International Le 14 août 2015

Entretien exclusif: le jeune Néo-Zélandais voulait réaliser un documentaire pour sensibiliser sur la question des stages non payés à l’ONU, révèle-t-il sur Jet d’Encre

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Entretien exclusif: le jeune Néo-Zélandais voulait réaliser un documentaire pour sensibiliser sur la question des stages non payés à l’ONU, révèle-t-il sur Jet d’Encre

David Hyde

[The interview can be found in English below]

 

Le 6 août, un e-mail atterrit dans la boîte électronique de Jet d’Encre1. Une personne y explique avoir rencontré par hasard un Néo-Zélandais en stage à l’ONU qui s’apprêtait à passer la nuit sous une tente au bord du lac Léman. Faute de moyens, celui-ci n’aurait pas trouvé de logement pour vivre à Genève. Quatre jours plus tard, l’information est relayée par la Tribune de Genève et 24 heures. L’émotion suscitée est si vive que les deux quotidiens se fendent le lendemain d’un nouvel article (ici et ici). Scandalisées de voir un jeune stagiaire onusien à la rue, de nombreuses personnes ont spontanément proposé de l’accueillir. Ces dernières heures, l’affaire a même connu une résonance internationale: le New York Times, le Washington Post, la BBC, le Daily Mail, The GuardianThe Telegraph, France TV, Le Figaro, ou encore le New Zealand Herald en ont notamment parlé.

Des zones d’ombre apparaissant dans cette histoire, nous avons décidé dès lundi de mener notre enquête. En exclusivité pour Jet d’Encre, nous avons obtenu jeudi soir les premières confidences détaillées de David Hyde, le jeune stagiaire néo-zélandais qui a démissionné de son poste à l’ONU mercredi midi. Il déclare avoir agi de la sorte dans le but d’éveiller les consciences sur les stages non payés à l’ONU et de réaliser un documentaire sur cette problématique.

 

Il semble, bien que vous ayez effectivement dormi sous tente, que la couverture médiatique était préméditée. Pouvez-vous clarifier les faits?

Tout ce qui a été dit dans les médias concernant ma situation est réel. Oui, j’ai été (jusqu’à aujourd’hui) stagiaire à l’ONU. Oui, j’ai dormi sous tente à Genève. Oui, je n’avais pas les moyens de vivre 6 mois ici. Oui, je voulais travailler aux Nations unies. Oui, je voulais créer un débat. Oui, je voulais problématiser l’injustice des stages non payés. Oui, je voulais trouver un moyen de favoriser le changement et, à ces fins, j’ai voulu faire un documentaire sur la question pendant mon stage. Et oui, j’ai organisé la médiatisation afin que les médias traitent cette question.

Mais aurais-je pu imaginer ou prévoir la réaction médiatique qui s’en est suivie? Absolument pas.

 

Quel était votre but?

Les problèmes liés à la jeunesse sont notoirement sous-traités dans les médias. Le but de tout ça était d’attirer leur attention sur la question des stages non payés. Le sujet n’est pas traité parce que les jeunes gens qui se trouvent dans cette position ont beaucoup à perdre en médiatisant leurs problèmes – si vous avez déjà travaillé des mois gratuitement, vous n’avez pas envie de vous compromettre en exposant le fait que vous vous êtes senti maltraité. J’espère que tout ça aura créé une plate-forme pour les autres stagiaires et les organisations du monde entier afin de diffuser le message – parce que cette histoire est certainement plus importante que la mienne.

 

D’une certaine façon, vous avez trompé les médias et les lecteurs, à Genève et dans le monde. Est-ce que la fin justifie les moyens, selon vous?

J’étais un stagiaire non payé aux Nations unies et je vivais sous tente. Ces faits sont véridiques. L’angle pris par l’article a suscité la sympathie des Genevois. Avec énormément de gratitude, j’aimerais les remercier pour avoir été si accueillants et avoir été prêts à m’aider. Toutefois, la responsabilité d’assurer le bien-être des stagiaires n’incombe pas à ces gens généreux, mais plutôt aux organisations et aux entreprises qui les emploient. Ma médiatisation n’a jamais eu pour but de susciter l’empathie pour ma situation, puisque j’ai l’entière responsabilité de m’y être trouvé. Pour cette raison, accepter ces offres bienveillantes me mettait mal à l’aise.

En fin de compte, il n’y a eu qu’un seul média qui a soulevé la question de savoir pourquoi j’avais l’intention de parler aux médias. C’est Jet d’Encre. Après avoir rencontré ses membres en privé, il m’est apparu qu’ils avaient une meilleure compréhension de mes intentions que les autres médias. Je leur ai révélé toute l’histoire sous réserve qu’ils respecteraient mon choix du moment pour révéler toute la vérité. Ils ont compris mon souhait de laisser du temps aux autres stagiaires et organisations pour capitaliser sur le « momentum » que l’histoire initiale avait suscité. 

Concernant la question de savoir si la fin justifie les moyens, je crois que ceux qui sont les mieux placés pour juger de ça sont les jeunes gens dans le monde entier qui sont confrontés à la réalité de leurs stages non payés.

 

Nous avons été particulièrement préoccupés par la problématique des stages non payés, deux articles ayant été publiés sur Jet d’Encre à ce sujet (ici et ici). Aujourd’hui, cette thématique a atteint un « momentum » médiatique. Pensez-vous que votre démarche améliorera la situation?

Je pense qu’il est trop tôt pour le dire. Selon ce que j’ai vu et entendu, cela a créé un niveau de débat sur les droits des stagiaires sans précédent. Un porte-parole des Nations unies a déclaré que si un État membre introduit une résolution pour payer les stagiaires, il n’a aucun doute que celle-ci serait adoptée. Je crois que les organisations de stagiaires auront dès à présent un rôle clé pour s’assurer que ceci devienne réalité.

La question n’a jamais été de savoir si moi j’allais personnellement améliorer la situation. La prochaine étape est de dépasser mon histoire et, pour les autres, de profiter de l’attention médiatique afin d’illustrer encore plus la réalité des stagiaires d’aujourd’hui. Je ne suis pas le seul au monde à avoir accepté un stage avec un budget très limité – cela arrive tout le temps. Et pour chaque stagiaire qui accepte un stage non payé, il y en a d’autres qui, parce qu’ils n’en ont pas les ressources financières, n’ont pas cette chance. Les inégalités de ce système se poursuivent et le problème doit être abordé.

J’espère que d’autres utiliseront cette plate-forme afin d’aborder les questions simples que nous devons considérer : pourquoi ne nous donne-t-on pas les droits que nous méritons ? et que peut-on faire pour changer cela ?

 

ENTRETIEN EN VERSION ORIGINALE :


Exclusive: the young tenting New Zelander wanted to film a documentary in order to raise awareness on the issue of unpaid internship at the UN, he reveals on Jet d’Encre.

On the 6th of August, Jet d’Encre received an email. In it, a person explains having come across a New Zelander intern at the UN that was setting his tent by the Lake Geneva. That person said he couldn’t afford to rent a place in the expensive Swiss city. Four days later, Tribune de Genève broke the news. The emotion following was so important that the newspaper followed up with a new article. Outraged by this situation, lots of people offered to help. The news soon became relayed internationally by The Washington Post, the Guardian, and the New York Times, amongst other prestigious media outlets.

Many loopholes appeared, so that we decided to investigate. Exclusively for Jet d’Encre, David Hyde, the New Zelander intern that was tenting in Geneva, gives his story.

He says he wanted to raise awareness on unpaid internships at the United Nations and to film a documentary about this issue.

 

It appears, although you did sleep in a tent, that the media coverage was premeditated. Can you get the facts straight.

Everything that has been disclosed in the media about my situation is real. Yes, I was (until today) an intern at the UN. Yes, I slept in a tent in Geneva. Yes, I couldn’t afford 6 months living here. Yes, I wanted to work at the United Nations. Yes, I wanted to create a discussion. Yes, I wanted to make a point about the injustice of unpaid internships. Yes, I wanted to find a way to influence change and to do so I intended to make a documentary about the issue while doing my internship. And yes, I organised a tip off to get the media to shed light on this issue.

But I could never have imagined or predicted the media reaction that followed? Absolutely not.

 

What was the ultimate purpose of it all?

Youth issues are notoriously under-reported. The purpose of this was to bring the issue of unpaid internships into the media’s attention. The topic itself is not always talked about because young people in these positions have a lot to lose by making their issues public – if you’ve already spent months working for free, you’re not going to compromise that by speaking out about how you felt mistreated. I hope that this has created a platform for other interns and organisations across the world to get the message out about the issue – because the story is certainly bigger than my case alone.

 

In a certain way, you misled the media and readers in Geneva and worldwide. Did the ends justify the means, according to you?

I was an unpaid intern at the United Nations and I was living in a tent. These facts are true. The angle which the story took evoked sympathy from the people of Geneva. With great gratitude, I want to thank the people in Geneva for being so welcoming and ready to help out with my situation. However, the responsibility to ensure the welfare of interns should not lie with these generous people, but rather with the organisations and companies who are employing interns. My tip-off to the media was never incentivised to evoke sympathy as I take full responsibility for the situation I found myself in. For this reason, I felt too uncomfortable to accept the kind of offers I did receive.

Ultimately, there was only one media source that was raising the question of my intentions in talking to the media. That was Jet d‘Encre. After meeting with them off the record it was clear that they had a much better understanding of my intentions than what all other sources were exploring. I told them the full story on the agreement that they would respect my right to choose when I wanted to go public with the entire truth and they understood my desire to give other interns and organisations time to build the momentum the initial story had created.

Regarding the question of whether the ends justify the means – I believe that the judge to that question should be the young people all over the world who are confronted with the current reality of unpaid internships.

 

We have been particularly concerned about the unpaid intern issue, two articles have been published in that respect on Jet d’Encre (here and here). Today, the topic has reached a mediatic momentum, do you think that you will improve the situation?

I think it is perhaps too early to tell. From everything that I have seen and heard, this has created an almost unprecedented level of discussion on intern rights. A UN spokesman has stated that if a Member State introduces a resolution to pay interns, he has no doubt that it would be adopted. I believe that intern organisations will now play a key role in ensuring this happens.

It has never been about whether I, personally, would improve the situation. The next step is to move beyond my story and for others to take advantage of the media attention to further illustrate the intern reality. I am not the only one in the world who accepted an internship on a very tight budget – it happens all the time. And for every intern who accepts an unpaid internship there are others who, just because of their financial situation, didn’t have the chance in the first place. The inequalities this system perpetuates need to be addressed.

I hope that others will use this as a platform to address the simple questions we need to face. Why are we being denied the rights we deserve? And what are we going to do about it?

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David Hyde by the Lake Geneva.

 


1. Les auteurs de cet article sont tous membres du comité directeur de Jet d’Encre, c’est pourquoi ils ont eu accès à cet e-mail.

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