« Tarja » fait partie des livres qu’on dévore, page après page. Chaque instant est un prétexte pour lire. Plus fort encore, Tarja demande parfois de faire une pause, tellement elle nous touche. Le temps de reprendre son souffle, et surtout, de retenir ses larmes.
D’abord dans un style de messages abrégés qui peut en agacer plus d’un, Jean-Noël Sciarini, né à Genève en 1976, sait ensuite reprendre un style littéraire confirmé pour nous emmener subtilement dans le quotidien d’une adolescente citadine.
Tarja a 16 ans. Sa réputation n’est plus à faire : c’est une salope.
Ayant couché avec des dizaines de garçons, elle est rapidement devenue la risée de tous, allant même jusqu’à la création du groupe « si toi aussi tu penses que Tarja est une salope » sur les réseaux sociaux. Mais tout bascule le jour où sa réputation risque de tacher le petit être qui se met à grandir en elle.
L’histoire de Tarja se déroule dans les rues de Genève, un atout qui rythme le récit d’une manière terriblement réaliste. On se retrouve successivement dans les rues de Carouge, les Bastions, ou encore aux pieds du Jet d’Eau. Nicolas Bouvier y est subtilement cité.
Dans son temps mais inspirée du passé, la musique qui accompagne Tarja fait de ce récit un texte presque musical. Ainsi, au fil des pages, Barbara, Sophie Hunger, Stephan Eicher, Oasis, the Beatles, Bob Dylan et Johnny Cash (pour ne citer qu’eux) font voguer le lecteur au gré des émotions de l’héroïne.
Chacun peut se retrouver dans un des personnages ou une des situations racontées : le jeu des apparences, les impacts d’une génération où tout est montré et exposé gratuitement sur Internet, le deuil d’un être proche, une attirance pour son professeur ou son élève, le meilleur ami présent dans toutes les circonstances de la vie, les femmes aux faux-semblants d’indépendance, les aventures débutées sur Internet qui n’aboutiront à rien ou encore les rapports sexuels complètement déshumanisés.
Le roman est structuré dans le sens inverse de la vie : de la mort à la naissance. Quelle sera la solution de Tarja pour rester accrochée à la vie ?
Ceux qui ne se rendent pas compte de la réalité des adolescentes dans une ville comme Genève, qu’ils n’interprètent pas l’histoire de Tarja comme de la fiction ou une exception. C’est bel et bien ce que vivent de nombreuses jeunes femmes au quotidien.
Il serait possible de s’arrêter au récit de Tarja. Plus intéressant, c’est une occasion de rebondir et de se demander quelles sont les dérives de notre société de consommation. Consommation humaine, de sexe et de dignité, où sont les limites du monde de la vitesse et de l’apparence ? A partir de quand les conséquences deviennent-elles indélébiles ?
« Je m’appelle Tarja, j’ai seize ans, j’hypothèque de la tendresse en écartant les cuisses, mon plan épargne pour un peu de tendresse, qui ne vient pas. » (page 17)
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