Hip-Hop Love d’Isabelle Castelli, aux éditions HQN
Isabelle Castelli, auteure du roman Hip Hop Love, vous raconte à travers la voix de son héroïne Eva comment elle est parvenue à être publiée, depuis la rédaction des premières lignes de son livre jusqu’à la sortie de celui-ci.
« Bonjour, hello, hola, salam, shalom,
Eva Martin du magazine Gracias!
Oups là non, pardon, y a erreur. Reprenons. Ça, ce sont les premières paroles que je prononce dans Hip Hop Love, le roman dont je suis l’héroïne. Là, on n’est pas dans le roman, mais dans un article qui retrace « l’itinéraire d’une héroïne de roman qui voulait exister », à savoir, et vous l’aurez compris si vous suivez un minimum, personne d’autre que… moi-même!
Évidemment, la bienséance aurait voulu que ce soit Isabelle Castelli, mon auteure, ma génitrice, qui prenne la parole. Mais Isabelle, parler à la première personne, ce n’est pas son fort. S’il avait fallu attendre après elle, cet article n’aurait jamais vu le jour. Et comme elle est sympa – un peu de lèche au passage – et que je lui dois quand même d’exister, je me suis proposée : « Je te l’écris ton article. Tu m’as voulue journaliste après tout. La communication, ça me connaît, et tu m’as fait parler pendant 400 pages, on n’est pas à 3 près ».
Vous auriez dû voir sa tête : sourire éclatant, yeux brillants, allégorie du soulagement. Je suis sûre que j’aurais pu en profiter pour la mettre à genou et qu’elle s’engage sur le champ à me mettre en scène dans un deuxième roman. Parce que le premier, ça déménage franchement. Elle nous emmène sur quatre continents ! Donc voilà : Isabelle, au passage si tu me lis, on remet ça quand tu veux. (Toujours important d’assurer la suite des évènements.)
Mais ne nous égarons pas. Je suis là pour retracer un itinéraire. Attaquons donc par le début : le point de départ. J’ai fait mon entrée dans l’univers romanesque un après-midi de novembre 2012. Un après-midi d’automne peut-être plus froid que d’habitude, plus terne, plus gris, dans un paysage de montagne, un peu austère. Un après-midi où Isabelle se lamentait : « Qu’est-ce que je peux faire ? J’ai rien à faire ! Bientôt 40 ans, toujours ras de terre». Genre. Style. Mais elle peut être comme ça Isabelle, très négative. Là, je suis intervenue, parce que quand même, pauvre bichette, elle me faisait de la peine. « Hey, ho, je suis là moi, si tu veux on fait un bout de chemin ensemble, je t’ouvre mon cerveau». Et, miracle, elle m’a entendue, puis elle a bien voulu m’écouter… Et voilà, c’était parti pour dix-huit mois de rédaction. Bien sûr, il y a eu des interruptions, des quasi-ruptures, des périodes de découragement. Mais on a tenu bon. Et on est arrivées au bout de l’histoire, ensemble, en mars 2014, sous le soleil du Sénégal.
Vous ne connaissez pas le Sénégal ? Alors prenez un billet et allez y faire un tour, vous ne serez pas déçus! Je me souviendrai toujours du moment où elle a posé le point final, dans un appartement qui donnait sur une cour où des moutons bêlaient. Où une lumière aveuglante envahissait la pièce derrière les moustiquaires. Où, dès qu’elle sortait, une myriade d’enfants venait à sa rencontre. Où parfois, les soirs de fête, les rythmes des tam-tams la berçaient jusqu’au sommeil. Où le muezzin, les appels à la prière, ponctuaient ses journées. Elle s’y trouve bien au Sénégal, Isabelle, et c’est là qu’elle a écrit ses plus belles pages, enfin celles que je préfère, les quarante dernières. Vous aimeriez savoir pourquoi ? Que peut-il bien se passer à la fin du roman ? Eh bien, je ne dirai rien. Vous irez voir par vous-mêmes. (Reine de la com’, je vous l’avais dit).
Bref, en mars 2014, le livre est fini. Tout ça c’est bien gentil, mais maintenant on fait quoi ? On le laisse prendre la poussière sur une étagère ? Pas question ! Je veux exister, pour de vrai, aux yeux de tous et pas seulement ceux de ma chère Isabelle, aussi jolis soient-ils… (Elle va me le faire ce deuxième roman, je vous le dis, encore deux trois remarques de ce genre, et c’est dans la poche !).
Mais quelle direction prendre maintenant que le manuscrit existe ? D’abord, s’assurer qu’il tient la route. Le faire imprimer en plusieurs exemplaires et le filer à des âmes charitables qui voudront bien se fendre d’un peu de leur temps pour le lire, et en rendre compte, sans hypocrisie ni faux semblant. Là, j’ai eu les chocottes. Un simple « c’est de la merde ton truc, aux chiottes» et c’en était fini de moi. Mais les retours ont été bons et Isabelle s’est sentie pousser des ailes, et moi avec.
Elle est ensuite passée à la troisième étape : le faire lire à des professionnels, susceptibles de le publier. Elle est donc partie sur le Net, a relevé la marche à suivre chez quelques maisons d’édition avec pignon sur rue, et elle a préparé ses envois. Vous voyez le genre ? Grosses enveloppes en papier kraft avec soufflet. Je l’ai regardée faire mais j’avais déjà ma petite idée. Je suis un peu du milieu, et moi aussi j’ai écrit un bouquin… Vous savez, dans le roman… Enfin non vous ne savez pas, pas encore. Mais là aussi je n’en dis pas plus, sachez juste que j’ai mes entrées et que je me suis renseignée. Et j’ai vu le truc arriver gros comme une maison. Elle allait se manger des portes l’Isabelle, des portes blindées, des murs de prison.
Car il est plutôt fermé, le monde de l’édition ! Soit tu connais des noms, t’es recommandé, et tu peux être assuré que ton roman sera lu, à défaut d’être accepté. Soit tu connais personne, et là, c’est hard. Ils reçoivent des manuscrits par milliers, leurs cahiers de publications sont surchargés et il faut bien faire le tri, surtout pour les premiers romans (qui, semble-t-il, ne représentent qu’un petit pourcentage des ventes ; économie quand tu nous tiens…).
Je lui ai dit : « qu’à cela ne tienne, mets une jupe, des talons, pointe-toi dans les lieux fréquentés par ce beau monde. Ou alors fais confiance à la magie des rencontres. Peut-être que dans une librairie, tu vas tomber sur un auteur en train d’admirer son œuvre en tête de gondole. Tu lui lances un regard de velours, des « help me » clignotant plein les yeux, tu lui dis que tu as adoré son livre et en avant la musique. Avec un peu de chance il va te parrainer et le tour sera joué. Y a le risque qu’il attende quelques faveurs en échange, mais bon ma belle, faut ce qu’il faut ! ». Alors là, Isabelle a été catégorique : hors de question. Elle voulait qu’on y arrive seules. Devant sa détermination, j’ai renoncé. Et à la réflexion, je me suis dit que, oui, mon plan il était plutôt cramé.
Elle s’est donc lancée sans piston mais en évitant l’écueil de la mauvaise ligne éditoriale. Et elle a plutôt bien ciblé… mais elle s’est faite refouler. Pas toujours de manière élégante d’ailleurs. Il y en a même une, dont je tairai le nom, qui lui a dit: « la dimension littéraire de votre manuscrit ne nous a pas semblé suffisante pour tenter l’aventure que représente une publication ». Tu parles ? C’est parce que j’ai pas ma langue dans la poche, que j’ai mon franc-parler ? Je t’en ficherais du littéraire. Je suis comme je suis. À prendre ou à laisser. J’ai vu rouge et j’ai dit à Isabelle : « c’est bon, on va chercher ailleurs. Y a forcément moyen ! ».
En fait, j’en savais rien mais c’était pas le moment de flancher. Après, bien sûr, Internet c’est fabuleux, ça peut ouvrir des portes. Alors on s’est dit : pourquoi pas l’auto-édition ? Certains auteurs ont débuté comme ça. Isabelle s’est donc inscrite sur Kindle et a étudié la marche à suivre. Un vrai coaching à l’américaine, une flopée de mails où un mec qui ne t’a jamais parlé t’appelle par ton prénom et te relance trois fois par semaine. Mais il fallait tout faire : l’editing, la couverture, le quart de couverture, la promotion, etc. Déjà qu’elle court partout Isabelle, je me suis dit que ça allait être compliqué à gérer. On a fait marche arrière.
Là, je dois avouer qu’on a traversé une période difficile. Enfin surtout moi. Je voyais bien qu’elle était à deux doigts d’abandonner. Mais le destin s’en est mêlé. Une pote d’Isabelle a rencontré, par hasard, un jeune éditeur qui venait de monter sa boîte. Il a bien voulu lire le roman et lui donner son avis. Il l’a aimé, l’a trouvé plutôt bien écrit – enfin un mec clairvoyant qui ne s’arrête pas à quelques expressions familières –, et lui a dit qu’il ne pourrait pas s’en charger car il ne publiait pas de littérature féminine. Mais il lui a donné un conseil : « Cherche partout, pas que chez les grosses boîtes, va sur Internet, dans les librairies, relève des noms, pas forcément ceux que tu connais, persévère. » Et lui, elle l’a écouté. J’étais un peu furax : qu’est-ce qu’il avait de plus que moi, ce gars ? Mais bon, j’ai ravalé ma fierté. Elle était prête à reprendre le taureau par les cornes et c’était l’essentiel.
Alors, Isabelle est retournée sur le Net. Elle a élargi le champ de recherches. Elle a découvert une série de maisons d’édition un peu spéciales, celles qui font de la publication à compte d’auteur partiel. Le principe est le suivant : tu te fais publier sur papier avec editing et travail graphique, tu te fais promouvoir, d’accord, mais tu participes aux frais. En gros : 3000 euros pour 400 exemplaires dont le prix est fixé à 22 euros l’un et dont tu touches 23%. Vingt-deux euros ? Faut pas déconner ! On a fermé le clapet de l’ordi et on est allées en librairie.
Et c’est là que mon itinéraire s’achève. Ou presque. Isabelle a pris la direction du rayon littérature féminine. Elle a relevé des noms sur des couvertures qui lui plaisaient, parmi lesquels Mosaïc. Elle a cherché qui se cachait derrière. Et elle est tombée sur Harlequin ou plutôt HQN, la filiale francophone et primo-numérique de cette boîte, au départ canadienne, qu’on ne présente plus. Elle a envoyé son texte sous Word. Huit semaines après, elle recevait une réponse positive. Et le plus fou dans l’histoire ? C’était écrit depuis le début. Ceux qui liront le roman comprendront.
Je résume donc. La publication est d’abord un travail de longue haleine et une affaire de patience. Les chemins possibles sont multiples : l’édition papier classique, plutôt avec piston ; l’auto-édition, avec bien du courage et de la polyvalence ; l’édition à compte d’auteur partiel, avec des sous ; l’édition numérique, avec un brin d’humilité et un soupçon de chance. À chacun de trouver le sien.
Si vous êtes arrivés au bout de cet article, et que vous m’avez supportée pendant 3 pages, vous en reprendrez peut-être 400 de plus ? Le roman Hip Hop Love est donc disponible en France sur toutes les plateformes numériques : Fnac, Google Play, Amazon, Kobo, etc., mais aussi en Belgique (meslivresnumeriques.be), en Suisse (e-readers.ch) et au Canada (renaud-bray.com). Et si c’est Isabelle que vous voulez, parce que vous estimez que je lui ai volé la vedette – non, non, je ne le prends pas mal –, vous pouvez la retrouver sur Instagram, sur Twitter, sur sa page auteure Facebook ou sur son blog.
Legui, legui, ciao, salut, hasta luego, bebenem ! »
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