possible de combattre le chômage.
L’initiative 1 :12 n’aura pas d’influence positive sur les bas salaires. Oui, elle aura une incidence sur les hauts salaires, mais au prix de sacrifices impensables au niveau des impôts et des assurances sociales, ce qui pèsera surtout sur les personnes à bas revenus. Le jeu en vaut-il la chandelle? Non, bien sûr.
Film de « 1 :12, la fausse bonne idée ». Plus de 130’000 vues sur Youtube ce qui représente un record pour un film politique suisse.
Sketch humoristique de l’émission 120 secondes, diffusée sur Couleur 3 et présentée par Vincent Kucholl et Vincent Veillon, intitulé « L’initiative 1 :12 – la parole à un partisan ».
Alors là, je suis tout à fait d'accord. Les dirigeants d'entreprise devraient avoir honte de leur fortune. Ce sont les…