Économie Le 21 juillet 2014

Initiative populaire « Monnaie pleine » pour une économie au service du peuple

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Initiative populaire « Monnaie pleine » pour une économie au service du peuple

Une initiative révolutionnaire pour un enjeu révolutionnaire : remettre l’économie au service du peuple. De quelle manière me direz-vous ? C’est très simple, en reprenant le pouvoir d’émettre de la monnaie. Nous ne parlons pas ici de la monnaie réelle sous forme de billets que vous utilisez tous les jours, mais de la monnaie scripturale (« électronique ») qui incarne la véritable force de l’économie aujourd’hui puisqu’elle représente pas moins de 90% de l’argent en circulation dans notre pays.

Le peuple suisse avait déjà eu en 1891 la lucidité de remettre le contrôle et le droit de création monétaire à la Banque nationale suisse (BNS). Toutefois, ce droit se limitait à la création monétaire de pièces et de billets. À cette époque, selon un tableau statistique de l’évolution de la monnaie scripturale1 en France2 que j’ai transposé à la Suisse, il semblerait que la proportion de monnaie scripturale représentait moins du tiers de l’économie. On comprend mieux pourquoi le peuple suisse a limité cette initiative à la création de billets et de pièces. En effet, la force de l’économie se trouvait dans la monnaie réelle et non dans la monnaie scripturale qui ne représentait que peu économiquement (en plus du fait que les billets et pièces étaient créés de façon incontrôlée par les banquiers privés3). Le peuple n’a pas pu voir le danger qui se profilera plus d’un siècle plus tard.

Le scandale aujourd’hui est que les bénéfices des prêts des banques commerciales aux particuliers et aux entreprises leur reviennent intégralement. Pire encore, l’argent qu’elles prêtent n’est même pas en leur possession. Elles ont le pouvoir de créer de l’argent électroniquement, elles le prêtent et récoltent les bénéfices et les intérêts de l’argent que vont produire les acteurs de l’économie (entreprises, particuliers, etc.). Les banques commerciales sont donc au sommet du parasitage de notre économie en spoliant les ressources réelles des acteurs de l’économie à partir d’argent fictif.

Nous nous retrouvons, en effet, en ce début de 21ème siècle, face à une grave crise économique qui traverse tout le monde développé, en particulier l’Europe et les États-Unis. On peut notamment l’expliquer par le trop grand pouvoir donné aux banques commerciales et leurs capacités quasi infinies à créer de l’argent qu’elles n’ont même pas, surtout dans le but de faire de la spéculation et jouer sur les marchés financiers. Les choses sont ensuite très simples, ces boursicotages forment des bulles spéculatives qui ne tardent pas à éclater et dont le peuple est, comme d’habitude, la principale victime.

C’est exactement ce qu’il s’est passé avec UBS en 2008 qui a investi de façon indécente dans les marchés financiers et a pu spéculer démesurément grâce au pouvoir de création scripturale qui lui a été donné. En conséquence, le peuple suisse, par le biais de la Confédération, a renfloué l’UBS de près de 54 milliards4. Toujours cette même méthode éprouvée déjà par Jean Ziegler dans plusieurs de ses livres dont « Les nouveaux maîtres du monde » et « La haine de l’Occident » : « privatiser les bénéfices et nationaliser les déficits ». Dans le cas de l’UBS, par chance, la banque a pu rembourser son dû à la Confédération avec un bénéfice de 7 milliards. Toutefois, rien ne nous permet d’affirmer que dans l’avenir nous pourrons sauver des banques en en tirant en plus un bénéfice.

Mais en réalité comment leur en vouloir ? Ils n’ont fait que suivre la règle des croyants du Capital et de la Main invisible : faire du bénéfice à tout prix ! C’est donc bien à l’État et au peuple suisse de limiter le pouvoir des banques en reprenant le contrôle de leur économie. Bien que nous soyons un îlot de prospérité (croissance de 2% en 20135) au milieu d’une Europe en crise (croissance de 0,1% en 20136), il ne faut pas prendre ce problème à la légère. Si notre pays marche aussi bien (comparativement à la France par exemple) c’est que nos représentants ont bien compris l’importance de se prémunir face à toutes les éventualités des crises à venir. Nous devons penser à l’avenir avant tout et reprendre le pouvoir de l’économie qui représente tout à notre époque de marché. Nathan M. Rothschild (1777-1836), premier fils descendant du fondateur de la plus grande dynastie de banquiers au monde, et vivant à l’époque charnière du passage de l’économie féodale à l’économie de marché, avait bien compris l’importance du contrôle de la monnaie quand il écrivait : « Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je me moque de qui fait ses lois »7. La situation de la majorité des pays endettés de la zone euro est celle-ci: des pays soumis à des banquiers avides par leur mainmise sur l’économie des nations et qui se moquent des lois8.

Le but de l’initiative « Monnaie pleine » (« Vollgeld ») est de se prémunir face à l’avidité de ces directeurs de banque et face aux crises économiques à venir en redonnant au peuple suisse le pouvoir de son économie et en créant une économie au service du peuple et non au bénéfice d’une minorité. Devenons un exemple pour l’Europe et le Monde !

 

 


Pour en savoir plus sur l’initiative, vous pouvez vous rendre sur le site

http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/

Et deux articles de trois ans d’âge qui expliquent bien le pouvoir monétaire comme quatrième pouvoir à côté des trois traditionnels (législatif, exécutif et judiciaire) :

http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=3008

http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=2915

Lire le livre d’Alain SORAL « Comprendre l’Empire » sorti en 2011 aux éditions Blanche qui traite en grande partie du sujet de la création monétaire scripturale des banques commerciales à partir de presque rien.

[1] Monnaie scripturale : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_scripturale

[2]http://www.lyc-arsonval-brive.ac-limoges.fr/jp-simonnet/spip.php?article13

[3] Voir le site de l’initiative pour plus d’information sur l’histoire de l’initiative de 1891 : http://www.vollgeld.ch/fr/

[4]http://fr.wikipedia.org/wiki/UBS#Crise_des_subprimes

[5]http://www.letemps.ch/Page/Uuid/d9f47ee8-9f7c-11e3-aeb3-dab5266b88a2/Ralentissement_de_la_croissance_suisse_fin_2013

[6]http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&plugin=1&language=fr&pcode=tec00115

[7] Quatrième de couverture de MULLINS Eustace, « Les secrets de la Réserve Fédérale », Paris, Le retour aux sources, 2010

[8] Un article sur l’aide qu’à apporter Goldmann Sachs pour aider à la Grèce à dissimuler sa dette : http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/goldman-sachs-aurait-aide-la-grece-a-dissimuler-sa-dette_1335583.html

Commentaires

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Meeaad

Merci pour ce commentaire très instructif. Le but de cet article est de permettre à l'initiative de passer et qu'ainsi…

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Capelle

Bonjour, Merci beaucoup de relayer cette proposition, qui a le mérite d'être - dans le contexte économique et idéologique actuel…

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Meeaad

Merci pour ce commentaire très instructif. Le but de cet article est de permettre à l’initiative de passer et qu’ainsi un débat puisse se former en Suisse autour de cette question. Je ne suis pas un spécialiste de la question, la plupart des idées de l’article sont issues des idées des partisans de l’initiative, j’ai rajouté quelques petites touches personnelles. Le débat doit s’ouvrir et il faut que le peuple puisse être informé de la manière dont l’économie, la principale discipline de notre époque de marché, fonctionne et comment l’argent est créé et comment il est utilisé. Allez à bientôt !

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Capelle

Bonjour,
Merci beaucoup de relayer cette proposition, qui a le mérite d’être – dans le contexte économique et idéologique actuel – « extrême ». Les propositions extrêmes poussent à remettre en cause les certitude, à générer de nouvelles idées et à susciter le débat.

Romain Rancière – professeur à l’Ecole d’Economie de Paris – avait d’ailleurs rédigé une colonne à ce propos dans Libération il y a trois ans intitulée « Ne laissons plus les banques battre monnaie ».

De manière à remettre en perspective cette proposition – qui n’a rien de neuve à l’échelle de l’histoire de la monnaie – je m’appuierai sur Galbraith – cf « L’argent » – pour mentionner le fait stylisé suivant: l’histoire de la monnaie est rythmée par des cycles de liberté de création et de réglementation. Après une période de relatif calme, les hommes oublient les crises passées et libèrent la création monétaire. A l’inverse, après les excès, des crises financières, des périodes de haute inflation, les hommes créent de nouvelles règles pour réguler le crédit. Bâle III, et cette proposition s’inscrivent ainsi dans un mouvement de rerégulation.

Venons-en à la proposition faite par cet article. Elle est la suivante: les banques ne doivent plus avoir le droit de créer de nouveaux moyens de paiement. Première question: faut-il nationaliser les banques privées (et laisser – comme dans les années 1950-60-70 en France – la puissance publique seule directrice de l’allocation du crédit) ? faut-il fixer la quantité de monnaie? Car ce sont deux questions très différentes. Je les présenterai donc successivement.

Faut-il nationaliser les banques privées? La réponse à cette question rejoint directement l’article très bien informé de Yann Koby sur Jet d’Encre « De la privatisation des services publics ». En nationalisant et en mettant fin à la concurrence, on perd certaines incitations qui améliorent le bien-être du plus grand nombre (baisse des coûts du crédit, de transactions,gain de productivité). Mais en nationalisant, l’Etat reprend le contrôle de l’allocation du crédit (qu’il n’a cependant pas totalement perdu via les banques publiques d’investissement pour le cas français) et peut diriger le financement de l’économie ce qui engendre une amélioration du bien-être si l’Etat est mieux informé que le privé pour savoir où sont les investissements de demain. Mais l’Etat est-il mieux informé? Cette question est sans aucun doute LA question cruciale (pour un prochain article?). Enfin, concernant les profits « indécents » que les banques font à partir des marges sur les crédits, nationaliser n’est pas la solution à ce problème. Si les profits sont « indécents » et si certaines activités sont jugées immorales parce que prédatrices et/ou génèrent des revenus manifestement déconnectés de leur contribution pour la société, réfléchissons à la manière d’améliorer la concurrence sur ce marché et/ou de limiter/interdire certaines activités.

Faut-il interdire la création monétaire, autrement dit, faut-il laisser la Banque Centrale fixer une bonne fois pour toutes la quantité des moyens de paiement. Si la création monétaire est interdite, alors la probabilité qu’une bulle du crédit – donc de crise financière – se produise sera beaucoup plus faible – quoique non nulle. Le système gagne en stabilité – car il est figé et ne peut s’étendre. Mais il faut avoir conscience que cela signifie aussi perte de flexibilité du système : une économie ne peut pas croître si la masse monétaire est fixe (à moins d’une déflation). La croissance ne peut avoir lieu que si les moyens de paiements permettant d’alimenter les transactions additionnelles peuvent être créés. Les banques ne pourront pas prêter aux nouveaux investisseurs susceptibles de générer des investissements productifs de l’argent qu’elles n’ont pas. Le système économique est « condamné » à la stagnation – ceci dit, cela ne nous changerait pas beaucoup.

Pour résumer, il faut séparer deux questions à ce problème. A la question de la nationalisation, la question principale me semble être la confiance et le degré d’information que l’on accorde aux agents privés pour financer de manière efficiente l’économie (éviter la mauvaise allocation du capital, les surendettements de secteurs entiers de l’économie, les crises financières) et par symétrie la confiance en la puissance publique. A la question de la fixation de la quantité des moyens de paiement, il ne serait pas sensé de fixer une quantité de monnaie. N’oublions pas que les Banques Centrales ont encore un très grand pouvoir de régulation via la politiques monétaires. Il n’appartient qu’à elles de l’utiliser avec plus de vigueur…

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