International Le 23 juin 2017

Qu’en est-il de l’accord de paix en Colombie?

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Qu’en est-il de l’accord de paix en Colombie?

[Yina Avella]

Après 53 ans de conflit armé, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) devraient terminer de rendre toutes leurs armes cette semaine. Ce délai a été annoncé le 29 mai dernier par le président de la République de Colombie, Juan Manuel Santos. En effet, la première phase du processus de paix, qui aurait dû être mis en place en six mois, jusqu’au 31 mai dernier, a pris du retard. Bilan sur la mise en œuvre de l’accord avec les ex-combattants des Farc dans l’une des 26 zones de transition vers la normalisation (ZVTN) à Mesetas, dans le département de Meta, l’un des plus touchés par le conflit.

 

Une fois passé les contrôles de l’Armée colombienne, nous roulons encore quelques kilomètres sur une piste en terre inondée par les pluies des dernières semaines. L’entrée officielle de la zone de transition « Mariana Páez » se trouve aux portes du campement des Farc. Contrôlé par leurs propres membres, l’accueil est plutôt chaleureux. À l’occasion du 53ème anniversaire des Farc le 27 mai dernier, des membres de la famille des ex-combattants, des universitaires, des représentants de l’église, des mouvements sociaux et des ONG ont été invités à prendre part aux festivités.

Une journée hautement symbolique dans la mesure où il s’agit du dernier anniversaire des Farc en tant que mouvement armé. « Aujourd’hui, ils rêvent avant tout de la paix pour les communautés rurales les plus abandonnées par l’État ainsi que toutes les victimes marginalisées que comptent les grandes villes du pays », affirme notamment le commandant Aldinever Morantes. Des trois jours passés sur place, nous retenons un discours homogène sur le souhait de pouvoir mener une vie politique et sociale en tranquillité, dans des conditions dignes et avec les mêmes droits que tous les citoyens colombiens.

 

Engagements non respectés

Six mois après la signature de l’accord entre le gouvernement colombien et les Farc, force est de constater que Bogota traîne le pas et n’a toujours pas respecté ses engagements. Les baraquements ne sont pas construits, les sanitaires sont inexistants, tout comme les cuisines ou encore les infrastructures d’approvisionnement d’eau potable. À leur arrivée, il y a quatre mois, les ex-combattants ont dû construire de leurs propres mains un campement pour plus de 600 habitants.

Aujourd’hui, la zone se résume à des cabanes construites en bois et en bâches qu’ils ont rassemblées. L’eau provient de la rivière ou des pluies. La cuisine se fait principalement sur un feu de bois. En bref, leurs conditions de vie sont encore identiques à celles qu’ils avaient durant le conflit, lorsqu’ils luttaient encore armés dans les campagnes colombiennes. Toutefois, une chose est de vivre simplement en temps de guerre, motivés par une lutte pour leurs idéaux ; une autre est de choisir de déposer les armes et rêver d’un quotidien stable.

À 4 kilomètres de ce premier campement, le gouvernement colombien a entrepris la construction d’un lieu de vie destiné à accueillir une centaine de personnes. Sachant qu’il est prévu d’y accueillir environ 800 amnistiés, les installations ne sont pas suffisantes. De plus, les constructions sont en grande partie inachevées et comportent des défauts qui mettent en danger 164 amnistiés habitant actuellement la zone.

 

Précarité et dépendance

Durant cette période de transition, les Farc sont très dépendants de l’État. Ce dernier est garant du ravitaillement en nourriture et en médicaments. Il arrive toutefois que les provisions arrivent avec plusieurs semaines de retard. Cette grande précarité affecte la santé physique et mentale des ex-combattants, ainsi que celle de leurs enfants. En effet, depuis cinq ans, date du début des négociations à La Havane, les membres des Farc ont commencé à fonder leur propre famille, animés par l’espoir d’un retour à la vie civile. Néanmoins, aucune mesure n’a été prévue dans les accords quant aux besoins particuliers des nouveau-nés.

À ce jour, les mécanismes contenus dans l’accord de paix ne sont pas encore entrés en vigueur ou dysfonctionnent. Selon les dirigeants des Farc, le retard dans l’accomplissement des tâches que le gouvernement s’était engagé à accomplir justifierait un ralentissement du désarmement. Il s’agirait d’une manière de mettre la pression sur l’État afin qu’il garantisse l’implémentation de ce qui a été accordé. Sans surprise, le 29 mai dernier, un nouveau calendrier a été dévoilé. La durée des zones de transition a été prolongée jusqu’au 1er août prochain et la fin du désarmement a été fixée au 20 juin 2017. Pourtant, à ce jour, seul 60% des armes ont été enregistrées, selon le rapport des Nations unies.

Malgré le retard des processus, une partie de la société colombienne croit encore à la fin d’un conflit armé. À présent, un travail important de pédagogie de paix et de reconnaissance des ex-combattants en tant que citoyens doit impérativement être mené afin d’assurer la reconstruction du tissu social, fortement affaibli après plus de 50 années de guerre.

 

Une version courte de cet article a été publiée dans Le Courrier le 6 juin 2017.

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