Politique Le 8 avril 2014

Yann Koby

Par Yann Koby

EELV : quand l’idéologie prend le pas sur le pragmatisme

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EELV : quand l’idéologie prend le pas sur le pragmatisme

Slogan d’EELV, modifié par mes soins.

Cela aurait pu être une mauvaise blague de 1er avril, mais non : ce même jour, le bureau exécutif d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) a refusé de rester sous les ordres du soi-disant-trop-à-droite Manuel Valls. Encore un autre feuilleton politico-politique typiquement français, dira-t-on (j’en suis particulièrement friand). Mais si je m’y intéresse dans cet écrit, c’est parce qu’à mon avis, ce cas démontre que faire primer l’idéologie sur le pragmatisme peut vraiment avoir des conséquences fâcheuses. Le réchauffement climatique, lui, n’attendra pas que les partis écologiques satisfassent leurs envies utopiques. Analyse et retour sur les événements.

Le dimanche 30 mars, c’en est trop : la claque prise par la gauche aux élections municipales françaises est tout simplement historique, avec plus de 150 villes de plus de 10’000 habitants qui basculent à droite1. Une réaction est nécessaire, et faute de meilleures options2, Hollande est forcé de sortir le poussif Ayrault pour faire entrer en jeu l’attaquant Manuel Valls au poste de Premier ministre. Ce choix divise et les réactions de la gauche de la gauche ne se font pas attendre : Hollande n’aurait pas compris le vote-sanction des Français, et plutôt que changer de cap, préfèrerait persister et signer avec un Valls plus libéral que socialiste3. Personnellement, je n’adhère en aucun cas à cette analyse – premièrement, Hollande n’avait franchement pas d’alternatives crédibles, et deuxièmement, les Français n’avaient certainement pas envie d’un gouvernement encore plus à gauche – mais ce débat ne nous intéressera pas ici.

Parmi les mécontents, deux ministres EELV se distinguent : Pascal Canfin et Cécile Duflot, en charge respectivement du Développement et de l’Écologie. Cette dernière déclare que « le président a fait le choix de changer la forme plutôt que le fond »4, et tous deux refusent de participer au futur gouvernement Valls. Les choses s’enchaînent rapidement puisque, quelques jours plus tard, la secrétaire générale d’EELV Emmanuelle Cosse annonce que son parti ne participera finalement pas du tout5, car « les conditions en l’état ne sont pas réunies »6. Je vous laisse analyser par vous-mêmes l’analyse offerte par la secrétaire générale d’EELV :

« Au-delà de ce que Manuel Valls a pu nous proposer, il y a une inquiétude très forte sur la volonté de François Hollande de faire bouger sa ligne après le signal envoyé par les Français dimanche dernier. Les gens sont très interrogatifs sur la réponse au désenchantement de la gauche par la nomination de Manuel Valls. Tous ceux qui veulent le changement sont sceptiques de par ses positions passées, et on ne peut balayer d’un revers de la main les positions de Cécile Duflot et de Pascal Canfin. »7

En plus de l’absence d’arguments de fond, on décèle facilement dans son discours la volonté d’exagérer les sentiments soi-disant ressentis par les Français. Observez, notamment, l’usage de l’adjectif très dans « inquiétude très forte » et « les gens sont très interrogatifs », ainsi que tous dans « tous ceux qui veulent le changement sont sceptiques ». Ces hyperboles ne font que refléter l’absence d’argumentation tangible dans ce paragraphe précis. Surtout, elles démontrent que l’idéologie, et non la raison, se trouve dans cette décision : seul le mépris de Valls et sa social-démocratie libérale, et non un quelconque message des Français, est derrière le refus d’EELV.

Pourtant, les conditions offertes par Valls (qui, rappelons-le, est quand même membre du Parti socialiste) sont tout simplement les plus intéressantes qu’EELV et son prédécesseur Les Verts n’aient jamais vues depuis le début de leur création dans les années 19808. Le Premier ministre leur offre ce dont un parti d’écologie politique ne pouvait que rêver : un gigantesque ministère de l’Écologie, incluant rien de moins que l’énergie, les transports, et le logement. Valls ajoute à cela quelques retraits sur le nucléaire, une remise en cause de Notre-Dame-des-Landes (Nantes) et, plus important pour EELV, propose de revoir les règles sur la proportionnelle – qui désavantagent grandement les petits partis comme EELV. Franchement, comment et au nom de quoi EELV a-t-il pu refuser un tel portfolio ? « Nous sommes un parti de gouvernement », déclare la secrétaire générale après les faits9. Difficile d’y croire. Le député EELV François-Michel Lambert place les bons mots :

«Cela fait vingt-deux ans que je suis en politique avec l’espoir de changer la politique environnementale de ce pays et le jour où on nous propose un ministère de l’environnement élargi avec l’énergie et la possibilité de conduire la transition énergétique, notre parti dit non. Certains pensent sûrement que dans six mois on viendra nous chercher, mais combien de partis indispensables sont dans les cimetières des partis ? »10

Je ne peux que souscrire à cette analyse sensible. Le changement réclame des actes, de la persévérance, du compromis, du travail, des sacrifices. EELV a préféré terminer son engagement, forcer le PS à recycler Ségolène Royal, participer au lynchage du gouvernement Valls – pavant la voie à la droite pour les futures sénatoriales – et risquer de ne plus revoir le gouvernement avant quelques lustres. Tout cela, au nom de l’idéologie, parce que oui, les Français veulent « la relance par la demande, la fin de la finance, et de la spéculation, et la remise en cause du capitalisme, ah et aussi la décroissance, etc. ». Alors du coup, au diable l’écologie politique, on repart comme en ’68. Ironiquement, voilà un comportement synonyme de la société de consommation actuelle : plutôt que le travail, le sacrifice, on veut tout, tout de suite, sans compromis.

Il n’y a rien de comique dans cette situation. Le changement climatique ne fait douter que les « journalistes » de Fox News et autres stupides médias conservateurs américains, et il réclame une action qui doit commencer maintenant. Il est franchement temps pour les partis écologistes européens de prendre exemple sur leurs homologues suédois et allemands, laisser les costumes révolutionnaires pour un moment et prendre part dans une véritable action gouvernementale pour sauver l’environnement, surtout lorsque l’occasion du siècle se présente.

Je vous laisse pour conclusion la colère du député EELV François-Michel Lambert : « À un moment donné, moi j’ai l’impression que ça relève presque de la psychiatrie, quitte à me faire des ennemis dans mon parti »11. Quand on apprend que 86% des sympathisants EELV étaient contre la sortie du parti au gouvernement, on ne lui donnera pas tort.


6 Ibid.

Commentaires

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Quentin

Quand les écologistes auront compris que l'écologie ne peut réussir que par la droite alors la planète sera sauvée. Les…

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chente fou

voilá l'ecologie c'est important pour chaque pays du monde

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Quentin

Quand les écologistes auront compris que l’écologie ne peut réussir que par la droite alors la planète sera sauvée. Les partis de droites suisses ont fait bien plus pour l’environnement en 20 ans que tout ce qu’à fait la gauche bobo-écolo en plus de 40 ans …

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chente fou

voilá l’ecologie c’est important pour chaque pays du monde

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