Société Le 7 mars 2015

A quand l’image d’un Père Noël vert et obèse ?

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A quand l’image d’un Père Noël vert et obèse ?

À l’heure où une fameuse marque de soda lance en Europe son produit vert à base de stévia (plante édulcorante naturelle originaire d’Amérique du Sud), il convient de se poser quelques questions. Depuis une trentaine d’années, le taux de personnes en surpoids ne cesse de croître dans la plupart des pays industrialisés. Avec la mondialisation, cette tendance s’est progressivement étendue aux pays en voie de développement. Autrefois considérée comme un problème de pays riche, l’obésité est aujourd’hui présente dans la majeure partie des pays à faible et moyen revenu. Ainsi, le « problème de l’Occident » s’est généralisé au reste du monde. Métaphoriquement, la Terre a grossi.

Les chiffres publiés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Office  Fédéral de la Santé Publique Suisse (OFSP) sont là pour illustrer l’ampleur du phénomène. Ainsi, en 2013, 41% de la population suisse présentait un indice de masse corporelle excessif. Entre 1980 et 2013, l’obésité aurait même doublé (OFSP, 2013). Les prévisions ne sont pas non plus rassurantes ; l’OMS estime que, d’ici fin 2015, quelque 2,3 milliards de terriens seront en surpoids et 700 millions seront obèses (OMS, 2014). Pour définir cette tendance mondiale, l’institution dirigée par Margaret Chan parle désormais de « globésité », néologisme issu des termes anglais « global » et « obesity ».

Le surpoids n’est pas qu’un simple problème esthétique. En effet, il a des répercussions non seulement en termes de santé publique mais aussi au niveau psychique, social ou encore financier. Dès lors, comment enrayer ce fléau ?  Malheureusement, il s’agit d’un problème complexe, car les causes qui conduisent à un excès pondéral sont multifactorielles. De nombreuses études ont été publiées pour tenter de comprendre les mécanismes qui conduisent à la prise de poids et ceux qui, au contraire, favorisent un poids sain. Selon de nombreux spécialistes, l’une des stratégies gagnantes semblerait être la prophylaxie chez l’enfant. En un mot : l’éducation.

Actuellement, il semblerait qu’un grand nombre de parents se sentent désemparés, déconcertés et n’aient plus de solution face aux problèmes que leur posent leurs enfants. A en croire certains témoignages, être parent serait devenu de plus en plus difficile : « Quand ma fille fait un caprice, je perds mes moyens. Je cède. » ; « Mon fils, qui vient d’avoir trois ans, m’insulte et me menace quand je ne lui offre pas des bonbons. Je ne sais pas quoi faire »1. Ces déclarations le montrent : des mères et des pères sont accablés et se sentent aujourd’hui impuissants face à leurs enfants. Bien sûr, il ne faut pas dramatiser et généraliser le phénomène à l’ensemble des parents. Néanmoins, certains d’entre eux démissionnent de leur fonction et reportent leur éducation sur une tierce personne ou sur une institution. C’est ce que constate Didier Pleux, psychologue français, au regard de l’augmentation des problèmes de discipline que connaît actuellement l’instruction publique. Voici son propos : « Les comportements d’indiscipline à l’école relèvent le plus souvent d’une grande permissivité parentale à la maison, puisque l’école devient vite le seul lieu de frustration (…). L’éducation appartient prioritairement aux parents, j’en suis le premier convaincu, mais si ceux-ci ont purement et simplement démissionné, comment faire ? »2. François Taillandier, écrivain français, a un avis encore plus tranché sur la question : « Nous avons laissé tomber nos enfants. Par inconscience, par lâcheté, par soumission, par égoïsme. Nous les surmédiatisons dès le plus jeune âge, nous les bourrons de soda, nous les saturons de loisirs, nous leur offrons des baskets Nike, des consoles de jeu, des connexions Internet et des téléphones portables ; nous les amenons chez l’orthophoniste à la première faute d’écriture, chez le psychothérapeute à la première crise de jalousie devant le petit frère ; nous assiégeons l’école, persuadés qu’elle ne fait jamais assez, ni assez bien. Et cependant je dis : nous les avons laissés tomber »3.

Selon Didier Pleux, chaque période historique serait caractérisée par un type d’éducation. Au fil des siècles, les normes éducatives auraient donc évolué en suivant un mode de faire collectif. De fait, au Moyen-Age et jusqu’à la Révolution française, l’éducation était caractérisée par une grande sévérité. Peu à peu, cette forme d’autorité a décliné. Depuis, le psychologue français constate que « si, dans les années glorieuses (avant les années soixante-dix) de l’autorité castratrice, il était souhaitable de contester les rigidités éducatives pour renouer avec les libertés et éviter une normalisation outrancière, au XXIème siècle, en revanche, l’autorité ne saurait être vilipendée puisqu’elle est absente ! »4Selon cet auteur, le constat serait donc le suivant : notre société actuelle, du moins pour le modèle occidental, aurait perdu en autorité. En fait, c’est une bonne chose au regard de l’autorité excessive qu’a pu connaître notre société à une certaine époque. Cependant, il semblerait que le virage de la libéralisation des mœurs et du relâchement éducatif ait été trop prononcé. Un cas concret permet de mettre ce phénomène en évidence: celui de la Suède. En effet, ce pays scandinave, pourtant réputé être un modèle éducatif, serait actuellement en proie à une vague de violence et d’incivilités infantiles. Ainsi, le psychiatre suédois David Eberhard explique dans son livre « Comment les enfants ont pris le pouvoir »5 que les enfants seraient de plus en plus mal élevés. Ce dernier pense que l’élément déclencheur de cette tendance remonte à l’abolition de la loi prohibant les châtiments corporels en 1979. Depuis, les parents auraient opéré un virement éducatif drastique et ne puniraient pratiquement plus leurs enfants. L’auteur constate à partir de ce moment l’émergence d’un phénomène nouveau : l’enfant-roi.

Dès le début des années 80, les parents scandinaves auraient pour la plupart suivi le même processus sociologique : ils auraient de la peine à poser des limites dans un système de sacralisation de l’enfant. L’exemple suédois semble être anecdotique; pourtant il illustre très bien l’augmentation de la permissivité chez les parents occidentaux.

En définitive, la relation entre permissivité parentale et obésité ne peut pas être établie de façon incontestable. Cependant, une étude menée à l’Université de Lausanne6 révèle un lien de causalité entre ces deux composantes. Les résultats de cette recherche montrent qu’une éducation trop permissive conduit plus fréquemment l’enfant à l’excès de poids qu’une éducation dite démocratique7. Par conséquent, Il s’agit là de retrouver un parent équilibré qui agit avec méthode et rationalité, tantôt stricte et tantôt apte au compromis, ni trop sévère, ni trop tolérant. Alors, parents, futurs parents, cessons de faire trop de cadeaux aux enfants afin que les rennes du Père Noël arrivent toujours à tirer le traîneau.

 


1 Témoignages de parents provenant du livre « Et si l’autorité, c’était la liberté ? » Guilbert, D. 2001

2 Pleux, D. (2004). Manuel d’éducation à l’usage des parents d’aujourd’hui. Ed. Odile Jacob. Paris, p. 73

3 Taillandier, F. (2001). Les parents lâcheurs. Ed. du Rocher. Monaco, quatrième de couverture

4 Pleux, D. (2004). Manuel d’éducation à l’usage des parents d’aujourd’hui. Ed. Odile Jacob. Paris, p. 128

5 Eberhard D. (2013), Hur Barnet Tog Makten (Comment les enfants ont pris le pouvoir), Ed. Bladh by Bladh

6 Etude « L’influence du style éducatif parental sur l’activité physique et  l’obésité infantile », Université de Lausanne, Yann Füllemann, 2014

7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Éducation_parentale

 

Ouvrages

Dolto, Françoise. (2000). Les chemins de l’éducation. Ed. Folio essais, Londres.

Nelsen, J. (2012). La discipline positive. Ed. du Toucan. Paris.

Pleux, D. (2004). Manuel d’éducation à l’usage des parents d’aujourd’hui. Ed. Odile Jacob. Paris.

Taillandier, F. (2001). Les parents lâcheurs. Ed. du Rocher. Monaco.

 

Sites internet

Chiffres sur l’obésité, OMS: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs311/fr/ (12.01.15)

Office fédéral de la santé publique, OFSP: http://www.bag.admin.ch (12.01.15)

 

Commentaires

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napster2core

Au risque d'avoir l'air bête, pourquoi s'embêter à chercher des causes si éloignées de la cause principale ? La cause…

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napster2core

Au risque d’avoir l’air bête, pourquoi s’embêter à chercher des causes si éloignées de la cause principale ? La cause principale en est une déconnexion à l’alimentation et une modification drastique de cette dernière. Comme pour beaucoup de domaines, l’homme a décidé de confondre besoin et désire. L’éducation a un role, mais l’éducation ne doit entrer en compte que lorsque la cause a été comprise, et ce n’est pas le cas (je parle là d’une compréhension totale, consciente et inconsciente). Tant qu’on continuera à voir l’alimentation comme on la voit, le monde courrera à sa perte (‘fin, le monde, les humains, mais c’est déjà pas mal).

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