L'Entretien Jet d'Encre Le 7 avril 2020

L'Entretien Jet d'Encre #24,
Avec Thomas Wiesel

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Avec Thomas Wiesel

©Laura Gilli

Valeur certaine de la scène humoristique romande, nul besoin de présenter Thomas Wiesel. Une bonne dose de sang-froid, un t-shirt graphique, une plume et un sens de l’humour bien aiguisés, c’est la recette qui fonctionne pour lui. Il excelle là où on ne l’attend pas, à l’instar de sa brillante entrevue sur Thinkerview1, un tour de force qui vaut le détour. Entretien écrit – confinement oblige – avec la personne qui nous fait désormais rire chaque semaine devant les conférences de presse du gouvernement.


 

Salut Thomas, comment vas-tu ?

Thomas Wiesel : Ça va bien ! Un peu fatigué, mais ça fait dix ans au moins, donc on s’habitue.

 

Depuis l’annonce des mesures du Conseil fédéral, tu es très actif sur les réseaux sociaux. Tu me disais que tu n’as jamais dû autant produire de contenu, notamment des chroniques écrites et filmées. Comment t’adaptes-tu à ce nouveau rythme ?

TW : Ah, je ne dois pas, je suis mon propre patron, c’est moi qui me fixe de faire plein de trucs. J’ai rarement autant produit, d’une part parce que sur Internet, contrairement à la scène, c’est constamment de l’inédit, et comme je ne sais pas improviser, faire des face cam ou des lives, c’est beaucoup d’écriture. Et d’autre part, parce qu’il y a plein d’activités chronophages qu’on n’a plus le droit de faire, donc je me retrouve avec beaucoup d’heures pour travailler.

 

 

Ressens-tu une « pression » supplémentaire de devoir faire rire ? Comment arrives-tu à garder la tête froide ?

TW : Ouais c’est assez particulier, je crois que c’est pareil pour mes collègues, on reçoit pas mal de messages de soutien et de reconnaissance, je crois que l’heure est à la bienveillance, et les gens prennent la peine de remercier celles et ceux qui leur rendent la crise moins pénible. Ça commence bien sûr avec les soignants, tous les métiers de l’approvisionnement, mais les humoristes et les artistes, on est aussi récipiendaires de cet amour. Même si, contrairement à beaucoup trop de jobs, on n’est pas non plus tout au bas de l’échelle de l’appréciation hors crise, là comme on a plus de contact avec le public, c’est agréable.

C’est aussi un peu bizarre, on est beaucoup à être contactés pour passer des messages, que ce soit par certaines instances officielles pour des vidéos de prévention, ou plein de gens qui nous demandent des vidéos de soutien, ou de parler sur tel ou tel sujet. Je suis un peu démuni par rapport à ces demandes, je fais du mieux que je peux pour répondre et trier, mais pour moi c’est important de garder prioritairement la posture d’humoriste, et de faire rire.

 

 

Quelles sont les conséquences directes du report de ta tournée ? Le contenu fourni actuellement permet-il de subvenir à tes besoins ?

TW : Concrètement, je suis salarié de la boîte de production Jokers2, que je possède à 50%. Mon associé, qui s’occupe du management et de l’administratif, a bien géré tout ça, on a pu mettre les humoristes et les employés de la boîte au chômage partiel. Et on a appris un peu plus tard que même nous deux pourrions toucher quelque chose en qualité de patrons salariés de notre propre boîte.

Je ne monétise pas les vidéos que je mets sur Internet. C’est sans doute bête, mais j’ai toujours considéré qu’Internet était une activité annexe pour faire venir les gens dans les salles, et c’est comme ça que je suis payé. Aujourd’hui, à part le chômage, mon seul revenu est la chronique que je tiens chaque semaine dans l’Illustré3 jusqu’à la fin du confinement. Et bien sûr les millions d’actions d’entreprises pétrolières que je possède sur un compte au Panama. Heureusement, l’économie et la bourse vont bien, ouf !

 

Penses-tu que la crise sanitaire actuelle peut ouvrir de nouvelles perspectives pour les artistes indépendant.e.s en Suisse, que ce soit en termes de protection sociale mais également d’opportunités de travail, de créativité, d’affluence ?

TW : C’est dur de parler d’opportunités face à un truc aussi énorme, tragique et imprévisible que ça. Je dirais qu’on s’adapte comme on peut. Je me dis que si davantage de gens me découvrent pendant cette période, et ça semble être un peu le cas notamment en France et en Belgique, ce sont peut-être des gens qui auront envie de venir voir un spectacle ces prochains temps.

Quant aux changements politiques, en général, les crises permettent d’amener des réformes. Si celle-ci pouvait permettre de se rendre compte de l’importance et de la fragilité de certains secteurs, ce serait au moins une conséquence positive.

 

 

Est-ce que la scène te manque ? Est-ce que tu continues à répéter ton spectacle ?

TW : Je ne suis pas un fou de scène qui se sent mal dès qu’il ne peut pas jouer plusieurs jours de suite, contrairement à certains confrères et certaines consœurs. J’aime d’habitude bien les pauses prolongées, et je prévoyais d’en prendre une à l’issue de ma tournée (issue dont je ne connais plus la date du tout, évidemment). Mais là, c’est très différent, le fait de ne pas être maître du truc, d’être plongé dans l’incertitude, à l’affût de la moindre nouvelle. Je ne considère pas cela comme une pause du tout. Et j’ai hâte de remonter sur scène.

On n’est pas dupes, on se doute bien que les spectacles vivants, les grands rassemblements, seront le dernier truc à être ré-autorisé après le déconfinement – peut-être juste avant les manifestations sportives – donc il faut prendre son mal en patience, et serrer les dents pour rattraper un maximum dès qu’on le pourra.

Je n’arrive pas à écrire sur autre chose que ce que l’on traverse. Je n’arrive pas à déconnecter de l’actu. Avec une centaine d’articles par jour sur les thèmes que je suis activement pour mes vidéos, je n’ai vraiment pas le temps en fait. Je n’ai pas touché à mes textes de scène depuis le dernier spectacle « pré-confinement ». De toute façon, je ne répète jamais, je déteste ça et ça me rend moins authentique, je ne sais pas jouer la comédie. Plus je connais mon texte, plus j’ai l’air fake et récité.

 

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter aujourd’hui ?

TW : La même chose qu’à tout le monde : un confinement le moins pénible possible, un vaccin rapide, un médicament efficace, le moins de dégâts possibles causés par ce virus, et une libération pas trop lointaine. Je ne suis pas très exigeant, hein ?

 

Retrouvez-le Thomas Wiesel sur les réseaux :

https://www.youtube.com/thomaswieselcomedy

https://www.instagram.com/wieseltom/


 

1. https://www.youtube.com/watch?v=GyoW77ZervA

2. https://www.jokerscomedy.ch/

3. https://www.illustre.ch/magazine/quelques-bulles-legerete

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