L'encrier Le 26 juin 2015

L’art est flexion – Une réflexion sur l’art en holorimes (et autres jeux de langage)

0
0
L’art est flexion – Une réflexion sur l’art en holorimes (et autres jeux de langage)

La Muse Amusée au Musée – Marzare

L’amateur, après un amas d’heures passées dans une exposition (qu’il s’agisse d’art contemporain ou de codex médiévaux), ne sort pas indemne. Pire, il se retrouve face aux plus grandes questions existentielles : qu’est-ce que l’art ? à quoi ça rime ? à quoi ça sert ?

L’art existe depuis que l’Homme des cavernes a découvert qu’un morceau de bois calciné avait l’étrange propriété de faire des traits noirs sur les murs. Inutile, donc, de tergiverser des heures sur le pouvoir de l’art : Homo sapiens est le seul animal à en faire. Et si déjà des lustres avant d’écrire on cherchait à laisser une trace visuelle de sa présence insensée d’être humain, c’est qu’il doit résider en cet acte quelque chose dépassant tout raisonnement. Toutefois, ces interrogations restent toujours suspendues entre un bloc de silence et une boule à facettes multipliant au cours du temps les hypothèses. En effet, l’être humain d’aujourd’hui se préoccupe moins de ses instincts primitifs que ses ancêtres, dont l’être sensé ne cherchait qu’à satisfaire les plus basiques besoins. Maintenant, l’humain pense, réfléchit et se demande toujours ce qu’il fait là.

Il se rend compte que, malgré le progrès technologique, la capacité de se déplacer dans l’autre hémisphère terrestre en quelques heures et la découverte du Smartphone, personne n’en a la moindre idée. Pourtant, tout un chacun continue de s’évertuer à donner un sens à ce qui n’en a pas en faisant preuve d’imagination : certains aspirent au spirituel, d’autres se tournent vers Dieu – personnage indémodable –, pendant que les uns se jettent dans la mission de crever l’abcès de l’Absurde, d’autres tendent à déguster la saveur thé-vanille de la Vanité en sombrant dans les paradis artificiels. Enfin, d’autres sont à la recherche du sens et de l’essence du tout et du rien à travers l’art.

Mais l’art… Qu’est-ce que c’est ? EH BIEN L’ART EST FLEXION !

La réflexion n’a qu’un outil : le langage. On dit souvent du bien de lui, comme on dit qu’il est source de conflits. Et on raconte même qu’il serait « le propre de l’Homme » (tout comme l’art : ça tombe bien !). Par langage, on entend le lent gage des phonèmes pour parler des phénomènes et constituer des Fra Zaa avec Suger verbeux, complets, aimants. Il s’utilise donc pour communiquer en comique société, par les cris parle aux râles, pour essayer de se comprendre1.

Par conséquent, l’art serait un langage. Pendant des siècles, il servait à maintenir la tradition et se transmettait par des images. Son rôle était alors de narrer à l’illettré ce qu’il est très important de savoir : les histoires de l’habit bleu et les victoires de l’an pire. Puis, après que la paire iode Mehdi et Val, Maude Erne déboule avec son labo de l’abstrait, puis arrive Quentin Porreaux qu’on tend pour rien. L’art a tant fléchi et été réfléchi qu’il est devenu concept et idée, un doux met l’ange d’émaux et dix mages. Ainsi, l’art changea de paradigme : le prosélytisme posa les armes et la prose élitiste s’impose et désarme. L’utilité fondamentale de l’art résiste et réside dans l’acte de dire quelque chose – même si ce n’est rien. L’art est flexion, évolution (et vole ! eussions-nous le rôle d’arbitre du libre art-pitre). Au même titre que le langage, l’art est donc constitué d’éléments qui possèdent différentes flexions. En effet, les mots ont la particularité d’avoir une finale morphologique variable quand on ajoute une désinence. À son image, l’art se réfléchit dans le signe et désigne le sens de la vie au lavis, aux trois crayons2 et dans la grave Ur. Le cours de l’art s’étire, se fléchit, se courbe au fil du temps, tant que l’artiste courbe ses cours et réfléchit sur ses tirs.

Le langage, certes… Mais qui parle ? Et à quoi ça rime ? L’artiste est le locuteur, il est celui qui agit et agite les mots et les émaux (couleurs desquelles découle l’heure des querelles). L’artiste contemporain blâme les vagues à l’âme et VLAM ! dans ses blagues, nous allâmes (nous, amateurs d’art contents pour rien). La folle force de l’art se déchaîne, désinvolte, lorsque hurle « crie et crée ! » la petite voix à l’intérieur de ces porteurs d’œuvres – artistes autrefois penchés sur leur châssis, à présent perchés comme un chat assis. L’arrêt « Flexion » est celui qu’ils ne doivent pas louper : l’art est fait qu’si on écoute l’artiste qui décrit et décrie la société et, comme si la sauce y était, détruit les truismes à coups de dés. Et la plupart du temps, l’artiste décline toute responsabilité en cas de mauvaise interprétation de ses œuvres.

Ah ! Et donc, à quoi ça sert ? Oui, parce que le monde de l’art, les artistes, tout ça… C’est bien joli ! Mais quelle est sa fonction primordiale ? Il est d’abord dirigé par les gens dont l’art est l’argent. Faire des affaires dans les « Art Fair » est comme une muse qui s’amuse dans un musée : il s’agit de goûter aux affres des Enfers ! Alors à quoi bon ? Avant toute chose, l’art est bien plus qu’un simple gagne-pain : il est un besoin, une culture, un devoir, un « Es muss sein ! », une mission développés par l’humain pour réfléchir sur le monde, s’abîmer en lui-même et contempler, déplier les contes des templiers. Et bien sûr, quand on est face à une œuvre, avant même la réflexion, l’essentiel est le plaisir… Et l’essence – ciel ! – elle plaît, Sir !

Vioxymore.

 

Cet article a été publié en avril 2015 dans la troisième édition de Fraîcheur Létale, le journal de l’association des étudiant-e-s en Histoire de l’Art, Ekphrasis.


1. Bien que, selon Bernard Werber , « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre », dans L’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, 1993, Albin Michel.

2. C’est-à-dire jouer au Pierre Noir qui crée une blanche sans guigne.

Crédits dessin: « La Muse amusée au Musée », dessin au crayon noir sur papier, 14,8 x 21 cm, 2015, créé par Marzare (Mathias Tuosto). Vioxymore et Marzare collaborent sur un projet intitulé « Morécages » que l’on peut retrouver sur le site www.morecages.com.

Laisser un commentaire

Soyez le premier à laisser un commentaire

Laisser une réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *
Jet d'Encre vous prie d'inscrire vos commentaires dans un esprit de dialogue et les limites du respect de chacun. Merci.