Membres des Jeunes Vert-e-s genevois
Un parlement plus vert, plus jeune et plus féminin : tel est le résultat des élections fédérales en Suisse. S’agit-il pour autant d’un vote idéologique en faveur de l’écologie ? Les Verts pourront-ils vraiment porter la voix des écoliers et étudiants, tenants des manifestations pour le climat, sous la Coupole fédérale ? Alessandra Oriolo, députée verte au Grand Conseil genevois, répond aux questions de Charlotte Frossard et Sophie Helle.
Le succès électoral des Verts fut sans appel en ce dimanche 20 octobre : le parti constitue désormais la quatrième force électorale au sein du Conseil national. Alessandra Oriolo, quelle est votre réaction en tant que jeune députée verte à la pensée de la composition de ce nouveau parlement pour les quatre prochaines années ?
Alessandra Oriolo : Je suis très heureuse et émue par ces résultats. Le travail des Vert.e.s depuis presque quarante ans pour une politique environnementale et sociale forte porte ses fruits aujourd’hui. Nous observons une tendance solide de progression des Verts à Genève et partout en Suisse depuis quatre ans (+ de 41 sièges dans les parlements cantonaux) et cela nous réjouit. À Genève, les Jeunes Vert.e.s comptabilisent un score de plus de 3% au Conseil national et se positionnent comme première jeunesse du Canton, pas loin derrière le traditionnel parti du PDC qui obtient un score de 7%. C’est historique !
Le changement est véritablement en marche et ce n’est pas juste une vague. Cela montre aussi que les mobilisations citoyennes pour le climat et pour les femmes ont eu un impact sur les votes d’aujourd’hui. Nous avons un parlement fédéral plus jeune, plus vert, plus féminin et plus progressiste. C’est une réelle avancée. Cependant, nous restons encore trop minoritaires au sein du Conseil national pour réussir à faire totalement basculer les choses. On verra donc ce que cela donne durant ces quatre années.
Comment analysez-vous le succès du parti des Verts et des Vert’libéraux, au détriment de partis traditionnels fortement ancrés en Suisse comme l’UDC, le PS et le PLR ?
A. O. : L’écologie devient un vrai thème politique et les électeurs et électrices ne sont plus dupes. Je pense que les Vert’libéraux ont probablement récupéré des sièges du PDC ou du PLR. Les Vert.e.s ont su lever de nouvelles forces électorales. On observe que les électeurs et électrices veulent que les choses bougent et cela passe par un désaveu des partis traditionnels. La jeunesse et les femmes ont également été mieux plébiscitées.
Le plébiscite en faveur de la candidate verte Lisa Mazzone est effectivement impressionnant. Selon vous, a-t-elle davantage bénéficié de la préoccupation pour le climat ou des revendications et grèves féministes de cette dernière année ?
A. O. : Je pense que le travail de Lisa Mazzone ces dernières années porte ses fruits. Elle représente la transition, la jeunesse et les femmes. C’est donc un ensemble de choses.
Pensez-vous que le vote en faveur des Verts est un réel vote idéologique, ou un vote qui répond simplement à une actualité brûlante et anxiogène (Lisa Mazzone a elle-même parlé d’un momentum sur Léman Bleu dimanche) ?
A. O. : Je pense qu’il y a un climat favorable mais que ce sont de véritables préoccupations qui vont au-delà d’un simple trend. La population commence à réaliser que la question climatique est celle qui doit être au centre de nos politiques et celle qui définira notre futur. Je pense que les mobilisations citoyennes ont aidé à mettre en avant ce que Les Vert.e.s prônent depuis presque 40 ans.
Doit-on profiter de cette opportunité pour développer une véritable « culture de l’écologie » et pour implémenter des politiques durables en ce sens ?
A. O. : Oui, l’écologie doit rentrer dans tous les discours et toutes les politiques publiques. Elle doit devenir le jalon de notre politique globale. C’est une nécessité pour l’avenir de nos enfants.
Craignez-vous une instrumentalisation de la question écologique et du « mouvement Greta » par les autres partis, par exemple en vue des élections municipales genevoises de 2020 ?
A. O. : On l’a déjà constaté pour les élections nationales où la plupart des partis ont axé leurs campagnes sur la question écologique. Si cela permet de vraiment thématiser le sujet, pourquoi pas, mais dans les faits, il faut savoir que peu de partis soutiennent vraiment les réformes nécessaires pour une politique écologiste forte par la suite. Nous voulons du concret.
Comment la question féministe a-t-elle été intégrée dans le parti des Verts dans cette campagne électorale ? Qu’ont-ils concrètement fait, et que peuvent-ils faire pour les femmes sous la Coupole fédérale ?
A. O. : Les Vert.e.s ont toujours été le parti de l’égalité. La parité est inscrite dans nos statuts depuis de nombreuses années. Nous présentons des listes paritaires et nous encourageons beaucoup la jeunesse et les femmes à s’engager. La preuve avec les dernières élections cantonales à Genève où nous avons été quatre femmes de moins de 30 ans élues, et huit femmes pour sept hommes !
À Berne, nous défendrons notamment un congé parental, une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration et l’égalité salariale. À Genève, nous avons d’ailleurs déjà déposé plusieurs textes en faveur de l’égalité.
Voyez-vous dans ces deux combats (protection du climat et promotion de l’égalité hommes-femmes) une cohérence sur le plan des valeurs ? Le féminisme est-il – ou doit-il – être écologique ? Et inversement ?
A. O. : Les deux sont liés. Il n’y a pas d’écologie sans solidarité et donc d’égalité. Le respect et l’égalité sont donc au cœur de l’écologie. Une société durable est une société dans laquelle les femmes ont pleinement leur place. Une société durable est une société où il y a une justice climatique mais aussi sociale. Cela va de pair. C’est pourquoi la politique des Vert.e.s doit être une politique de gauche.
Cette vague verte a sans aucun doute bénéficié des manifs pro-climat, portées par de nombreux jeunes à travers le monde. Comment ces jeunes – adolescents, enfants, écoliers, étudiants – seront-ils représentés à Berne ? Et comment les intégrer au mieux dans le programme des Verts ?
A. O. : Il y a plusieurs jeunes et femmes qui ont été élues, notamment Céline Vara, Lisa Mazzone et Irène Kälin qui sauront représenter la jeunesse. Les Vert.e.s sont en lien étroit avec les Jeunes Vert.e.s et travaillent beaucoup avec eux. En tant que jeune verte, je travaillerai pour que la voix des jeunes soit portée plus haut, sous la Coupole fédérale.
Les attentes envers les tenants de la vague verte seront importantes, que ce soit au niveau national ou cantonal – ce qui vous concernera directement, en tant que députée au Grand Conseil genevois. Avez-vous peur que votre parti déçoive ?
A. O. : J’ai pleinement confiance en mon parti surtout avec des député.e.s comme Lisa Mazzone, Nicolas Walder et Delphine Klopfenstein qui sont des pointures de notre parti et pour qui j’ai beaucoup d’estime. Je crains en revanche que sur les 200 conseillers nationaux, 60 élu.e.s de gauche ne suffisent pas toujours à faire pencher la balance. Les rapports de force seront difficiles : à Berne, il faut pouvoir faire une majorité et nous serons encore minoritaires. Les attentes sont nombreuses, certes, mais les résultats ne dépendront pas que de nous, hélas. En revanche, nous nous battrons pour défendre nos valeurs environnementales et sociales.
D’un point de vue plus personnel, comment intégrez-vous la défense de l’écologie et du féminisme dans votre quotidien ?
A. O. : Étant une jeune femme verte élue dans un parlement cantonal à tendance de droite, je l’applique en siégeant au sein de ce parlement et en faisant de la résistance. Au Grand Conseil, je défends une politique sociale, pro-femmes et pro-climat. Dans mon quotidien, j’essaye de maximiser les petits gestes essentiels : déplacements à vélo, nourriture biologique et le plus possible locale et végétarienne, tendance au zéro déchet, beaucoup de yoga, une vie sociale et familiale riche. Parce qu’avant de porter de grands combats, il faut être bien dans ses baskets et bien entourée. Chaque petit geste compte.
Enfin, quels sont vos vœux pour les quatre prochaines années en termes de politiques publiques ?
A. O. : Mes vœux pour les quatre prochaines années en termes de politiques publiques ? Une véritable vision concertée du rôle de l’État qui sorte de la logique des silos. L’environnement et l’égalité comme fondement de toute politique publique pour une cohérence. Chaque politique publique devrait être pensée en s’assurant qu’elle soit durable, juste et égalitaire. Il faut une véritable vision à long terme, encore trop absente aujourd’hui.
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